Présentation des faits 1
Un contrat de courtage immobilier est conclu pour une durée déterminée de trois mois. Ce contrat contient notamment une clause, intitulée « Durée de la convention - droit de résiliation unilatérale - reconduction tacite », laquelle prévoit que « le propriétaire a le droit de résilier le contrat avant terme, sans motif. Il devra dans ce cas payer une indemnité forfaitaire et irréductible égale à 50% des honoraires prévus à l'article 5 sur la base du prix annoncé au public ».
Le propriétaire résilie le contrat avant le terme prévu. En conséquence, l'agent immobilier lui réclame le montant indiqué dans la clause contractuelle précitée.
Le propriétaire refuse de payer au motif que cette clause constituerait une clause pénale abusive. Il estime que le maintien d'un forfait de 50 % du prix de vente, quel que soit le moment de la résiliation, donne un intérêt objectif supérieur à l'inexécution de la convention plutôt qu'à son exécution normale. Il demande dès lors au juge l'annulation ou la réduction de cette clause.
Décision de la Cour d'appel de Bruxelles
La Cour d'appel, au regard de l'ensemble du contrat, considère que la clause contractuelle litigieuse doit être qualifiée de clause de dédit et non pas de clause pénale.
En effet, cette clause fixe la contrepartie de la faculté donnée au cocontractant de résilier unilatéralement le contrat avant son terme, et ce, en dehors de toute violation de ses obligations contractuelles. Contrairement à une clause pénale, elle ne fixe pas l'indemnité qui serait due en raison de l'inexécution de ce contrat.
La Cour rappelle ensuite le principe selon lequel les clauses de dédit ne sont pas susceptibles d'être annulées ou réduites par le juge, sous réserve de leur licéité, de leur compatibilité avec l'ordre public ou d'un éventuel abus de droit dans leur mise en œuvre. En l'espèce, la clause litigieuse n'est pas, en tant que telle, contraire à l'ordre public, pas plus que qu'elle n'a été mise en œuvre dans des conditions qui relèvent de l'abus de droit.
La Cour déclare donc l'appel non fondé.
Bon à savoir
La qualification juridique de la clause d'un contrat entraîne l'application de règles différentes selon le nom qui lui est donné. La distinction entre clause de dédit et clause pénale en est un bon exemple.
La clause de dédit est celle qui donne à un cocontractant le droit de mettre fin au contrat de manière unilatérale, moyennant le paiement d'une somme qui est la contrepartie expresse du droit de résiliation qu'il exerce 2. L'indemnité de dédit n'est donc pas la sanction d'un manquement contractuel mais simplement le prix que le débiteur a accepté de payer pour pouvoir, à sa meilleure convenance, mettre fin au contrat 3.En conséquence, il n'appartient pas au juge d'apprécier le rapport entre le montant convenu et le dommage susceptible d'être causé par cette résiliation unilatérale 4.
La clause pénale, se définit quant à elle, comme la clause qui fixe de manière anticipée et forfaitaire, les dommages et intérêts auxquels le créancier pourra prétendre si le débiteur vient à faillir à ses engagements 5.
Les clauses de dédit ne sont pas soumises au régime applicable aux clauses pénales 6. Une telle clause, contrairement à une clause pénale, ne peut faire l'objet d'une réduction sur base de l'article 1231, § 1er du Code civil au motif que son montant excède manifestement le dommage potentiel 7. Elle ne peut pas non plus être adaptée en cas d'exécution partielle du contrat 8.
Par ailleurs, les clauses de dédit ne sont pas tenues par l'exigence de réciprocité prévue par l'article 32, 15°, de la loi du 14 juillet 1991 et par l'article 3, 4°, de l'arrêté royal du 12 janvier 2007 9.
Le juge conserve néanmoins un contrôle sur la licéité de la clause de dédit et sur sa compatibilité avec l'ordre public (sur la base de l'article 6 du code civil). Il veillera également à ce que la mise en œuvre de celle-ci ne soit pas constitutive d'un abus de droit 10.
La mise en œuvre irrégulière ou abusive de la clause de dédit constitue en effet une faute contractuelle qui engage la responsabilité de son auteur 11. Dans un arrêt du 6 décembre 1996, la Cour de cassation a jugé que le créancier ne peut exiger de son cocontractant, qui a fait usage de la faculté de dédit, qu'il exécute en nature l'obligation contractuelle puisque le contrat a été résilié par la volonté unilatérale du débiteur 12.
Dans ce cas, si le contrat était conclu pour une durée déterminée, le juge ne pourra qu'ordonner l'exécution en nature de la convention. Le contrat reprendra son cours normal jusqu'au terme convenu, sous réserve d'une nouvelle mise en œuvre, non fautive cette fois, de la clause de dédit 13. A contrario si le contrat était conclu pour une durée indéterminée, seule une réparation pécuniaire du dommage causé à la victime de la résiliation fautive pourra être octroyée.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Bruxelles., 14 janvier 2014, J.T., 2014/15, p. 269.
2. Cass., 22 octobre 1999, J.L.M.B., 2000/11, p. 476.
3. P. Wéry, « La théorie générale du contrat », Rép. Not. Tome IV, Les obligations, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 763.
4. Cass., 22 octobre 1999, R.D.C., 2000, p. 181
5. Article 1226 du Code civil.
6. Bruxelles, 14 janvier 2014, J.T., 2014/15, p. 269.
7. Bruxelles, 1er juin 2014, J.L.MB., 2005/34, p. 1491.
8. Bruxelles, 22 mai 1986, R.D.C., 1988, p. 192.
9. P. Wéry, « L'article 32, 15°, de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur la protection et l'information du consommateur : l'exigence de réciprocité des clauses pénales », J.L.M.B, 2001/29, p. 1246.
10. M.-P. Noël, « La délimitation des règles applicables aux clauses de dédit », 2005/34, p. 1496.
11. P. Wéry, « La théorie générale du contrat », Rép. Not. Tome IV, Les obligations, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 971.
12. Cass., 6 décembre 1996, A.J.T., 1997, p. 102.
13. Ibid., p. 971.