Présentation des faits 1
Le 30 avril 2002, un couple confie à un agent immobilier un mandat exclusif et irrévocable de vente qui prévoit que l'agent immobilier a pour mission de rechercher un acquéreur pour la vente d'une maison leur appartenant pour le prix de 154.500 EUR. Ultérieurement, les parties acceptent de réduire le prix à 111.500 EUR.
Le 23 août 2002, le couple écrit à l'agent immobilier pour lui annoncer qu'il renonce à la tacite reconduction du contrat de mandat. Il demande également des justificatifs des prestations accomplies par l'agent.
Le 28 août 2002, l'agent immobilier fait parvenir des justificatifs. Il indique par ailleurs aux propriétaires qu'il prend note de ce que le mandat prendra fin le 30 avril 2003 et signale que le prix lui semble encore très élevé, et qu'une autre société a évalué la maison entre 75.000 et 79.300 EUR.
L'agent immobilier continue toutefois de proposer le bien du couple à la vente sur son site Internet et notamment les 3 décembre 2002, 27 décembre 2002 et 6 janvier 2003, trois et quatre mois après la lettre de rupture à exposer l'immeuble dans sa vitrine par une affiche qui s'y trouvait encore le 31 décembre 2002.
Le 12 septembre 2002, l'avocat des propriétaires écrit à l'agent immobilier pour lui faire savoir que le contrat de mandat conclu entre les parties est nul. L'avocat de l'agent immobilier conteste la nullité du contrat et menace de faire application de la clause de dommages et intérêts.
Le 28 octobre 2002, l'agent immobilier facture aux propriétaires la somme de 4.047,45 EUR représentant 3% du montant de la vente. Les propriétaires refusent de payer et contestent la clause de rémunération figurant à l'article 4 du contrat de mandat conclu entre les parties.
L'agent immobilier introduit alors une action en justice afin de faire constater la résiliation unilatérale du contrat de mandat par les propriétaires et les faire condamner à lui payer la somme de 4.047,45 EUR, outre les intérêts judiciaires et les dépens.
En première instance, le juge estime que le contrat n'est pas nul, que le consentement des propriétaires n'a pas été vicié par un dol. Il indique également que l'agent immobilier a poursuivi l'exécution du contrat et, que ce faisant, il n'a pas considéré que celui-ci a été rompu fautivement par les propriétaires. Il rejette donc la demande de l'agent immobilier. Ce dernier décide alors de faire appel contre ce jugement.
Décision de la Cour d'appel de Mons
La Cour constate que l'article 4 du contrat de mandat conclu entre les parties stipule que : « les honoraires, dans lesquels sont compris les frais du mandataire, sont fixés forfaitairement à 3% du prix de vente avec un minimum de 2.000 EUR. La TVA est à charge du mandant (...) Si le mandataire parvenait à vendre le bien à un montant supérieur à celui indiqué ci-dessus, la différence serait acquise à raison de 50% à titre d'honoraires pour la Centrale immobilière de Couillet et de 50% pour le propriétaire »;
Les propriétaires prétendent qu'il résulte de cette clause que l'agent immobilier avait intérêt à fixer le prix de vente le plus bas possible. Par conséquent, celui-ci n'a cessé de tenter d'obtenir la diminution du prix de vente souhaité pour pouvoir obtenir des honoraires supplémentaires et exorbitants fixés à 50% de la proportion du prix dépassant le prix fixé.
Les propriétaires estiment donc qu'ils ont été victimes d'un dol de la part de l'agent immobilier. Ce dol aurait vicié leur consentement et justifierait la nullité du contrat de mandat conclu avec l'agent immobilier.
A cet égard, la Cour rappelle que le dol doit nécessairement être antérieur ou concomitant à la conclusion du contrat. Or en l'espèce, les manœuvres prétendument dolosives de l'agent immobilier sont postérieures à la conclusion du contrat de mandat et ne peuvent donc pas être constitutives d'un dol.
La Cour ajoute que les parties à un contrat conclu en vue de la vente d'un immeuble sont en principe libres de fixer la rémunération due à l'agent immobilier, sauf abus manifeste. Le caractère excessif d'une clause du contrat de mandat ne justifie toutefois pas l'annulation du contrat qui la contient mais uniquement la non-application de la clause abusive. Par conséquent, quand bien même la clause contenue à l'article 4 du contrat de mandat conclu entre les parties est excessive, la Cour estime que la demande d'annulation du contrat de mandat pour dol ne peut être accueillie.
Elle condamne également les propriétaires à payer à l'agent immobilier la somme de 2.000 euros pour résiliation anticipée du contrat de mandat.
Bon à savoir
Le dol constitue un vice de consentement pouvant affecter la validité d'un contrat. En effet, l'article 1116 du Code civil indique que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté 2.
Le dol consiste donc en une divergence entre la volonté réelle et la volonté déclarée provoquée par des manœuvres frauduleuses 3.
Le dol suppose l'existence de manœuvres provoquant ou entretenant une erreur dans le chef de celui qui s'en plaint. En outre, les manœuvres doivent présenter un caractère intentionnel dans le chef de leur auteur pour pouvoir être qualifiées de dol 4.
Enfin, ces manœuvres doivent avoir été utilisées au moment de la formation du contrat et non plus tard puisque elles doivent avoir altéré le consentement de la victime. Il faut, en effet, qu'en l'absence de ces manœuvres, la victime n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes 5.
Il résulte de cette condition que la manœuvre de l'agent immobilier qui consiste à demander initialement pour le bien immobilier un prix bas afin de pouvoir réclamer des honoraires de courtier plus importants dans le cas où il obtiendrait un prix de vente supérieur, ne constitue pas un vice de consentement parce que cet artifice n'est utilisé ni pendant les négociations ni au moment de la formation du contrat de mandat 6.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
_____________________
1. Mons, 11 avril 2005, R.G.D.C., 2007/ 9, p.577.
2. Article 1116 du Code civil.
3. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 247.
4. Cass., 16 septembre 1999, A.J.T., 2000-2001, p. 787.
5. Cass., 23 septembre 1977, J.T.T, 1978, p. 362.
6. Voy. B. Kohl, La vente immobilière, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 114.