Présentation des faits 1
Un homme est propriétaire en indivision d'un immeuble avec ses frères et sœurs. En 2010, ils confient ensemble à un notaire D. le soin de mettre en vente cet immeuble pour un prix de 160.000 euros.
Ils déclarent également n'entamer personnellement aucune négociation et ne charger aucun tiers d'une semblable mission sans en informer le notaire par une lettre préalable. Le contrat prévoit par ailleurs que si le propriétaire charge un agent immobilier ou un autre notaire de la vente dudit bien pendant le contrat, le notaire sera immédiatement considéré comme étant déchargé de la mission et le propriétaire lui sera immédiatement redevable des frais de publicité, d'affichage et des autres débours qu'il aurait avancés.
En 2011, l'homme signe seul un contrat de courtage avec une agence immobilière pour le même immeuble. Le contrat prévoit un prix de vente de 185.000 euros et identifie le notaire D. comme notaire du commettant.
Par la suite, une offre d'achat de 160.000 euros est signée par un candidat acquéreur sur un papier à en-tête de l'agence. L'agence adresse l'offre au notaire D. Quelques jours plus tard, un compromis de vente est signé entre tous les propriétaires et les acquéreurs, en présence du notaire. L'acte authentique de vente est dressé trois mois plus tard devant le notaire D. Dans son état liquidatif, celui-ci impute un honoraire de négociation. L'agence adresse également sa facture d'honoraires relatifs à la vente de la maison. Le vendeur refuse de payer celle-ci.
Après plusieurs rappels, l'agence immobilière assigne le vendeur devant le tribunal de première instance pour obtenir paiement de ses honoraires.
Décision de la Cour d'appel de Mons
La Cour constate que l'agence immobilière n'ignorait pas l'intervention du notaire au moment de la conclusion du contrat de courtage. En effet, l'immeuble était présenté à la vente depuis plusieurs mois par ce notaire.
Il appartenait donc à l'agence immobilière de faire preuve de prudence et de s'informer sur l'étendue exacte du mandat confié au notaire.
En présence de l'intervention d'un notaire, peu importe qu'elle soit exclusive ou non, l'agence devait s'enquérir du type de convention conclue avec ce dernier et avait l'obligation d'informer le vendeur des risques de cumul d'honoraires dont il risquait d'être redevable. De plus, l'article 64 du Code de déontologie des agents immobiliers prévoit que l'agent immobilier ne peut entamer sa mission exclusive de vente sans s'assurer préalablement de la décharge du notaire.
En ne le faisant pas, l'agence a manqué à son devoir d'information et de conseil lors de la formation du contrat.
En outre, la Cour relève le bien a été présenté à la vente à un prix inférieur à celui convenu dans la convention conclue entre le vendeur et l'agence immobilière.
Il en résulte que l'agence immobilière a manqué à ses obligations, tant lors de la phase de négociation du contrat que dans l'exécution de celui-ci. C'est dès lors à bon droit que le vendeur a pu estimer que, la rémunération de l'agence ne pouvant être que la contrepartie des prestations de celle-ci, les nombreux manquements justifient le non-paiement de la facture d'honoraires.
Bon à savoir
En vertu de ses obligations déontologiques, il est recommandé à un agent immobilier de ne pas contracter avec un client lorsqu'il sait qu'une autre personne est chargée de la mission de vendre le même immeuble que celui qui fait l'objet de la convention de courtage 2.
L'article 48 du Code de déontologie des agents immobiliers prévoit à cet égard que l'agent immobilier doit s'informer auprès de son commettant potentiel afin de vérifier si la mission qui lui est proposée n'est pas déjà confiée à un confrère 3.
En effet, l'agent immobilier courtier ne peut sciemment entamer la commercialisation d'un bien faisant l'objet d'une mission réalisée à titre exclusif par un confrère et encore en cours 4. Il ne peut non plus sciemment entamer une mission à titre exclusif lorsqu'un confrère dispose d'une mission non-exclusive afférente à un même bien et encore en cours 5.
Si le commettant porte à la connaissance de l'agent immobilier courtier, au moment de la conclusion d'une mission non-exclusive, l'intervention concurrente d'un confrère agissant sans exclusivité, l'agent immobilier courtier attirera l'attention du commettant sur les risques de cumul d'honoraires dont ce dernier pourrait être redevable 6.
Cette obligation s'impose également à l'égard d'autres personnes qui peuvent intervenir comme intermédiaires dans la mise en vente d'un bien immobilier, comme les notaires.
Ainsi, en présence de l'intervention d'un notaire, peu importe qu'elle soit exclusive ou non, l'agent immobilier doit s'enquérir du type de convention conclue avec ce dernier et informer son commettant des risques de cumul d'honoraires, faute de quoi, l'agent immobilier manque à son devoir d'information et de conseil lors de la formation du contrat.
Il ne peut par ailleurs entamer sa mission exclusive de vente que si le notaire a été préalablement déchargé de sa mission.
L'agent immobilier qui conclut un contrat de courtage en violation d'une clause d'exclusivité antérieurement stipulée au profit d'un tiers se rend coupable de tierce complicité et de culpa in contrahendo 7.
Par ailleurs, lorsque l'agent immobilier dispose d'un véritable mandat, au sens juridique du terme, c'est-à-dire lorsqu'il a le pouvoir de représenter son commettant à la conclusion du contrat avec le client, il ne peut accepter sa mission que s'il détient l'exclusivité. Par conséquent, il ne peut intervenir si une autre personne est déjà investie de cette mission 8.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Mons, 26 novembre 2013, J.L.M.B., 2015/1, p. 30.
2. Article 47 du Code de déontologie des agents immobiliers.
3. Article 48 du Code de déontologie des agents immobiliers.
4. Article 64 du Code de déontologie des agents immobiliers.
5. Mons, 26 novembre 2013, J.L.M.B., 2015/1, p. 30.
6. M. Walh, « La responsabilité professionnelle de l'agent immobilier », in Responsabilités. Traité théorique et pratique, Kluwer, Waterloo, 2009, p. 36.
7. B. Louveaux, « Agents immobiliers: Le nouveau code de déontologie », Immobilier, 2007/2, p. 14.
8. Bruxelles, 28 janvier 1999, J.T., 1999, p. 625.