Présentation des faits1
L'administration fiscale désire procéder à une saisie-arrêt entre les mains d'une société A afin d'appréhender les sommes que celle-ci devait à la société B, débitrice de T.V.A. Cette saisie-arrêt est opérée conformément à l'article 85 bis, § 1er, du Code de la T.V.A, lequel prévoit que le fonctionnaire chargé du recouvrement de la T.V.A. peut faire procéder, par pli recommandé à la poste, à la saisie-arrêt-exécution entre les mains d'un tiers sur les sommes et effets dus ou appartenant au redevable.
La société A renvoi le formulaire de déclaration de tiers saisi et indique qu'elle ne doit rien à la société B. Soupçonnant une déclaration de tiers saisi inexacte, un vérificateur de l'administration de la T.V.A. se rend au siège de la société A pour demander la consultation du « facturier d'entrée et du journal bancaire ». Il s'avère qu'en réalité la société A a payé à la société B différentes sommes pour un total de 106.513 BEF.
La société A reconnaît avoir payé ladite somme directement à la société B mais se défend d'une collusion avec elle. Elle affirme en effet que le paiement résulte de manœuvres dolosives de la société B qui a prétendu que tout était « en ordre » et dont l'activité du gérant s'est soldée par plusieurs faillites.
En outre, la société A estime que l'action de l'administration fiscale à son encontre est irrégulière car les éléments de preuve rapportés par l'administration sont entachés d'illégalité. En effet, elle affirme qu'un agent de l'administration n'a de pouvoir qu'en vue de l'application de l'impôt revenant à l'administration dont il relève et qu'il n'est donc pas en droit d'user de ce pouvoir pour appuyer une action judiciaire reposant sur l'article 1452 du Code judiciaire. Le tribunal de première instance suit cette argumentation et donne raison à la société A. L'administration fiscale fait appel.
Décision de la Cour d'appel de Liège
La Cour constate qu'en l'espèce, le vérificateur de l'administration de la T.V.A ne venait pas pour établir si la société A était tenue d'une T.V.A. particulière mais pour rechercher les preuves permettant le recouvrement de la T.V.A. due par la société B. Or, il résulte du Code de la T.V.A. que les agents de l'administration fiscale disposent de pouvoirs d'investigation tant en vue de l'établissement que du recouvrement de la T.V.A. Le vérificateur n'a donc pas outrepassé ses pouvoirs et n'a pu surprendre la société A, laquelle a d'ailleurs elle-même même invité son comptable à répondre à la demande du contrôleur.
La Cour rappelle ensuite que le tiers saisi (la société A) ne peut se fier à l'affirmation du débiteur saisi (la société B) suivant lequel il n'était plus débiteur vis-à-vis du saisissant (l'administration de la T.V.A.). En effet, il ne peut passer outre l'interdiction de se dessaisir tant qu'il ne lui est pas justifié que mainlevée régulière de la saisie a été accordée2. En l'espèce, la société A a expressément reconnu avoir payé 106.513 BEF à la société B en méconnaissance de l'interdiction qui lui avait été faite.
La sanction de non-respect de l'interdiction consiste dans le fait que le tiers saisi devient le débiteur direct et personnel du saisissant3. Le juge dispose à cet égard d'un pouvoir d'appréciation souverain quant au principe et à la mesure de la condamnation du tiers saisi.
En l'espèce, le juge estime qu'il n'y a pas lieu de permettre à l'administration de la T.V.A. d'obtenir davantage que ce qu'elle aurait obtenu si la saisie avait été respectée. La Cour condamne donc la société A a payer à l'État belge la somme de 2.640,39 EUR.
Bon à savoir
L'article 59 du Code de la T.V.A. autorise l'administration à prouver par les procès-verbaux des agents du ministère des Finances toute infraction ou toute pratique abusive aux dispositions du Code de la T.V.A ou prises pour son exécution, de même que tout fait quelconque qui établit ou qui concourt à établir l'exigibilité de la taxe ou d'une amende4.
Ces procès-verbaux ont une force probante jusqu'à preuve du contraire sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant que les procès-verbaux ont été établis par des agents de l'une ou l'autre administration5. Cette preuve s'étend toutefois exclusivement aux constatations matérielles effectuées personnellement par les agents du ministère des Finances6.
Par ailleurs, l'article 93 quaterdecies du Code de la T.V.A. prévoit que tout renseignement obtenu par un agent dans l'exercice de ses fonctions peut être invoqué pour la recherche de toute somme due en vertu d'une loi d'impôt. Par conséquent l'agent de l'administration régulièrement chargé de faire une enquête se rapportant à l'application d'un impôt déterminé est également habilité à rechercher tout renseignement propre à assurer l'exacte perception de l'impôt.
De plus, l'article 63 bis du Code de la T.V.A. énonce que les fonctionnaires chargés du recouvrement de la T.V.A. disposent de tous les pouvoirs visés aux articles 61, 62, § 1er , 62 bis et 63 en vue d'établir la situation patrimoniale du débiteur pour assurer le recouvrement de la taxe, des intérêts, des amendes fiscales et des frais7.
Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les agents de l'administration ont pouvoir tant pour vérifier l'exact établissement de la taxe que pour assurer ce qui en permettra le recouvrement. Aucune distinction fondamentale n'existe en effet entre les fonctionnaires et agents chargés de l'application de l'impôt et ceux qui se voient affectés au recouvrement de la taxe. Dans l'un et l'autre cas, l'agent concerné dispose de l'ensemble des pouvoirs d'investigation prévus par le Code8.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Liège, 14 février 2008, R.G.C.F., 2008/6, p. 507.
2. G. De Leval, « La saisie-arrêt », Rép. not., p. 164, n°398.
3. N. Pirotte, « Sanction du tiers saisi : pénalité ou indemnité », J.L.M.B., 1999, p. 408 ; Liège, 20 mars 1998, J.L.M.B, 1999, p. 401
4. Article 59 du Code de la T.V.A.
5. T. Afschrift, Traité dela preuve en droit fiscal, 2004, p. 343, n°434
6. Ibidem, p. 352, n°447.
7. Article 63 bis du Code de la T.V.A.
8. Doc. parl., Ch., sess. ord., I, 2002-2003, n°2193/001, p. 4