Présentation des faits 1
En état de surendettement, les propriétaires d’un immeuble décident de le mettre en vente. Ils font appel aux services d’une agence immobilière à laquelle ils confient un mandat exclusif de vente.
Le même jour, des acquéreurs potentiels formulent une offre irrévocable d’achat. Quelques jours plus tard, un compromis de vente est signé entre les acquéreurs et l’agence immobilière sous réserve de ratification des vendeurs.
Ces derniers, ayant obtenu un crédit bancaire, ne désirent plus vendre l’immeuble. Les acquéreurs citent les propriétaires et l’agence en justice afin d’obtenir la passation de l’acte authentique. Le premier juge déclare la demande des acquéreurs non fondée. En réponse, les acquéreurs interjettent appel de cette décision.
Décision de la Cour d’appel de Mons
Devant la Cour, les acquéreurs réitèrent leur demande. Ils avancent que la vente existe bien car le compromis de vente a été signé par eux-mêmes et par l’agence immobilière, mandataire des vendeurs.
Cependant, la Cour relève que le compromis a été signé sous réserve de ratification des vendeurs. Or, cette ratification n’a pas eu lieu et aucun autre élément ne permet de démontrer l’existence de la vente.
Les acquéreurs considèrent que les vendeurs sont tenus au compromis de vente par l’effet d’un mandat apparent. Selon la Cour, l’agence n’a pas créé d’apparence trompeuse car il est clairement indiqué que la ratification des vendeurs doit intervenir. En conséquence, le compromis n’a aucune valeur juridique et la prétendue vente n’existe pas.
Bon à savoir
Le propriétaire d’un immeuble peut avoir recours à un agent immobilier pour trouver des acquéreurs potentiels et vendre son bien. Lorsque le propriétaire délègue à l’agent la charge de signer le compromis avec l’acquéreur, la portée juridique de cette délégation peut prêter à confusion.
Classiquement, l’agent agit en tant que mandataire du vendeur. Il est chargé d’accomplir un acte juridique pour le compte du vendeur, mandant 2. Dans ce cas, le mandataire est dit transparent en ce que la vente est réputée signée par l’acquéreur et le vendeur. Il en va autrement si l’agent omet d’indiquer à l’acquéreur qu’il agit en tant que mandataire. Dans ce cas, l’agent immobilier est tenu personnellement vis-à-vis de l’acquéreur 3. L’acquéreur peut, avant de traiter avec l’agent, exiger qu’il produise une procuration donnée par le vendeur. Si l’acquéreur s’abstient, il ne pourra contester ultérieurement l’existence d’un mandat si le mandant et le mandataire ne le contestent pas 4.
Lorsque l’agent immobilier signe en indiquant que le vendeur doit ratifier le compromis, il n’agit pas en tant que mandataire. En agissant de la sorte, il ne s’engage pas envers l’acquéreur et il n’engage pas non plus le vendeur puisque ce dernier doit lui-même signer, ratifier le compromis. Dans ce cas de figure et en l’absence de ratification, le compromis n’a aucune valeur juridique. L’acquéreur ne peut prétendre que le vendeur est lié sur base d’un mandat apparent car les conditions ne sont pas réunies. En effet, la théorie de l’apparence requiert une erreur dans le chef de celui qui s’en prévaut 5. Or, l’acquéreur ne peut croire en la vente lorsque l’agent indique clairement que la ratification du vendeur doit intervenir.
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1. Appel Mons, 19 janvier 2010, J.L.M.B., 2010/22, p. 1033.
2. Article 1984 du Code civil.
3. Appel Liège, 28 février 2006, J.L.M.B.i., 2006/19, p. 844.
4. Cass., 28 octobre 2013, R.G. n° S.11.0125.F.
5. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, t. II, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 1699.