Présentation des faits 1
Monsieur G est administrateur gérant de la Société N. Dans l’objet social de sa société, figurent notamment « le courtage et l’intermédiaire immobilier et notamment l’achat, la vente, la location, l’échange, l’exploitation, la mise ne valeur et le lotissement de tous biens immeubles généralement quelconques », activités qui relèvent de la profession d’agent immobilier protégée.
L’IPI et l’ASBL Confédération des Agents immobiliers de Belgique (CIB) ont introduit une demande devant le Tribunal de commerce de Verviers afin de faire reconnaître que Monsieur G se livrait, depuis l’année 1998, à une activité illégale d’agent immobilier et qu’il soit ainsi, interdit de poursuivre une telle activité.
L’IPI et la CIB ont été déboutées de leur demande et ont dès lors, le 29 octobre 2003, décidé d’interjeter appel du jugement rendu en première instance.
Décision de la Cour d’appel de Liège
La Cour d’appel de Bruxelles reconnait, tout d’abord, que Monsieur G n’a pas le titre d’agent immobilier et n’a pas la formation indispensable pour avoir accès au titre permettant d’exercer la profession d’intermédiaire immobilier.
La Cour admet ensuite, que Monsieur G a fait de la prospection immobilière, activité réservée à ceux qui portent le titre d’agent immobilier.
Toutefois, s’il est évident que Monsieur G a indûment pris le titre d’agent immobilier et s’est livré à un travail indépendant de prospection immobilière, la Cour constate que seules quatre ventes ont été relevées dans son chef en l’espace de trois ans.
Il n’est donc pas possible, selon la Cour, d’affirmer qu’il s’agit d’une « activité professionnelle d’agent immobilier » qui suppose « des activités d’intermédiaires (accomplies) de manière habituelle et à titre indépendant ».
Ainsi, la Cour considère que le fait que le courtage immobilier soit inclus dans l’objet social des sociétés pour lesquelles travaille Monsieur G, alors que personne en leur sein n’a l’autorisation à porter le titre d’agent immobilier, ne prouve toutefois pas l’activité habituelle d’intermédiaire immobilier.
La Cour déclare que l’IPI et la CIB devront donc apporter la preuve concrète d’actes répétés afin de pouvoir faire interdire la poursuite de ces activités par les sociétés ou la modification de l’objet social maintenu à l’appui d’une activité illicite prouvée.
La Cour en conclut que les actes illicites de Monsieur G ne font pas de lui un agent immobilier et décide donc de confirmer la décision de première instance.
Bon à savoir
L’arrêté royal du 6 septembre 1993 2 a été abrogé en grande partie mais, le contenu de ses articles se retrouve aujourd’hui dans l’arrêté royal du 30 août 2013 relatif à l’accès à la profession d’agent immobilier et dans la loi du 11 février 2013 organisant la profession d’agent immobilier 3.
Cette dernière indique que « Nul ne peut exercer en qualité d'indépendant, à titre principal ou accessoire, la profession d'agent immobilier intermédiaire ou syndic, ou en porter le titre, s'il n'est inscrit dans la colonne de la profession qu'il exerce du tableau des titulaires ou dans la colonne de la profession qu'il exerce de la liste des stagiaires » 4.
L’Institut Professionnel des Agents Immobiliers (IPI) est chargé de veiller au respect de la réglementation d’accès à la profession d’agent immobilier notamment en poursuivant devant les tribunaux les personnes exerçant illégalement (c’est-à-dire sans y être autorisées) la profession 5.
L’agent immobilier est défini comme « toute personne qui, en qualité d’indépendant, à titre principal ou accessoire, exerce de manière habituelle et professionnelle une des activités réglementées, que ce soit pour son propre compte, en qualité d’associé, d’organe ou d’administrateur de société » 6.
Ainsi, lorsque seules quatre ventes sont décelées en trois ans dans le chef d'un individu ne possédant pas le titre d'agent immobilier, cela ne permet pas d’affirmer qu’il s’agit d’une activité professionnelle d’agent immobilier.
La protection accordée au titre d’agent immobilier n’empêcherait donc pas d’autres indépendants de s’improviser au jeu de la prospection immobilière si et seulement si cette activité n’est qu’occasionnelle. Cette appréciation relèvera toutefois de l’appréciation souveraine du juge.
Notons que ceux qui exercent une profession libérale, peuvent, dans certains cas, être dispensés des interdictions visées à l'article 5, § 1er, de la loi du 11 février 2013 organisant la profession d'agent immobilier (voy. supra). Il faudra cependant que « ces dispositions réglementaires ou ces usages professionnels constants soient antérieurs à l'entrée en vigueur de présent arrêté et que ces personnes relèvent de la discipline d'une instance professionnelle reconnue » 7.
Ndlr. : La présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cour d’appel de Liège, 14 février 2006, 2003/RG/1 517.
2. Arrêté royal du 6 septembre 1993 protégeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agent immobilier, M.B., 13 octobre 1993, p. 22447.
3. Arrêté royal relatif à l'accès à la profession d'agent immobilier, M.B., 6 septembre 2013, p. 63081 et Loi du 11 février 2013 organisant la profession d’agent immobilier, M.B., 30 août 2013, p. 55906.
4. Article 5 §1er de la loi du 11 février 2013 précitée.
5. W. GHISLAIN, J.P. LEGRAND, B. LOUVEAUX, B. MARISCAL, L’immobilier en pratique, Kluwer, Mechelen, 2009, p. 43 et http://www.ipi.be/NV_1_A.php?lingua=FR, consulté le 24 juin 2015.
6. W. GHISLAIN, J.P. LEGRAND, B. LOUVEAUX, B. MARISCAL, L’immobilier en pratique, Kluwer, Mechelen, 2009, p. 41.
7. Article 7 de l’arrêté royal relatif à l'accès à la profession d'agent immobilier du 30 août 2013, p. 55906.