Présentation des faits 1
Une société A a été constituée par acte sous seing privé en 1986. Elle comprenait quatre associés. Le capital était représenté par des parts nominatives de 1.000 anciens francs belges chacune et un des associés C a été désigné administrateur à titre gratuit.
En 2005, un des associés D rachète l'ensemble des parts de ladite société pour un prix total de 233,75 euros. Une semaine plus tard, il cède les parts sociales de la société A à une autre société B pour un prix de 100.000 euros.
Les deux sociétés fusionnent par absorption simplifiée quelques mois plus tard. Suite à un contrôle fiscal effectué par l'administration de la fiscalité des entreprises et des revenus, un avis de rectification est adressé aux anciens associés C et D en vue d'imposer comme revenus divers les bénéfices ou profits résultant du rachat des parts sociales de la société A par la société B.
Par requête déposée au greffe du tribunal de première instance, C et D introduisent un recours judiciaire contre la cotisation enrôlée à leur charge. La chambre fiscale du tribunal de première instance déclare la demande non fondée. C et D font appel.
Décision de la Cour d'appel de Mons
C et D prétendent qu'un accord est intervenu entre leur conseil et l'administration fiscale lors d'une réunion tenue en 2007 dans les locaux de l'administration.
Selon eux, le taxateur aurait accepté la réalité du portage des associés dans le cadre de la constitution de la société A impliquant l'abandon du principe de taxation de la vente des parts de cette société au titre de revenus divers ne découlant pas d'une gestion normale, en bon père de famille, du patrimoine privé.
Le juge relève que l'échange de courriers entre le taxateur et le conseil de C et D ne permet pas de démontrer l'existence d'un accord définitif sur quelque point que ce soit et notamment sur l'abandon de la taxation des revenus divers.
En tout état de cause, même si l'existence d'un accord était démontrée en l'espèce, ils ne pourraient en revendiquer l'application en invoquant les principes de bonne administration et de confiance légitime, dès l'instant où ledit accord est contraire à des dispositions légales et n'a donc pas pu faire naître dans leur chef des prévisions justifiées que l'administration renonçait à l'application stricte de la loi.
En effet, il ne peut y avoir d'attente légitime à l'égard d'un accord, d'une tolérance ou d'une pratique de l'administration qui confère certains avantages en violation de dispositions légales.
La Cour déclare dès lors l'appel non fondé.
Bon à savoir
En droit fiscal, le principe de confiance légitime, parfois assimilé au principe de sécurité juridique, signifie que le citoyen doit pouvoir se fier à une ligne de conduite adoptée par l'administration fiscale, qui est tenue de respecter les promesses ou les attentes que son attitude a fait naître 2. Il s'ensuit qu'en principe, les services publics sont tenus d'honorer les prévisions justifiées qu'ils ont fait naître dans le chef du citoyen 3.
Le droit à la sécurité juridique dont bénéficie le contribuable n'est pas cependant illimité et doit, dans certaines circonstances, céder devant le principe de la légalité consacré par l'article 170 de la Constitution 4. En effet, le principe de légalité est un principe général qui à valeur constitutionnelle et qui dès lors prime sur le principe de confiance légitime.
Il en découle que le contribuable ne peut fonder une attente légitime sur un comportement de l'administration qui violerait la loi soit en faisant une application fausse de celle-ci, soit en renonçant à l'appliquer 5. Par conséquent, il ne peut y avoir d'attente légitime à l'égard d'un accord, d'une tolérance ou d'une pratique de l'administration qui confère certains avantages en violation de dispositions légales 6.
A contrario, lorsque le comportement de l'administration porte sur une question de pur fait et que ce comportement ne heurte pas des dispositions légales, le principe de légalité doit céder devant la confiance suscitée par la manière d'agir de l'administration 7.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Mons, 22 novembre 2013, J.L.M.B., 2015/2, p. 81.
2. C. Parmentier, « Le principe de confiance légitime confronté au principe de légalité en droit fiscal », J.L.M.B., 2015/2, p. 83.
3. Cass., 27 mars 1992, Pas., 1992, n° 405.
4. Cass., 3 novembre 2000, Pas., 2000, n° 596.
5. Voy. V. Scoriels, « Le principe de confiance légitime en matière fiscale et la jurisprudence de la Cour de cassation », J.T., 2003/16, p. 301.
6. Cass., 30 mai 2008, R.G. n° F.06.0083.F.
7. Cass., 3 juin 2002, Pas, 2002, n° 337.