Présentation des faits1
Deux époux ont constitué une société (SPRL) dont la faillite a été prononcée quelques années plus tard. Le mari a déposé une déclaration de créance dans la faillite de la société pour une somme qui correspondrait à son goodwill dont il aurait fait apport à la société.
Cette créance a été contestée par le curateur de la société devant le tribunal de commerce qui déclara la demande en admission de la créance recevable mais non fondée car l'existence de cette créance n'était pas établie. Cette appréciation se fonde sur le fait que l'apport du goodwill n'est pas constaté dans la comptabilité de la société.
Le mari interjeta appel de cette décision.
Décision de la Cour d'appel de Liège
Les considérations de la Cour ont trait à la notion de goodwill et sa correcte intégration dans la comptabilité d'une société. À cet égard, la Cour relève qu'il existe de nombreuses méthodes d'évaluation des apports en nature constitués d'un goodwill ou d'un fonds de commerce et que celle retenue par le comptable de l'appelant en est une parmi d'autres qui est en fait calquée sur les règles de taxation des plus-values de cessation sur ce type d'immobilisations 2.
La difficulté de l'évaluation du goodwill réside dans l'appréciation complexe des éléments qui le composent. Néanmoins, la Cour constate que l'existence de l'apport de ce goodwill ou de ce fonds de commerce n'apparaît dans aucun document de la société produit par les parties.
Le mari n'apporte aucune preuve qu'il aurait effectivement apporté ce goodwill à la société qu'il a constituée avec son épouse. En conséquence, la Cour confirme le jugement attaqué qui rejette la déclaration de créance du mari.
Bon à savoir
Le goodwill peut se définir comme étant l'écart positif entre la valeur d'acquisition d'un actif et sa valeur comptable 3. Cet écart trouve sa source dans la fidélité de la clientèle, la notoriété, le savoir-faire ou encore les performances de l'entreprise acquise. Malgré l'absence de critères objectifs pour la détermination de la valeur du goodwill, cet actif doit être évalué et son montant doit nécessaire être intégré à la comptabilité de la société.
En effet, la comptabilité de la société est présumée en donner une image fidèle d'un point de vue patrimonial 4. Les actifs que constituent le goodwill ou le fonds de commerce qui sont apportés à la société doivent donc figurer dans celle-ci, même s'ils lui avaient été apportés ou cédés gracieusement. Cette prise en compte est d'ailleurs appuyée par le fait que la loi impose, en cas d'apport en nature, qu'un réviseur d'entreprises établisse un rapport notamment sur la description de chaque apport en nature et sur les modes d'évaluation adoptés 5.
Les comptes annuels de la société établis sous la responsabilité du gérant et approuvés lors des assemblées générales de la société lui sont opposables 6. Dans le cas d'espèce, le mari, fondateur et gérant de la société, est lié par la comptabilité de la société. Si celle-ci ne tient pas compte du goodwill qu'il a apporté, il ne peut prouver l'existence d'une créance à l'égard de la société fondée sur cet apport.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Appel Liège, 19 janvier 2012, J.L.M.B., 2012/25, p. 1174.
2. Article 171, 1° CIR 92.
3. F. Khrouz, Comptabilité et gestion : comptabilité générale, analyse financière et consolidation des comptes, Bruxelles, Centre de comptabilité et contrôle de gestion, 2011, p. 433.
4. G. Gelders, " Le principe de l'image fidèle dans le droit comptable ", C.F.P., 1995, juin, pp. 7-27, et août, pp. 15-21.
5. Article 219 du Code des sociétés.
6. Appel Liège, 5 octobre 2001, Rev. prat. soc., 2002, p. 84.