Présentation des faits 1
Un bailleur a donné un de ses appartements en location à titre de résidence principale pour une durée de trois ans à dater du 1er septembre 2007.
Le 4 juin 2010, le bailleur aurait écrit à sa locataire une lettre dans laquelle il aurait indiqué son intention de ne pas renouveler le bail, lequel prendrait donc fin le 31 août de 2010 au motif qu'il désirerait habiter le bien l'année prochaine. La locataire a contesté avoir reçu cette lettre.
Le 20 août 2010, le bailleur a adressé, sous pli recommandé, une lettre à la locataire par laquelle il lui a signifié que : « Suite à notre entretien, je marque mon accord pour prolonger provisoirement l'occupation de votre appartement au-delà de la date d'expiration du bail mais ceci à des conditions normales sans donc tenir compte du loyer très avantageux dont vous avez profité jusqu'à présent. Il va de soi que le renon que je vous ai envoyé en juin reste valable. Compte tenu qu'il s'agit en fait d'une occupation personnelle (...), je vous propose de pouvoir rester dans l'appartement à partir du mois de septembre et jusqu'au plus tard au mois d'avril 2011 (soit huit mois) ».
Au mois d'avril 2011, le bailleur a demandé à la locataire de quitter les lieux, ce qu'elle refusé de faire. Il a introduit, par conséquent, une action devant le juge de paix en vue d'obtenir son expulsion.
Le juge a déclaré toutefois la demande d'expulsion non fondée au motif que la locataire occuperait actuellement l'immeuble dans le cadre d'un bail de neuf ans puisqu'aucun congé n'a été notifié dans les délai prévus par l'alinéa 4 du paragraphe 6 de l'article 3 (donc au moins trois mois avant l'expiration de la durée convenue), de sorte que le bail est réputé avoir été conclu pour une période de neuf ans à compter de la date à laquelle le bail initial de courte durée est entré en vigueur.
Or, les paragraphes 1er à 5 de l'article 3 ne seraient, quant à eux, applicables qu'à partir du moment où le bail se transformerait en un bail de neuf ans, c'est-à-dire après les trois ans initiaux.
Par conséquent, lors des courriers des 4 juin et 20 août 2010, le bail liant les parties n'était toujours pas régi par les dispositions des paragraphes 1er à 5 de cet article 3, permettant notamment qu'il soit mis fin au bail à tout moment, en donnant congé six mois à l'avance, pour occupation personnelle. Ce courrier n'était dès lors pas de nature à mettre fin au bail de trois ans pour occupation personnelle, possibilité qui n'est pas laissée et est même exclue par la loi du 20 février 1991 des règles particulières aux baux relatifs à la résidence principal du preneur lorsqu'il s'agit d'un bail de trois ans.
En l'absence d'un congé de l'une ou l'autre partie avant le 31 mai 2010 conformément à l'article 3, paragraphe 6, alinéa 5, des règles particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur et la locataire ayant continué à occuper les lieux après le 31 août 2010 sans opposition du bailleur, le bail liant les parties est, à partir du 1er septembre 2010, réputé avoir été conclu pour une période de neuf ans à compter du 1er septembre 2007.
Dès lors, le tribunal a estimé qu'aucun élément ne démontre que le bailleur aurait régulièrement mis fin au bail après le 1er septembre 2010, de sorte que ce bail, devenu désormais un bail de neuf ans, est toujours en cours.
En appel, le Tribunal de première instance a confirmé la décision du juge de paix. Le bailleur a dès lors introduit un pourvoi en cassation.
Décision de la Cour de cassation
La Cour rappelle que l'article 3, § 6 alinéas 1er et 2 de la loi du 20 février 1991 sur les baux de résidence principale prévoit que, par dérogation au paragraphe 1er, un bail peut être conclu, par écrit, pour une durée inférieure ou égale à trois ans. Ce bail de courte durée prend fin moyennant un congé notifié par l'une ou l'autre des parties au moins trois mois avant l'expiration de la durée convenue.
En l'espèce, les parties ont conclu un bail relatif à la résidence principale pour une durée de trois ans et aucun congé n'a été notifié dans le délai légal, c'est-à-dire avant le 31 mai 2010.
Or, à défaut d'un congé notifié dans les délais ou si le preneur continue à occuper les lieux sans opposition du bailleur, et même dans l'hypothèse où un nouveau contrat est conclu entre les mêmes parties, le bail est réputé avoir été conclu pour une période de neuf ans à compter de la date à laquelle le bail initial de courte durée est entré en vigueur et ce, nonobstant toute clause ou convention contraire.
Il résulte de ces dispositions qu'à défaut de congé notifié dans le délai prévu par le paragraphe 6, alinéa 4 (soit trois mois avant l'expiration de la durée convenue), le bail de courte durée est réputé avoir été conclu pour une période de neuf ans et est régi par les paragraphes 1er à 5 de l'article 3. Cette transformation opère dès que le délai endéans lequel le congé devait être notifié est expiré c'est-à-dire dès le premier jour du troisième mois précédant l'expiration de la durée initialement convenue. A compter de ce moment-là, le bail est réputé avoir été conclu pour une période de neuf ans de manière rétroactive dès la date à laquelle le bail de courte durée est entré en vigueur.
Il en résulte qu'à partir du premier jour du troisième mois précédant l'expiration de la durée initialement convenue pour le bail de courte durée soit, en l'espèce le 1 juin 2010, le bail est considéré comme un bail de neuf ans, de sorte qu'il peut y être mis fin conformément aux paragraphes 2 à 5 de l'article 3 de la loi du 20 février 1991. Par conséquent, à compter de cette date, le bailleur pouvait mettre fin au bail à tout moment, en donnant congé six mois à l'avance, pour occupation personnelle, conformément à l'article 3 §2 de la loi du 20 février 1991.
Par conséquent, le congé donné le 4 juin 2010 pour occupation personnelle est valable moyennant le respect d'un préavis de six mois puisqu'à compter de cette date, le bail de courte durée était déjà considéré comme un bail de neuf ans et dès lors était déjà régi par les paragraphes 2 à 5 de la loi du 20 février 1991.
La Cour casse donc la décision attaquée.
Bon à savoir
L'article 3 de la loi du 20 février 1991 sur les baux de résidence principale prévoit que tout bail de résidence principale est réputé conclu pour une durée de neuf années 2.
Le paragraphe 6 de cette disposition autorise toutefois les parties à déroger à cette règle et à conclure un bail de courte durée, c'est-à-dire d'une durée égale ou inférieure à trois ans.
Dans ce cas, contrairement aux baux de droit commun qui prennent fin par la seule arrivée du terme 3, le législateur prévoit que les baux de courte durée prennent fin moyennant un congé notifié par l'une ou l'autre des parties au moins trois mois avant l'expiration de la durée convenue 4.
Le bail ne cesse donc pas de plein droit à l'expiration du terme convenu. L'une des deux parties doit obligatoirement exprimer sa volonté d'y mettre fin en notifiant un congé et en respectant un certain délai de préavis 5.
A défaut de congé notifié dans le délai de trois mois avant l'expiration de la durée convenue, le bail est réputé avoir été conclu pour une période de neuf ans à compter de la date à laquelle le bail initial de courte durée est entré en vigueur et ce, nonobstant toute clause ou convention contraire.
La transformation du bail de courte durée en un bail ordinaire de neuf ans opère dès qu'est expiré le délai endéans lequel le congé devait être notifié 6. A compter de ce moment-là, le bail est réputé, de manière rétroactive, avoir été conclu pour une durée de 9 ans. Par conséquent, le bailleur peut, dès ce moment, mettre fin au bail pour un des motifs prévus aux paragraphes 2 à 5 de l'article 3 de la loi du 20 février 1991.
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1. Cass., 9 octobre 2014, J.L.M.B., 2015/23, p. 1060.
2. Article 3 §1er de la loi du 20 février 1991 sur les baux de résidence principale.
3. Article 1737 du Code civil.
4. Article 3 §6 alinéa 4 de la loi du 20 février 1991 sur les baux de résidence principale.
5. J.P. Grâce – Hollogne, 4 juillet 2000, J.L.M.B., 2002, p.84.
6. L. Herve, La durée du bail de résidence principal », in Le bail de résidence principale, La Charte, Bruxelles, 2006, p. 209.