Présentation des faits 1
Un contrat de courtage immobilier, intitulé « permis de visiter et de vendre », est conclu entre un agent immobilier et la propriétaire d'un immeuble, par lequel cette dernière lui donne la mission exclusive de trouver des acquéreurs pour son immeuble pour une durée de douze mois.
Pendant la période d'exclusivité, la propriétaire vend l'immeuble à un amateur qui n'était pas un client de l'agent.
L'agent immobilier fait valoir que l'immeuble a été vendu grâce à ses efforts et reproche à la propriétaire d'avoir passé le compromis de vente en violation de la clause d'exclusivité. Il intente dès lors une action contre celle-ci pour lui réclamer les honoraires qu'il estime lui être dus. Son action se fonde notamment sur l'article 6 de la convention qui stipule : les propriétaires s'engagent à ne pas traiter en l'absence de l'agent, à défaut, ils se portent garants des honoraires vis-à-vis de ce dernier.
En première instance, le juge condamne la propriétaire à payer la somme de 700 euros ainsi que les intérêts judiciaires. La propriétaire fait appel.
Décision de la Cour d'appel de Mons
La Cour d'appel de Mons constate que le contrat de courtage a été conclu en complétant les mentions préimprimées d'un modèle rédigé par l'agent immobilier et auquel il a été demandé au propriétaire d'adhérer. Il s'agit donc d'un contrat d'adhésion. Il en résulte qu'en cas de doute sur sa portée, ce contrat doit être interprété contre l'agent.
En l'espèce, la Cour estime que le contrat est effectivement obscur et ambigu. En effet, au lieu d'être intitulé « contrat », il se nomme « permis », ce qui peut faire croire qu'il n'a pas de valeur véritablement contraignante. Il résulte par ailleurs, des différentes clauses du contrat, que celui-ci ne laisse pas suffisamment apparaître l'existence d'une obligation dans le chef de la propriétaire de payer les honoraires ou une indemnité correspondant à ceux-ci dans le cas où elle trouverait elle-même un amateur qui n'était pas un client de l'agent immobilier pendant la période d'exclusivité.
Par conséquent, en vertu de la règle d'interprétation contra proferentem, il y a lieu de considérer que le contrat pouvait de bonne foi être interprété par la propriétaire comme un simple permis de faire visiter et de vendre pendant douze mois moyennant la faculté laissée à l'agent immobilier d'imposer au futur acquéreur le paiement de ses honoraires.
Il en résulte que la propriétaire n'est pas tenue de payer de quelconques honoraires à l'agent si l'immeuble a été vendu à un amateur qui n'était pas un client de l'agent pendant la période d'exclusivité.
La Cour d'appel de Mons casse donc l'arrêt rendu par le premier juge.
Bon à savoir
Lorsqu'un contrat de courtage est conclu entre un agent immobilier et un particulier, propriétaire de l'immeuble mis en vente, ce contrat est soumis à la réglementation en matière de pratique du marché et de protection du consommateur 2.
Toutes les clauses écrites stipulées par un professionnel envers un consommateur « doivent être rédigées de manière claire et compréhensible », sous peine de se voir appliquer l'interprétation contra proferentem 3. Cette règle signifie que dans les contrats d'adhésion, c'est-à-dire les contrats rédigés par une seule des parties, le plus souvent le professionnel, et auquel l'autre partie se contente d'adhérer, les clauses ambigües ou obscures doivent être interprétées contre celui qui les a rédigées 4.
L'article VI. 37 du Code de droit économique étend cette règle à tous les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur : en cas de doute sur le sens d'une clause, l'interprétation la plus favorable au consommateur prévaut 5.
Cette règle reçoit une interprétation large dès lors que le législateur n'exige pas que le doute sur le sens ou la portée de la clause soit invincible : tout doute, quel qu'il soit, suffit à justifier l'interprétation en faveur du consommateur 6. En outre, c'est l'interprétation « la plus favorable » au consommateur qui doit prévaloir. Par conséquent, si la clause peut faire l'objet de plusieurs interprétations qui sont avantageuses pour le consommateur, le juge doit privilégier celle qui lui est la plus intéressante 7.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Mons, 13 janvier 2005, J.L.M.B., 2005/24, p. 1047.
2. Livre VI du Code de droit économique.
3. P. Wéry, « L'interprétation contra proferentem », J.L.M.B., 2005/24, p. 1050.
4. G. Carnoy, « Les sanctions du non respect de l'arrêté royal du 12 janvier 2007 relatif à l'usage de certaines clauses dans les contrats d'intermédiaires d'agents immobiliers », Jurim.Pratique, 2012/12, p. 169.
5. Article VI. 37 du Code de droit économique.
6. Exposé des motifs du projet de loi modifiant la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur, Ch. repr., session ordinaire, 1997-1998, 1565/1, p. 6.
7. P. Wéry, « L'interprétation contra proferentem », J.L.M.B., 2005/24, p. 1053.