Présentation des faits 1
Un couple conclut avec une agence immobilière une convention intitulée « mission exclusive de vente », dans laquelle l'agence est chargée de rechercher un acheteur pour l'immeuble dont le couple est propriétaire, de négocier la vente et de rédiger le compromis de vente.
L'agence trouve par la suite un acquéreur et un compromis de vente est signé en présence d'un représentant de l'agence et des notaires de chacune des parties. Dans ce compromis, l'acquéreur s'engage à payer un acompte important dans les 24 heurs de la signature de l'acte, le solde devant être payé lors de la passation de l'acte authentique, prévu le 20 juin 2006.
L'acquéreur, étant en réalité insolvable, ne paye pas l'acompte prévu. Le couple introduit alors une action en résolution de la vente et paiement de dommages et intérêts conventionnels. Le Tribunal de première instance de Namur prononce la résolution de la vente le 27 juin 2006.
Le couple décide également d'introduire une action contre l'agence immobilière à qui il reproche de ne pas avoir correctement exécuté ses obligations, en n'ayant, d'une part, pas vérifié le sérieux et la solvabilité du candidat acquéreur et, en ne les ayant, d'autre part, ni prévenus en temps utile avant la signature du compromis de vente qu'aucun acompte ne serait payé contrairement à ce qui avait été convenu, ni inséré une condition suspensive dans le contrat.
Décision du tribunal de première instance de Namur
Le Tribunal estime, qu'en l'absence de clause spéciale dans le contrat, l'agent immobilier n'était pas garant de la solvabilité du candidat qu'il présente à son client. On ne peut notamment pas exiger de sa part qu'il vérifie la solvabilité du tiers acquéreur au fichier des saisies, auquel il n'a, par ailleurs, pas accès.
Toutefois, l'agent immobilier est tenu de vérifier l'apparente solvabilité de l'acquéreur potentiel. En l'espèce, rien ne démontrait que le candidat acquéreur n'était pas solvable. Celui-ci s'était en effet, présenté comme le propriétaire d'une taverne florissante ayant bénéficié d'un héritage lui permettant d'acheter l'immeuble sans recourir à un emprunt hypothécaire.
Cependant, l'agent immobilier qui prend la responsabilité de rédiger le compromis de vente peut se voir reprocher de ne pas y avoir inséré une condition suspensive du paiement de l'acompte dans un délai précis, dès lors qu'une telle clause aurait permis d'éviter la conclusion de la vente en cas de non-paiement dudit acompte et le recours à la procédure judiciaire en annulation de la vente.
Dans une telle hypothèse, le dommage causé par la faute de l'agent immobilier consiste d'une part en le remboursement des frais d'annulation de la vente (citation, signification, transcription, commandement de payer et PV de carence) et d'autre part en des dommages et intérêts afin de réparer le retard consécutif de la revente de l'immeuble.
Bon à savoir
Les agents immobiliers ne sont en principe pas responsables de la bonne exécution finale de la convention qu'ils ont contribué à faire conclure grâce leur intervention, sauf si cette inexécution est imputable en partie à leur faute 2. L'agent ne garantit dès lors ni le résultat de son intervention ni l'exécution des obligations qui incombent aux parties, une fois que le contrat est conclu entre le vendeur et le candidat acquéreur.
Il en résulte que, sauf clause contraire, l'agent immobilier n'est pas responsable de la solvabilité des candidats acheteurs ni du respect par ceux-ci de leurs engagements 3.
Toutefois, l'agent doit, dans la mesure de ses moyens, vérifier l'apparente solvabilité de l'acquéreur potentiel et informer son commettant des doutes qu'il nourrirait à ce propos 4. Le devoir de conseil de l'agent immobilier peut notamment aller jusqu'à déconseiller la conclusion d'un compromis de vente si la solvabilité de l'amateur lui paraît douteuse 5. A cet égard, on ne peut néanmoins pas imposer à l'agent de procéder à des investigations approfondies 6. Cependant, l'agent qui connaissait ou devait connaître l'insolvabilité d'un candidat potentiel, engage sa responsabilité s'il met en relation son client avec cette personne 7.
Par ailleurs, quand bien même le candidat acquéreur paraît solvable, il découle de l'arrêt du Tribunal de première instance de Namur, qu'il est préférable pour l'agent immobilier, chargé de rédiger le compromis de vente, d'introduire dans celui-ci une condition suspensive du paiement de l'acompte dans un délai précis 8. Faute de quoi, la responsabilité de l'agent risque d'être engagée en cas d'annulation ultérieure de la vente en raison de l'insolvabilité de l'acquéreur.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Civ. Namur, 24 octobre 2008, R.C.D.I. 2009/1, p.36.
2. P.-A. Foriers, « Droit commun des intermédiaires commerciaux courtiers, commissionnaires, agents », in Les intermédiaires commerciaux, Ed. du Jeune Barreau, 1990, p. 141 ; Civ. Bruxelles 28 avril 2006, R.C.D.I., 2007/1, p. 28.
3. M. Wahl, La responsabilité professionnelle de l'agent immobilier, Kluwer, Waterloo, 2009, p. 28.
4. Article 55 du Code de déontologie de l'Institut professionnel des agents immobiliers.
5. B. Louveaux, La responsabilité de l'agent immobilier, Kluwer, 1997, pp. 80-81.
6. B. Dubuisson et P. Wéry, « La conclusion du contrat de vente par l'entremise d'un agent immobilier », in La mise en vente d'un immeuble, Larcier, 2005, p. 37.
7. Liège, 27 mars 2003, R.G. n° 2001/60.
8. Civ. Namur, 24 octobre 2008, R.C.D.I. 2009/1, p. 36.