L’adoption peut être définie comme « une institution qui crée par décision de justice, pour l’avenir, un lien juridique comparable à la filiation, entre deux personnes, l’adopté et l’adoptant, ou trois personnes si l’adoption est le fait d’un couple »[1]. Elle peut être tantôt plénière, tantôt simple.
L’adoption plénière est une forme d’adoption permettant d’assimiler l’enfant adopté à l’enfant «conçu » par l’adoptant lui-même[2], de sorte qu’il n’existe plus aucun lien entre l’enfant et la famille d’origine de celui-ci.[3] Au contraire, l’adoption simple ne coupe pas totalement l’enfant de son ancien milieu familial puisqu’elle crée un lien de filiation additionnel, et non de substitution comme c’est le cas lors d’une adoption plénière.[4]
Selon l’article 343, §1er du Code civil, les adoptants peuvent être des cohabitants c’est-à-dire « deux personnes ayant fait une déclaration de cohabitation légale ou deux personnes qui vivent ensemble de façon permanente et affective depuis au moins trois ans au moment de l'introduction de la demande en adoption, pour autant qu'elles ne soient pas unies par un lien de parenté entraînant une prohibition de mariage dont elles ne peuvent être dispensées par le Roi »
Or rappelons qu’en ligne collatérale, le mariage est prohibé entre frères, entre soeurs ou entre frères et sœurs[5] sauf si le Roi en décide autrement.[6]
L’idée sous-jacente aux règles énoncées ci-avant est de protéger l’intérêt de l’enfant et de prévenir les relations incestueuses.[7] L’interdiction de l’inceste est elle-même motivée par le souci « de trouver son partenaire sexuel en dehors de sa famille ». [8]
Ainsi, il apparaît qu’il est dans l'intérêt de l'enfant « d’interdire toute révélation dans son identité, de l'origine incestueuse de sa conception biologique ou du projet parental dont il serait issu. »[9] L’environnement dans lequel l’enfant adopté est accueilli doit être stable et normal.[10]
Toutefois, la Cour constitutionnelle a estimé, dans un arrêt du 13 juillet 2017, que « rien ne permet de présumer qu’il n’est jamais dans l’intérêt de l’enfant d’être adopté par le cohabitant de fait de sa mère, lorsqu’existe entre ceux-ci un empêchement au mariage dont le Roi ne peut dispenser ».
Par conséquent, toujours selon la Cour, la fin de non-recevoir absolue qui découlerait de l’existence d’un empêchement au mariage dont le Roi ne peut dispenser néglige d’autres intérêts qui peuvent être en cause, en ce compris les intérêts de l’enfant.[11] Or, il est admis que l’enfant dispose d’un véritable droit à ce que soit pris en compte son intérêt pour toutes les décisions prises à son égard.[12]
Pour ces raisons, la Cour considère que l’article 343, §1er, b), du Code civil viole les articles 10, 11, et 22bis de la Constitution.
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[1] Y.-H. Leleu, Droit des personnes et des familles, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 628 (note sous G. Mathieu, et A.-C. Rasson, « L'intérêt de l'enfant sur le fil – Réflexions à partir des arrêts de la Cour constitutionnelle en matière de filiation », J.T., 2013/23, n° 6525, p. 426.)
[2] G. Mahieu, « Adoption », Rép. not., Tome I, Les personnes, Livre 3, Bruxelles, Larcier, 1989, p. 79.
[3]I. Lammerant, A. Ottevaere, et M. Verwilghen, « Le nouveau droit fédéral de l'adoption », R.T.D.F., 2006/1, p. 88.
[4]I. Lammerant, « De l'adoption et de l'adoption plénière – Livre I - Titre VIII », J.T., 2004/12, p. 267.
[5]C. civ., art 162.
[6]C. civ, art. 164.
[7] Y.-H. Leleu et L. Sauveur, « La filiation incestueuse et la Cour constitutionnelle », R.T.D.F., 2013/1, p. 217 ; Voy également D. Fenouillet, « L’adoption de l’enfant incestueux par le demi-frère de sa mère, ou comment l’intérêt prétendu de l’enfant tient lieu de seule règle de droit », Droit de la famille, pp. 7-9.
[8] Y.-H. Leleu et E. Langenaken, « Inceste, mariage et filiation : les cours supérieures ouvrent une voie libérale », J.T., 2007/15, p. 270.
[9] N. Gallus, « L'apport de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle à la fonction protectrice de l'adoption », J.T., 2017/32, p. 645.
[10]Cour constitutionnelle, arrêt n° 95/2017, 13 juillet 2017, www.const-court.be
[11]Cour constitutionnelle, arrêt n° 95/2017, 13 juillet 2017, www.const-court.be
[12]Cour constitutionnelle, arrêt n° 66/2003, 14 mai 2003, www.const-court.be