Présentation des faits 1
Une dame, propriétaire d'un fonds de commerce, a conclu un contrat de mandat d'exclusivité avec une agence immobilière. Ce contrat présente la particularité de contenir une clause qui réunit à la fois le montant de la commission de l'agent immobilier et la clause pénale en cas de non-respect du mandat d'exclusivité.
Le fonds a, par la suite, été vendu par la propriétaire elle-même pour un montant identique à celui prévu dans le contrat de mandat et ce en violation de la clause d'exclusivité.
L'agence immobilière réclame le montant de ses honoraires calculés sur la base du prix prévu dans la clause pénale plus la T.V.A.
Décision de la Cour d'appel de Liège
La Cour estime que la vente du fonds de commerce durant la période d'exclusivité accordée à l'agent immobilier entraîne le droit pour celui-ci de percevoir ses honoraires.
Elle relève cependant que la seule mention dans le contrat, en ce qui concerne le montant des honoraires, est contenue dans la clause pénale. Or, on ne peut considérer que le montant des honoraires équivaut à la différence entre le prix réel obtenu et le montant fixé dans le contrat.
S'agissant de la validité de la clause pénale, la Cour relève que le prix de vente prévu dans le contrat est inférieur à la base de calcul minimale prévue dans la clause pénale, ce qui constitue un indice du caractère non indemnitaire de la clause pénale. En effet, celle-ci attribue à l'agent immobilier, en cas d'inexécution du contrat, un bénéfice plus important que celui résultant de l'exécution normale du contrat.
En conséquence, la clause doit être considérée comme excessive et déclarée nulle. Le préjudice subi par l'agent immobilier pour le non respect du mandat d'exclusivité sera évalué conformément au droit commun.
Bon à savoir
Lorsqu'une personne accorde un mandat d'exclusivité à un agent immobilier, elle s'engage à une obligation de ne pas faire, dont la portée varie en fonction de l'intention des parties. Il peut s'agir d'une exclusivité restreinte, laquelle oblige seulement le mandant à ne pas confier la mission à un autre mandataire, ou d'une exclusivité au sens large, par laquelle le mandant s'interdit non seulement de confier la mission à un autre mandataire mais aussi de l'exercer lui-même 2. En pratique, lorsque la clause est libellée sans précision particulière, la jurisprudence retient l'interprétation large de la clause d'exclusivité.
Les clauses fixant un montant forfaitaire dont sera redevable le mandant en cas de non-respect de l'exclusivité doivent être assimilées à des clauses pénales 3. Celles-ci sont définies comme des clauses qui fixent de manière forfaitaire le montant du dommage résultant de l'inexécution de la convention 4.
Le caractère indemnitaire d'une clause pénale s'apprécie en fonction du préjudice que les parties pouvaient prévoir au moment de la conclusion du contrat et non par rapport au préjudice réellement subi 5.
L'article 1231 du Code civil prévoit que si le montant indiqué dans la clause pénale excède manifestement la somme que les parties pouvaient fixer pour réparer le dommage résultant de l'inexécution de la convention, le juge pourra, d'office ou à la demande du débiteur, réduire le montant de la clause pénale. Il ne peut, cependant pas la réduire à un montant de dommages et intérêts inférieurs à ceux qu'aurait obtenu le créancier en cas d'absence de clause pénale.
En cas d'annulation de la clause pénale, le créancier pourra obtenir réparation de son dommage, lequel sera évalué conformément au droit commun 6.
En vertu du droit commun, le débiteur devra, d'une part, rémunérer les prestations accomplies par le mandataire et rembourser des frais exposés 7, ce qui signifie que l'agent immobilier pourra réclamer le paiement des ses honoraires et frais, et, d'autre part, le mandant devra indemniser à l'agent la perte de chance de réaliser la vente (le lucrum cessans) 8.
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1. Cour d'appel Liège, 20/02/1996, J.L.M.B., 1997/28, p.1127.
2. F. Navez, « La vente d'un bien par son propriétaire en violation de l'exclusivité accordée à l'agent immobilier », J.L.M.B., 1997/28, p. 1128
3. M. Wahl, La responsabilité professionnelle de l'agent immobilier, Kluwer, Waterloo, 2009, p. 44
4. Bruxelles, 1er juin 2004, J.L.M.B., 2005/34, p. 1491
5. Cass., 18 décembre 1987, Bull., 1988, p. 486.
6. Mons, 23 mars 1994, Rev. not. b., 1994, p. 558.
7. Article 1999 du Code civil.
8. Mons, 23 mars 1994, Rev. not. b., 1994, p. 558.