Présentation des faits 1
Le pourvoi est dirigé contre l’arrêt rendu le 30 mai 2002 par la chambre d’appel d’expression française de l’Institut professionnel des agents immobiliers. Cet arrêt a infirmé la décision rendue par la chambre exécutive d’expression française le 3 octobre 2000.
La Chambre d’appel a en effet considéré que lors de la procédure il n’existait pas de règles déontologiques approuvées par arrêté royal, et que pour cette raison la chambre exécutive ne pouvait pas connaitre de l’affaire. La Chambre d’appel se base sur les articles 6, §4, 2°, alinéa 2 et 8, §1er, ° de la loi-cadre du 1er mars 1976 réglementant la protection et l’exercice des professions intellectuelles prestataires de services prévoyant les compétences des chambres. La Chambre a également rappelé que la volonté du législateur était de clairement limiter les compétences répressives des organes au cadre légal.
Avant la loi-programme du 10 février 1998 pour la promotion de l’entreprise indépendante, les instituts professionnels avaient pour mission d’établir les règles de déontologie. Ces dernières n’acquéraient toutefois force obligatoire qu’à condition qu’elles soient ensuite approuvées par arrêté délibéré en conseil des ministres.
Il ressort des travaux parlementaires de la loi du 1er mars 1976 précitée que le ministre des classes moyennes considérait qu’une profession devait être réglementée par un code de déontologie. Il a également affirmé que les règles de déontologie devaient être établies par les professionnels, ce qui était le cas puisque la loi devait être approuvée par arrêté royal.
L’arrêté royal du 6 septembre 1993 a été pris en application de la loi-cadre précitée. L’article 5, §1er, 5° de cet arrêt royal prévoit que les agents immobiliers doivent respecter les règles de déontologie adoptées par l’Institut professionnel des agents immobiliers.
Dans l’arrêt de la chambre, il est également fait mention du principe selon lequel un pouvoir répressif ne présume pas. Même s’il est vrai que dans les travaux parlementaires de la loi du 1er mars 1976, il a été signalé que des règles de déontologie non écrites gouvernant l’exercice de professions réglementées par des textes particuliers existait. Il était par ailleurs important de ne pas figer la déontologie dans un texte rigide.
Dans la loi-cadre précitée et l’arrêté royal du 6 septembre 1993, ce souci a été rencontré par le législateur puisque l’Institut pouvait, avant l’entrée en vigueur de la loi du 10 février 1998, établir à tout instant des règles de déontologie. Depuis la loi du 10 février 1998, l’Institut a le pouvoir de détailler, d’adapter ou de compléter les règles de base obligatoirement contenues dans une requête en homologation. C’est pourquoi il n’est pas de la compétence des chambres disciplinaires, créées par la loi du 1er mars 1976, d’ériger des faits en infraction. Cela est d’autant plus vrai que les condamnations émanent quasi-exclusivement de concurrents actuels ou potentiels qui eux sont habilités à utiliser des méthodes de marketing agressives compatibles avec l’exercice de pratiques commerciales honnêtes.
La Chambre d’appel a ainsi considéré que les organes disciplinaires sont uniquement compétents pour appliquer un droit déontologique écrit ayant force obligatoire. Ils ne sont pas autorisés à créer ou interpréter par analogie, puisque le législateur a expressément institué un principe de légalité des sanctions concernant les instituts professionnels, ce principe étant en outre d’ordre public.
Monsieur J. a introduit un pourvoi en cassation contre cette décision de la Chambre d’appel au motif que cette décision viole les articles 2, §1er, 7 et 8 §1er, 3° de la loi du 1er mars 1976. Il invoque également l’article 1er de l’arrêté royal du 6 septembre 1993 qui a créé l’Institut professionnel des agents immobiliers (I.P.I.).
Décision de la Cour
La Cour commence par rappeler que le Conseil national de l’institut professionnel a été créé en application de la loi-cadre du 1er mars 1976. Ce Conseil a pour mission, conformément à l’article 7, §1er de loi précitée, d’établir les règles de déontologie ainsi que le règlement de stage. Ces derniers n’acquièrent toutefois force obligatoire qu’après leur approbation par le Roi, à savoir par arrêté délibéré en conseil des ministres.
La Cour constate ensuite, après avoir étudié les pièces du dossier, que Monsieur H. a été poursuivi pour avoir manqué à la déontologie qui s’impose aux agents immobiliers, et non pour avoir violé les règles de déontologie établies par le Conseil national de l’Institut professionnel des agents immobiliers.
La Cour de cassation estime, contrairement à la Chambre d’appel, qu’il existe bien des principes déontologies commandant l’exercice d’une profession intellectuelle avec probité et dignité et ce, indépendamment du fait qu’ils soient repris ou non dans un texte formel.
Ce n’est pas parce que le législateur a confié au Conseil national de l’institut la mission d’élaborer des règles de déontologie et a subordonné leur force obligatoire à leur approbation par un arrêté royal délibéré en conseil des ministres qu’il a limité le pouvoir d’appréciation des juridictions disciplinaires aux seuls manquements à ces règles de déontologie.
La décision rendue par la Chambre d’appel, considérant que les organes disciplinaires ne peuvent appliquer qu’un droit déontologie écrit possédant force obligatoire, viole les dispositions citées dans le moyen.
La Cour casse la décision attaquée et renvoie la cause devant la Chambre d’appel d’expression française de l’Institut professionnel des agents immobiliers.
Bon à savoir
Le Code de déontologie des agents immobiliers a été approuvé par un arrêté royal du 27 septembre 2006 et est entré en vigueur le 17 décembre 2006.
Le Code a pour but de garantir « un exercice digne et intègre de la profession d’agent immobilier » 2. Le Code rappelle également que les agents immobiliers doivent respecter les obligations légales et réglementaires, et en cite certaines 3.
L’agent immobilier a notamment l’obligation de respecter la vie privée et l’inviolabilité du domicile. Cette protection bénéficie également au locataire, qui doit donner son autorisation pour que l’on pénètre chez lui 4.
Les agents immobiliers doivent en outre respecter les « principes de dignité et de probité inhérents à la profession » 5. A cet égard, la Cour de cassation a jugé que ces principes existaient indépendamment de leur énonciation dans un texte légal ou réglementaire 6.
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1. Cass. (1re ch.), 23 janvier 2003, J.L.M.B., 2003, liv. 17, p. 750.
2. Article 1, alinéa 1er, du Code de déontologie des agents immobiliers, approuvé par arrêté royal du 27 septembre 2006 et publié au Moniteur belge le 18 octobre 2006.
3. Article 1er, alinéa 5, du Code de déontologie des agents immobiliers : « 1° le Code pénal et les lois pénales spéciales; 2°la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur, et les arrêtés pris en exécution de cette loi; 3°les dispositions du Code civil en matière de copropriété forcée d'immeubles ou de groupes d'immeubles bâtis; 4°les dispositions du Code civil en matière d'obligations contractuelles et quasi-délictuelles; 5°la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, et les arrêtés pris en exécution de cette loi; 6°la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection des données à caractère personnel, et les arrêtés pris en exécution de cette loi; 7°la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie; 8°la loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme; 9°la loi du 9 juillet 1971 réglementant la construction d'habitations et la vente d'habitations à construire ou en voie de construction ».
4. B. Louveaux, « Agents immobiliers : le nouveau code de déontologie », Immobilier, 2007, liv. 2, p. 4.
5. Article 1, alinéa 5, du Code de déontologie des agents immobiliers.
6. Cass. (1re ch.), 23 janvier 2003, J.L.M.B., 2003, liv. 17, p. 750.