Présentation des faits 1
Une dame confie à une agence immobilière la mission de vendre son immeuble.
Un couple formule une offre qui n'est pas acceptée par la vendeuse. Une seconde offre est alors formulée pour un prix plus élevé mais avec une condition suspensive de l'octroi d'un prêt hypothécaire. La propriétaire accepte cette offre.
La vendeuse rédige un compromis de vente non daté et ne reprenant pas la condition suspensive. Le notaire transmet ce compromis à l'agence immobilière afin qu'elle l'envoie au couple d'acquéreurs. Un mois plus tard, le notaire informe le couple que la vente doit en réalité être considérée comme nulle et non avenue.
Le couple décide néanmoins de signer le compromis de vente et de le faire enregistrer.
La propriétaire introduit une action en justice afin de demander l'annulation de la convention de vente ainsi que l'annulation des effets de l'enregistrement du compromis. Par ailleurs, elle conteste les honoraires réclamés par l'agence immobilière car elle estime que les prestations de cette dernière n'ont été qu'imparfaitement exécutées, puisque l'acte authentique de vente ne fut finalement jamais signé.
En première instance, le juge considère que le couple a commis une faute en ne réagissant pas à la réception du compromis de vente et que cette abstention est suffisamment grave pour justifier la résolution de la vente et l'octroi de dommages et intérêts au profit de la vendeuse. Il déboute par ailleurs l'agence immobilière de sa demande relative au paiement de ses honoraires au motif que l'agence a commis plusieurs fautes contractuelles.
Le couple et l'agence immobilière font appel de cette décision.
Décision de la Cour d'appel de Mons
La Cour d'appel rappelle que la vente sous condition d'octroi d'un crédit hypothécaire constitue une vente sous condition suspensive dès lors que la condition ne dépend pas exclusivement de la volonté des parties.
Une condition suspensive sur laquelle les parties ont marqué leur accord ne peut entraîner la nullité de la vente contrairement à une condition purement potestative, mais peut être réputée accomplie si le débiteur de l'obligation s'abstient d'effectuer les démarches nécessaires à l'accomplissement de cette condition.
En l'espèce, la propriétaire ne peut invoquer des manœuvres dolosives de la part du couple en vue de gagner du temps dès lors que de son côté, elle s'est abstenue de mettre les acquéreurs en demeure ou d'invoquer, à défaut de délai conventionnel, le dépassement du délai raisonnable.
Il en découle que la vente conclue entre les parties est valable et que le couple peut contraindre la propriétaire à passer l'acte authentique de vente.
En ce qui concerne les honoraires de l'agence, la Cour considère qu'aucun manquement professionnel ne peut être reproché à l'agence immobilière pour n'avoir pas attiré l'attention la propriétaire sur l'existence d'une condition suspensive, celle-ci étant libellée de manière intelligible.
Bon à savoir
Un compromis de vente peut être assorti de certaines conditions. La condition est un évènement futur et incertain.
Lorsque le compromis est conclu sous condition suspensive, la vente n'existe pas tant que l'événement futur et incertain ne s'est pas réalisé. Par contre si le compromis est conclu sous condition résolutoire, la vente existe mais l'accomplissement de la condition va mettre fin à celle-ci 2.
Par ailleurs, certaines conditions sont interdites par le législateur. Tel est les cas des conditions purement potestatives, c'est-à-dire des conditions dont la réalisation dépend uniquement de la volonté de celui qui s'oblige, c'est-à-dire de la seule volonté du débiteur 3. Ces conditions rendent nulles les obligations auxquelles elles sont jointes 4.
La vente d'immeuble sous condition de l'obtention d'un crédit hypothécaire constitue au regard de cette distinction une vente sous condition mixte au sens de l'article 1171 du Code civil et non une vente sous condition purement potestative 5. En effet, cette condition ne dépend pas exclusivement de la volonté du débiteur mais également de la volonté d'un tiers à savoir l'établissement de crédit.
Une telle condition ne peut dès lors entraîner la nullité de la vente au sens de l'article 1174 du Code civil, lequel ne vise que les conditions purement potestatives. Cette condition peut cependant être réputée accomplie en application de l'article 1178 du Code civil si le débiteur s'abstient d'effectuer les démarches nécessaires en vue de réaliser la condition.
La loi prévoit en effet expressément que la condition suspensive est réputée réalisée si le débiteur, par son fait, empêche cette réalisation 6. L'acheteur qui ne déploie pas les efforts que l'on peut raisonnablement attendre de sa part en vue d'obtenir le crédit, se rend à cet égard coupable d'une inexécution fautive et la condition suspensive sera réputée accomplie. Le vendeur pourra, dès lors, obtenir la résolution de la vente ou la condamnation de l'acheteur à l'exécution en nature ou à des dommages-intérêts 7.
En tant que professionnel de l'immobilier, l'agent immobilier a un devoir de conseil envers ses clients. Il doit donc en principe informer le vendeur de l'existence d'une condition suspensive dans le contrat de vente et de l'intérêt que celle-ci peut avoir pour le vendeur. Dans l'accomplissement de ce devoir, l'agent tient compte du fait que ses clients n'ont pas toujours les connaissances et la compréhension des situations juridiques relatives à la propriété immobilière 8. Il n'est toutefois pas tenu d'attirer l'attention du propriétaire sur l'existence d'une condition suspensive lorsque celle-ci est libellée de manière intelligible 9.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Mons, 25 juin 2010, J.L.M.B., 2012/11, p. 513.
2. Tribunal civil de Bruges, 2 octobre 1985, R.G.E.N., 1986, p. 380.
3. Article 1170 du Code civil ; H. De Page, Traité, t. I, n° 155 et 155bis.
4. Article 1174 du Code civil ; Cass., 25 novembre 1988, R.W., 1989-1990, p. 1290.
5. Article 1171 du Code civil.
6. Article 1178 du Code civil.
7. Cass., 15 mai 1986, J.T., 1987, p. 4.
8. Appel Bruxelles, 28 janvier 1999, J.T., 1999, p. 624.
9. Mons, 25 juin 2010, J.L.M.B., 2012/11, p. 513.