Présentation des faits 1
Un propriétaire charge une agence immobilière de mettre en location une maison lui appartenant.
Le 17 novembre 2004, M.L. visite le bien en question et se présente à l'agence. Il verse par ailleurs une somme de 900 euros représentant le premier mois de loyer.
L'agence immobilière lui remet un reçu attestant du paiement, lequel indique, en outre, que M.L. s'engage de manière ferme et définitive dans la location, laquelle ne deviendra toutefois effective qu'après la signature du bail par le propriétaire du bien.
Le 18 novembre 2004, le propriétaire a fait visiter l'immeuble à une connaissance, Mme A., et l'a invitée à prendre contact avec l'agence immobilière aux fins de régler les détails pratiques de la location.
Le 19 novembre 2004, l'agent immobilier contacte M.L. et son époux pour leur annoncer le refus du propriétaire de leur louer l'immeuble. Il leur laisse également un message sur le répondeur téléphonique, en ces termes : « C'était pour vous dire qu'on avait eu les propriétaires au téléphone et qu'ils souhaitaient louer le bien à un couple traditionnel ... malheureusement ... donc ... c'était pour vous téléphoner pour que vous veniez récupérer le premier mois de loyer et peut-être que l'on vous propose autre chose ... ».
Consulté par M.L. et son époux, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme intente une action en cessation contre l'agence immobilière
Décision du Tribunal de première instance de Nivelles
Le Tribunal rejette l'argument du propriétaire du bien qui affirmait avoir simplement souhaité donner le bien en location à une personne qu'il connaissait.
Au contraire, le Tribunal constate que l'agent immobilier, chargé de faire connaître le refus du propriétaire, a reconnu, de manière claire et précise, que le motif du refus était la volonté de donner en location à un couple « plus traditionnel ».
Le Tribunal estime dès lors que le fait pour un bailleur de manifester sa préférence pour un couple qu'il juge « plus traditionnel » que le couple homosexuel candidat à la location constitue un comportement discriminatoire en vertu de la loi du 25 février 2003.
Par ailleurs, compte tenu du risque de réitération du fait discriminatoire, le juge ordonne de cessation du comportement dans le chef du propriétaire.
Bon à savoir
L'article 1er du Code de déontologie des agents immobiliers dispose que : « Dans le cadre de l'exercice de la profession, les agents immobiliers se conforment également aux principes de dignité et de probité inhérents à la profession et respectent les dispositions légales et réglementaires qui concernent cet exercice (...) et notamment la loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination » 2.
La loi du 25 février 2003 a désormais été remplacée par la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination. Il découle de cette loi qu'un agent immobilier ne peut, dans le cadre de sa mission, exercer aucune différence de traitement qui manque de justification objective et raisonnable et qui est directement fondée sur l'un des critères protégés, c'est-à-dire l'âge, l'orientation sexuelle, l'état civil, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ou philosophique, la conviction politique, la conviction syndicale, la langue, l'état de santé actuel ou futur, un handicap, une caractéristique physique ou génétique, l'origine sociale 3.
L'agent immobilier ne peut donc pas poser des conditions discriminatoires d'accès à l'opération pour laquelle il intervient. Ainsi, il ne peut par exemple pas refuser de louer ou de vendre un bien à une personne sur base de sa couleur de peau ou de son orientation sexuelle, quand bien même il en aurait reçu instruction de la part de son commettant. 4
L'utilisation d'un critère de distinction intrinsèquement suspect fait également présumer la discrimination 5. Tel n'est cependant pas le cas lorsque l'agent immobilier se soucie de la solvabilité des candidats locataires et de la correspondance de leurs profils respectifs à la nature et à la situation du bien dès lors qu'il est légitime que le commettant exige une sélection rigoureuse sur la base de ces deux critères 6.
Dans l'hypothèse où le commettant impose à l'agent immobilier d'opérer une sélection discriminatoire entre les candidats, celui-ci doit en principe refuser ou mettre fin la mission qui lui est confiée. De même, si le commettant refuse de conclure une vente ou une location avec un candidat présenté par l'agent, pour un motif discriminatoire, l'agent peut considérer que ce refus est abusif et exiger par conséquent le paiement de sa commission ou d'une indemnité compensatoire 7.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Civ. Nivelles (cess.), 19 avril 2005, J.T., 2005/21, p. 380.
2. Article 1er du Code de déontologie de l'Institut professionnel des agents immobiliers.
3. Article 7 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination.
4. F. Van den Bosh, « La déontologie des agents immobiliers », Jurim Pratique, 2013/1, p. 86.
5. Article 28, § 1er de la loi du 10 mai 2007.
6. Mons, 16 mai 2013, J.T., 2013/26, p. 498.
7. Voy. N. Bernard et B. Louveaux, « La responsabilité pénale des parties au contrat de bail », Jurim Pratique, 2010/1, pp. 107 et suivants.