Présentation des faits 1
Un couple a acheté à des vendeurs un « chalet avec terrasse », par l’intermédiaire d’un agent immobilier.
Les acquéreurs souhaitaient faire des transformations sur le bien acheté. Ils ont donc contracté un emprunt supérieur au prix d’achat afin de procéder aux opérations préalables à la transformation.
C’est à ce moment que les acquéreurs ont été avertis de la structure particulière de l’immeuble, qui est en réalité une caravane résidentielle dont le volume a servi de base à la construction d’un chalet en briques.
Aucun document contractuel ne mentionnait la particularité tenant à la structure de l’immeuble.
Selon l’expert judiciaire, une telle structure ne permettait pas de transformer le bâtiment, au risque de le déstabiliser. En outre, la présence de la caravane constituait un risque et non une certitude pour la stabilité de l’ouvrage à long terme.
Par conséquent, les acheteurs ont introduit une action en responsabilité contre les vendeurs et contre l’agent immobilier et ont invoqué des manœuvres dolosives à leur encontre, manœuvres ayant vicié leur consentement lors de la vente.
Selon les acheteurs, il faudrait ériger en faute le fait pour l'agence immobilière de ne pas avoir suspecté la véracité des propos tenus par ses clients et des informations fournies par ceux-ci.
Le Tribunal de première instance a annulé la vente pour dol principal dans le chef des vendeurs et ces derniers ont interjeté appel de la décision.
Décision de la Cour d’appel
La Cour constate que les acheteurs ont été trompés lors de l’acquisition de l’immeuble, ceux-ci n’ayant pas vu la particularité de la structure du chalet.
La Cour d’appel déclare qu’en l’espèce, il y a bien dol de la part des vendeurs.
En effet, les acquéreurs ont entendu acquérir un immeuble dans lequel ils pourraient faire des transformations. Il n’incombait pas aux acquéreurs de prévenir les vendeurs de leurs intentions d’entamer des transformations, dès lors qu’il est habituel d’y procéder dans ce cas d’espèce.
Par contre, il appartenait aux vendeurs de prévenir les acquéreurs de la spécificité de la structure de l’immeuble puisque celle-ci ne permettait pas de transformation et diminuait l’usage qui pouvait en être fait.
Selon la Cour, le dol des vendeurs consiste en leur silence quant à la particularité de la structure dont les vendeurs devaient informer les candidats acheteurs.
La Cour annule donc la vente litigieuse pour dol principal dans le chef des vendeurs et confirme le jugement entrepris. Elle condamne aussi les vendeurs à restituer aux acheteurs le prix d’achat à augmenter des intérêts compensatoires et moratoires et à leur verser une certaine somme à titre de dommages et intérêts.
La Cour décide que le notaire et l'agent immobilier ne peuvent être rendus tiers complices du manquement du vendeur lorsque rien ne leur permettait de suspecter la véracité des propos tenus par les propriétaires. La Cour déclare même que l’agent immobilier a été trompé de la même manière que l'expert de l'organisme prêteur, les acquéreurs et l'expert judiciaire.
Il n'est donc nullement démontré que l'agent immobilier aurait manqué au moindre de ses devoirs par négligence ou incompétence.
Bon à savoir
L’article 1116 du Code civil définit le dol comme étant « une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. »
Le dol consiste donc en une discordance entre la volonté réelle et la volonté déclarée provoquée par des manœuvres frauduleuses 2.
Plus précisément, le dol est un vice de consentement qui comporte d’une part, un élément matériel qui peut se caractériser par un comportement actif (mensonges, manœuvres) ou passif (réticence dolosive) et d’autre part, un élément psychologique qui se caractérise par la volonté de tromper. En outre, le comportement doit émaner d’une des parties contractantes et avoir une influence sur le consentement pour entrainer la nullité de la convention 3.
Dans le cadre de la vente d’immeuble, tout vendeur normalement prudent et diligent doit être de bonne foi et doit décrire précisément le bien qu’il met en vente.
Il est utile de rappeler que le dol ne peut être invoqué lorsque les manœuvres et les mensonges incriminés sont tels que l'acheteur pouvait, en fait, facilement les vérifier et les déjouer 4.
Ne pas informer l’acquéreur de la particularité de la structure du bien vendu (une caravane dont le volume a servi de base à la construction d’un chalet en briques), constitue une manœuvre dolosive dans le chef des vendeurs.
De par leur obligation de bonne foi, ils avaient l’obligation de décrire précisément le bien qu’ils mettaient en vente par l’intermédiaire de l’agent immobilier.
Concernant le notaire et l'agent immobilier, ils ne peuvent être rendus tiers complices du manquement du vendeur lorsque rien ne leur permettait de suspecter la véracité des propos tenus par les propriétaires.
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1. Liège, 6 juin 2011, J.L.M.B., 2012/30, p. 1428-1432.
2. P. VAN OMMESLAGHE, Droit des obligations, T. I., Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 247.
3. B. KHOL, La vente immobilière. Chronique de jurisprudence 1990-2010, Bruxelles, Larcier, 2012, pp. 114-115.
4. A. MEINERTZHAGEN-LIMPENS, Traité élémentaire de droit civil belge, tome IV, vol. I, 4e édition, Bruylant, p. 125.