Présentation des faits 1
Madame M., propriétaire d’appartements, a conclu un contrat avec l’agence immobilière SPRL A. Ce contrat prévoyait que la SPRL A. devait s’occuper de la gestion de leurs biens, à savoir notamment la recherche de locataires, l’encaissement des loyers, l’exécution des paiements, la réalisation des travaux, l’établissement régulier des comptes et le transfert du disponible.
Madame M. reproche à la SPRL A. d’avoir manqué à son obligation contractuelle d’établir les décomptes et de rétrocéder les fonds. Elle a mis l’agence immobilière en demeure à plusieurs reprises de s’exécuter.
Quant à la SPRL A., elle estime ne pas pouvoir établir les décomptes puisqu’elle attend les documents comptables qui doivent être transmis par Madame M.
Madame M. demande à ce que le décompte des loyers lui soit communiqué dans les 15 jours de la signification du jugement, sous peine d’astreinte.
La SPRL A. a par ailleurs formé une demande reconventionnelle. Elle sollicite en effet que Madame M. soit condamnée au paiement d’une indemnité de rupture en raison du fait que le préavis notifié le 29 janvier 2003 par celle-ci n’est pas conforme aux dispositions contractuelles. En effet, selon le contrat conclu entre les parties, une faculté de mettre fin au contrat était prévue à l’expiration de chaque triennat, moyennant un préavis d’un an.
A cet égard, Madame M. se dit surprise de la demande tardive de la SPRL A. dès lors que celle-ci avait marqué son accord sur la rupture du contrat. Madame M. fait également état des négligences commises par la SPRL A. dans la gestion de l’immeuble ainsi que dans l’établissement des décomptes.
Décision du Tribunal de première instance de Bruxelles
Le Tribunal constate que la SPRL A. conserve d’importants montants, et ce sous de faux prétextes. Elle ne conteste par ailleurs pas sérieusement être redevable de la somme provisionnelle de 20.000 euros.
Le Tribunal observe en outre que pour la période allant du 1er juillet 2002 au 30 juin 2003, la SPRL a reçu la somme de 47.840, 04 euros couvrant les loyers et les provisions pour charges. En déduisant les commissions et les frais d’immeuble, à savoir 18.283, 50 euros, un solde de 29.556, 92 euros reste à l’égard de Madame M.
Après le 30 juin 2003, certains locataires ont continué à verser les loyers à la SPRL A. Madame M. apporte la preuve qu’au moins 4 copropriétaires ont poursuivi leur paiement des loyers et des provisions des charges à la SPRL A.
Concernant la demande de Madame A. de recevoir le décompte des loyers, le Tribunal considère que celle-ci est tout à fait fondée et que le retard mis par la SPRL A. à respecter ses obligations est anormal.
Quant à la demande reconventionnelle formulée par la SPRL A., le Tribunal estime qu’elle manque de fondement dès lors que la rupture trouve son origine dans les carences fautives de la SPRL A. En effet, ces manquements auraient justifié la rupture immédiate des relations contractuelles.
Bon à savoir
L’agent immobilier est « celui qui pour le compte de tiers, prête une assistance déterminante en vue de réaliser un contrat de vente, d’achat, d’échange, de location ou de cession de biens immobiliers, droits immobiliers ou fonds de commerce » 2.
Lorsque l’agent immobilier commet une faute en n’exécutant pas une obligation découlant du contrat, il peut voir sa responsabilité contractuelle engagée 3. Il peut également voir sa responsabilité extracontractuelle engagée envers les tiers lorsqu’il méconnait le devoir général de prudence et de diligence qui s’impose à tous, sur base des articles 1382 et 1383 du Code civil 4.
La profession d’agent immobilier est en outre régie par le Code de déontologie des agents immobiliers 5. Il est intéressant de mentionner que les tiers peuvent se prévaloir des droits repris dans le Code de déontologie 6.
A titre d’exemple, lorsque l’agent immobilier, chargé par les propriétaires de la gestion de leurs immeubles et notamment de l’encaissement des loyers, conserve d’importants montants correspondants au paiement des loyers et des provisions pour charges par les locataires, il a été jugé qu’il commettait un manquement pouvant conduire à la rupture des relations contractuelles.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
________________
1.Civ. Bruxelles (6ème ch.), 17 juin 2008, R.C.D.I., 2009, liv. 4, p. 28.
2. Loi du 11 février 2013 organisant la profession d’agent immobilier, Article 2.
3. G. Carnoy, « La responsabilité de l’agent immobilier », in Responsabilités des intervenants immobiliers, sous la coordination de Y. Ninane, Anthemis, Limal, 2015.
4. Cass., 11 avril 1986, R.C.J.B., 1990, p. 80.
5. Approuvé par l’arrêté royal du 27 septembre 2006, M.B., 18 octobre 2006.
6. B. Vincotte, « L’agent immobilier », Guide de droit immobilier, août 2011, IV.7.6.9.