Présentation des faits 1
Un couple confie à un agent immobilier un mandat exprès et exclusif d'assurer la gestion locative d'un bien dont il est propriétaire. Après quelque temps, le locataire perd son emploi et omet à plusieurs reprises de payer le loyer.
Le couple décide dès lors d'adresser à l'agent immobilier une lettre de mise en demeure en avril afin qu'il transmette celle-ci au locataire. L'agent immobilier oublie par la suite d'avertir les propriétaires du fait que le locataire n'a pas donné suite à leur mise en demeure.
En août, les loyers restant impayés, le couple décide d'agir en justice afin de demander la résolution du bail. Il décide également de résilier unilatéralement le contrat de mandat qui le lie à l'agent immobilier et demande à ce dernier la réparation du dommage résultant du non-paiement des loyers. En effet, le couple reproche à l'agent immobilier de ne pas les avoir informé dès le lendemain du délai fixé dans la mise en demeure, que le locataire n'y avait pas donné suite, faute de quoi, les poursuites n'ont pas pu être entamées immédiatement contre le locataire.
Décision du juge de paix du 2ème canton de Wavre
Le juge de paix rappelle que l'article 2004 du Code civil autorise la révocation ad nutum de l'agent immobilier mandataire. La révocation du mandat ne peut par ailleurs opérer qu'ex nunc, c'est-à-dire sans effet rétroactif lorsque, comme le bail dont il était la cause, il porte sur des prestations successives.
L'agent immobilier conteste toutefois que les fautes reprochées puissent avoir été la cause de la perte de loyer. A cet égard, le juge estime que l'agent immobilier ne peut, en effet, être tenu pour responsable de la perte d'emploi du locataire. Une agence immobilière ne peut garantir la solvabilité des candidats locataires.
Le juge estime toutefois qu'il n'est pas nécessaire d'établir l'insolvabilité pour conclure que par le fait des loyers impayés, les propriétaires ont subi un préjudice.
En effet, si l'agent immobilier avait informé les propriétaires au lendemain du délai fixé dans la mise en demeure que le locataire n'y avait pas donné suite, les poursuites auraient pu être entamées immédiatement et la citation signifiée pour une audience du mois d'avril.
Par conséquent, la perte de loyer imputable aux défaillances de l'agent immobilier est équivalente à trois mois de loyer.
Bon à savoir
Le mandat ou procuration est l'acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom 2.
Dans la majorité des cas, l'agent immobilier n'est pas investi d'un véritable mandat mais d'une simple mission de courtage, laquelle consiste à rechercher un candidat et à le mettre en relation avec le vendeur 3. En effet, un mandat n'existe que si l'agent immobilier a reçu le pouvoir d'accomplir un acte juridique au nom et pour le compte de son mandant.
C'est notamment le cas lorsque l'agent est chargé de signer le compromis de vente au nom du vendeur, de signer le bail au nom du bailleur pour un bien qu'il a reçu mission de mettre en location, de rédiger une option ou de percevoir des provisions sur le prix de vente 4.
S'il s'agit d'un véritable mandat, le mandant a, en vertu de l'article 2004 du Code civil, le droit de révoquer le mandataire quand bon lui semble. On parle de révocation ad nutum car le mandant peut mettre fin au contrat sans délai et devoir fournir une quelconque justification.
Cette révocabilité du mandat s'explique par le fait que le contrat est conclu dans l'intérêt du mandant et qu'il repose sur la confiance réciproque entre les parties 5. Par conséquent, le mandat peut y mettre fin quand il n'a plus d'intérêt au maintien du mandataire ou lorsque sa confiance dans ce dernier est ébranlée 6.
La révocation peut être expresse ou tacite. Elle sera tacite si le mandant accomplit lui-même l'acte juridique visé ou s'il fait le choix d'un autre mandataire pour l'accomplir 7.
La révocation opère toujours ex nunc, c'est-à-dire sans effet rétroactif. Elle ne prive le mandataire de ces pouvoirs qu'à compter du jour où il a eu connaissance de son dessaisissement.
Le mandant doit toutefois indemniser le mandataire de ses débours ainsi que des pertes qu'il a exposé dans l'exercice de sa mission 8.
Le droit de révocation du mandataire n'est cependant pas un droit discrétionnaire. Le mandant ne peut pas révoquer le mandataire dans des circonstances dommageables pour ce dernier car il commettrait une faute 9. Tel est le cas quand, eu égard aux circonstances de fait, le mandataire subit un préjudice en raison de la fin mise à sa mission.
La révocation ad nutum du mandataire est par ailleurs un principe supplétif. Les parties peuvent donc modaliser la révocation du mandataire (conditions, délais, indemnité), ou convenir d'une irrévocabilité temporaire ou absolue 10.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. J.P. Wavre (2ème canton), 19 novembre 2002, R.C.D.I., 2007/3, p. 43.
2. Article 1984 du Code civil.
3. M. Wahl, La responsabilité professionnelle de l'agent immobilier, Kluwer, Waterloo, 2009, p. 27.
4. Ibid., p. 30.
5. P. Wéry, Le mandat, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 267.
6. Article 2004 du Code civil.
7. Article 2006 du Code civil.
8. Article 2000 du Code civil.
9. Cass., 24 avril 1845, Pas., 1846, I, p. 484.
10. Anvers, 13 février 1980, R.D.C., 1983, p. 351.