Présentation des faits 1
Les propriétaires d'un immeuble ont confié un mandat exclusif de vente à une agence immobilière. Dans le contrat qui a été conclu, figure une clause selon laquelle la rémunération de l'agent immobilier sera perçue à la signature de l'acte authentique.
Deux époux proposent un prix pour l'acquisition de l'immeuble qui est accepté par les vendeurs. Un compromis de vente est signé quelques semaines plus tard, qui contient diverses conditions suspensives, et un acompte est transmis à l'agence immobilière.
Après avoir découvert certains vices grevant le bien, les acheteurs se ravisent et entreprennent de négocier avec les vendeurs. Les parties conviennent de résilier amiablement le compromis et indiquent à l'agence qu'elles souhaitent la restitution de l'acompte.
Face au refus de l'agence immobilière, les vendeurs agissent en justice afin d'obtenir la restitution de l'acompte et le paiement des intérêts. L'agence prétend que le contrat auquel elle est partie a été parfaitement exécuté, de sorte que la rémunération est due.
Le tribunal de première instance de Liège a considéré que l'agence n'avait pas droit de réclamer des honoraires et la condamna au paiement des sommes réclamées. L'agence immobilière interjeta appel.
Décision de la Cour d'appel de Liège
Dans son arrêt, la Cour rappelle que l'agent immobilier ne peut prétendre à sa rémunération que si la vente conclue par son intermédiaire se réalise complètement. Cela signifie que si des conditions suspensives ont été insérées dans le contrat de vente, le droit à la rémunération de l'agent dépend de la réalisation de ces conditions.
En l'espèce, le contrat de vente conclu par l'intermédiaire de l'agence immobilière l'a été valablement et a sorti tous ses effets. La circonstance que les vendeurs et les acquéreurs se soient mis d'accord pour résilier amiablement cette vente est sans incidence sur la validité de la convention de vente.
En conséquence, l'agence immobilière est fondée à réclamer le paiement de sa commission, et ce, d'autant qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de sa mission et que la résiliation amiable de la convention ne lui est en rien imputable. La Cour condamne donc les vendeurs a payer la rémunération de l'agent à laquelle il a droit.
Bon à savoir
De manière générale, la rémunération d'un agent immobilier ne lui est due que si le contrat de vente dû à son intervention est parfait ou, en d'autres termes, que si les conditions suspensives assortissant l'engagement des parties sont toutes levées 2. Le fait que le transfert de propriété soit conventionnellement retardé n'empêche pas que la vente soit définitive dès l'échange des consentements, de sorte que la condition d'exigibilité de la commission due à l'agent immobilier peut se trouver remplie dès cet instant 3.
Ainsi, il existe un principe selon lequel la rémunération est due au courtier dès que la convention a pris naissance. Que cette convention soit postérieurement résiliée par les parties ou résolue judiciairement, l'agent immobilier conserve son droit à une rémunération 4. De même, la circonstance que le contrat conclu à l'intervention du courtier reste sans exécution ne prive pas, en règle, le courtier du droit au courtage convenu 5.
Le fait que le contrat, conclu entre l'agence immobilière et les vendeurs, fixe la date d'exigibilité de la commission au jour de la passation de l'acte authentique ne déroge pas à ces règles.
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1. Appel Liège, 19 décembre 2013, R.G. n° 2013/RG/95.
2. L. Collon, Le statut juridique de l'agent immobilier, 2e édition, Larcier 2008, n° 163.
3. A. Meinertzhagen - Limpens, Traité élémentaire de droit civil belge, tome 4, Les principaux contrats, vol. 1, Bruylant, 1997, n° 21, p. 45.
4. Appel Liège, 27 mars 2003, R.G. n° 2001/RG/603.
5. Cass., 27 mai 2010, C.09.0157.N.