Présentation des faits 1
Un couple décida de vendre l'appartement dont les époux étaient propriétaires. Pour cela, ils firent appel à une agence immobilière. Le contrat de courtage prévoyait, à titre de rémunération, une commission égale à trois pour cent du prix de vente, outre la TVA, payable à la signature du compromis de vente.
Un acheteur fit une offre qui fut acceptée par les vendeurs et un compromis de vente fut signé. Lors de la préparation de l'acte authentique, on se rendit compte que le bien n'était pas conforme aux lois et règlements en matière d'urbanisme. Non seulement la division de l'immeuble en appartements n'avait pas fait l'objet d'un permis d'urbanisme, mais il existait une salle de bain au sous-sol qui contrevenait aux normes minimales d'éclairement naturel.
Les vendeurs et l'acheteur décidèrent de résilier le contrat de commun accord. Si l'agence immobilière restitua l'acompte, elle réclama ensuite aux vendeurs le paiement de sa commission. Devant le refus des vendeurs, l'agence les assigna en justice.
Décision du tribunal civil de Bruxelles
Dans son jugement, le tribunal raisonna en deux étapes. Tout d'abord, il se prononça sur une clause du contrat de courtage selon laquelle aucun frais ne serait dû à l'agence si la vente n'était pas réalisée ou s'était réalisée par le propriétaire lui-même.
C'est sur cette base que les vendeurs refusèrent de payer la commission car ils considéraient que la vente ne s'était pas concrétisée. Cependant, le tribunal constata que la vente avait eu lieu dès lors qu'un accord fut trouvé entre les parties sur le bien vendu et le prix. La vente était donc conclue et la commission due.
Toutefois, le tribunal développa un second raisonnement. L'agence avançait l'existence d'une clause dans le compromis selon laquelle les vendeurs garantissaient qu'aucune infraction urbanistique ne leur était connue. Néanmoins, le tribunal constata que l'agent immobilier chargé de la vente avait visité les lieux et constaté la salle de bain. Il aurait dû s'interroger sur sa régularité en raison de l'existence, à ce moment, de normes minimales d'éclairement naturel. Le défaut d'investigation de sa part constitue une faute. En conséquence, le tribunal considère que l'agence ne peut réclamer la commission à laquelle elle aurait normalement eu droit.
Bon à savoir
Les agents immobiliers ont le devoir de tenir compte du fait que leurs mandants n'ont pas toujours les connaissances et la compréhension des situations juridiques relatives à la propriété immobilière dont les agents immobiliers doivent disposer eux-mêmes et qu'ils peuvent parfois, de bonne foi ou non, confondre ou se méprendre sur l'étendue de leurs droits 2.
Le recours aux services d'un agent immobilier s'explique notamment par la volonté de bénéficier des conseils d'un professionnel. Si ce dernier insère dans le projet de compromis une clause qui aggrave l'obligation de garantie de ses propres clients, alors que la visite du bien aurait dû l'inciter à mener des investigations au sujet de sa régularité au regard des règles de l'urbanisme, l'agent manque à son devoir de conseil.
En effet, l'agent immobilier qui est chargé de trouver des acquéreurs pour un bien immobilier mis en vente doit accomplir plusieurs tâches. L'une d'elles est la visite des lieux 3. Cela implique non seulement de faire visiter le bien aux acquéreurs potentiels, mais aussi, au préalable, de prendre connaissance de l'immeuble et de ses caractéristiques.
L'agent immobilier doit réclamer de son client les documents relatifs au bien mis en vente. En outre, il doit, dans la mesure de ses possibilités, procéder aux vérifications adéquates quant aux informations recueillies 4. Il doit donc connaître les caractéristiques du bien qui ont une importance sur la vente de l'immeuble. Parmi ces éléments, la conformité du bien avec la réglementation urbanistique est primordiale.
Si l'on ne peut exiger d'un agent immobilier qu'il ait une connaissance infaillible de toutes les normes qui concernent ses activités au point de faire peser sur lui une obligation de résultat, sa qualité de professionnel dans le domaine de l'immobilier lui impose certaines connaissances. Ainsi, il doit pouvoir constater un défaut de conformité aux règles urbanistiques ou , au moins, procéder aux vérifications quant à cette conformité.
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1. Tribunal civil de Bruxelles, 16 janvier 2009, J.L.M.B., 2010/28, p. 1331.
2. Appel Bruxelles, 28 janvier 1999, J.T., 1999/30, p. 624.
3. Appel Mons 2 mars 2010, J.L.M.B., 2012/11, p. 494.
4. L. Collon, « La responsabilité de l'agent immobilier », in Responsabilités professionnelles : L'agent immobilier, l'expert judiciaire et le banquier, Limal, Anthemis, 2012, p. 9.