Présentation des faits 1
Un homme et une femme sont mariés sous le régime légal de la communauté. En 1990, ils ont acquis ensemble un immeuble qui leur est commun. En 2001, ils décident de confier à un agent immobilier un mandat exclusif de vendre cet immeuble commun. Le contrat est conclu pour une durée de six mois et une clause prévoit qu'il se renouvellera par tacite reconduction pour une ou des périodes de même durée sauf s'il y a renonciation par lettre recommandée au moins trente jours avant l'expiration de la période en cours.
En 2003, un des époux notifie le renon par lettre recommandée plus de trente jours avant l'échéance de la quatrième reconduction tacite en cours.
L'agent immobilier conteste la validité du renon aux motifs que le mandat a été concédé par les deux époux et qu'un renon régulier exige la signature des deux mandants.
Décision de la Cour d'appel de Liège
La Cour dispose qu'en vertu des dispositions légales régissant la vente d'immeubles communs à des époux non séparés et mariés sous le régime légal de la communauté, ceux-ci doivent donner ensemble mandat de vendre à l'agent immobilier.
Chacun des époux conserve néanmoins son droit à consentir à la vente et/ou à résilier le contrat de mandat dans le respect des termes contractuellement convenus pour la résiliation.
Il en découle que la résiliation du contrat de mandat régulièrement notifiée par un des deux époux mandants s'impose à l'agent immobilier, lequel n'a dès lors plus le pouvoir de représenter l'époux mandant qui a ainsi résilié le contrat.
Cette résiliation a également pour effet de mettre un terme au contrat de mandat dès lors que ni l'autre époux ni l'agent immobilier ne peuvent vendre, donner ou accepter de vendre un immeuble commun contre la résiliation notifiée par le premier époux, sauf décision de justice.
Bon à savoir
L'article 215, § 1er du Code civil dispose qu' « un époux ne peut, sans l'accord de l'autre, disposer entre vifs à titre onéreux ou gratuit des droits qu'il possède sur l'immeuble qui sert au logement principal de la famille, ni hypothéquer cet immeuble » 2. Il en résulte que l'agent immobilier chargé de mettre en vente le logement familial devra donc s'assurer du consentement des deux époux 3.
L'accord des deux époux est également requis lorsque le bien ne constitue pas la résidence principale en application de l'article 1418 du Code civil 4. De même, si le bien appartient en indivision à plusieurs personnes, l'agent immobilier devra s'assurer d'obtenir l'accord de tous les indivisaires 5.
Une fois le contrat de mandat exclusif de vente conclu, chacune des parties conserve intégralement son droit à consentir à la vente et/ou à résilier le contrat de mandat dans le respect des termes contractuellement convenus pour la résiliation 6. En effet, aucun indivisaire ne peut être privé de son droit à résilier un contrat de mandat de vendre un immeuble commun en raison de l'absence de consentement de l'autre indivisaire à cette résiliation 7.
A cet égard, il importe peu que cette absence de consentement de l'autre indivisaire soit réelle, ou qu'il ne s'agisse que d'une absence à la signature à l'écrit de résiliation.
En conséquence, la résiliation du contrat de mandat régulièrement notifiée par un des mandants s'impose à l'agent immobilier mandataire, lequel n'a plus le pouvoir de représenter le mandant qui a ainsi résilié le contrat 8.
Par ailleurs, compte tenu du fait que les dispositions légales précitées interdisent à l'autre indivisaire de vendre, donner ou maintenir pouvoir de vendre, contre la résiliation notifiée par le premier indivisaire, la résiliation du mandat notifiée par le premier indivisaire suffit pour entraîner à elle seule la fin du contrat de mandat.
L'article 215, § 1er, dernier alinéa du Code civil précise toutefois que si un des époux refuse sans motifs grave de donner son consentement à la vente, le tribunal de la famille peut autoriser son conjoint à passer seul l'acte 9.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Liège, 20 février 2007, J.L.M.B., 2007/32, p. 1349.
2. Article 215, § 1er, al. 1 du Code civil.
3. Civ. Bruges, 3 mars 1998, T. App., 1998/4, p. 20.
4. B. Louveaux, « La responsabilité professionnelle des agents immobiliers », in Les responsabilités professionnelles, Editions Formation permanente C.U.P., novembre 2001, Université de Liège, p. 302.
5. M. Wahl, La responsabilité professionnelle de l'agent immobilier, Kluwer, Waterloo, 2009, p. 49.
6. Voy. G. Carnoy, « Le contrat de courtage immobilier en Belgique : information, commission et résiliation », Jurim Pratique, 2013/1, p. 125.
7. Liège, 20 février 2007, J.L.M.B., 2007/32, p. 1349.
8. Voy. F. Glansdorff, Mandat et fiducie, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 161.
9. Article 215, § 1er, dernier alinéa du Code civil.