Présentation des faits 1
Une personne a acquis en 2007 un immeuble destiné à abriter une imprimerie. Par la suite, le propriétaire décide de modifier la destination initiale de l'immeuble et fait d'importants travaux afin de le transformer en complexe commercial.
Le propriétaire sollicite auprès de l'administration fiscale l'exonération du précompte immobilier pour improductivité de l'immeuble pendant la période des travaux. Il soutient en effet que les travaux qu'il a réalisés étaient indispensables pour mettre le bien en location et le rendre productif.
L'administration fiscale rejette la demande d'exonération sur base d'un rapport établi par l'administration du cadastre qui précise que le bien était en état locatif durant cette période.
Décision de la Cour de cassation
La Cour de Cassation relève qu'en Région wallonne, l'article 257, 4°, alinéa 1er, a, du Code des impôts sur les revenus 1992 (C.I.R.) prévoit, qu'à la demande de l'intéressé, il est accordé remise ou modération du précompte immobilier dans une mesure proportionnelle à la durée et à l'importance de l'inoccupation, de l'inactivité ou de l'improductivité du bien immeuble, dans le cas où un bien immobilier bâti, non meublé, est resté inoccupé et improductif pendant au moins cent quatre-vingts jours dans le courant de l'année.
Par ailleurs, l'improductivité doit revêtir un caractère involontaire. La Cour énonce que c'est au juge du fond qu'il appartient d'apprécier si l'improductivité du bien durant la période concernée est due à des circonstances indépendantes de la volonté du contribuable.
De plus, c'est le contribuable qui sollicite l'exonération du précompte immobilier qui doit supporter la charge de la preuve du caractère involontaire de l'improductivité. En l'espèce, les photographies produites par le propriétaire ne permettent pas d'établir que le bien n'était pas en état locatif ni de constater que l'immeuble litigieux se trouvait dans un état particulièrement vétuste.
Il en découle que le juge du fond a pu légalement déduire que le propriétaire ne démontre pas, pièces à l'appui, que le choix de transformer l'immeuble en complexe commercial lui aurait été imposé par des circonstances extérieures, par exemple d'ordre économique ou environnemental. Par conséquent, la preuve de l'improductivité involontaire n'est pas rapportée. La Cour de cassation confirme donc la décision de la Cour d'appel qui avait rejeté la demande d'exonération du précompte immobilier.
Bon à savoir
L'article 15 du C.I.R. prévoit que le revenu cadastral est réduit dans une mesure proportionnelle à la durée et à l'importance de l'inoccupation, de l'inactivité ou de l'improductivité des revenus 2:
- Dans le cas où un bien immobilier bâti, non meublé, est resté inoccupé et improductif pendant au moins 90 jours dans le courant de l'année ;
- Dans le cas où la totalité du matériel et de l'outillage, ou une partie de ceux-ci représentant au moins 25 % de leur revenu cadastral, est restée inactive pendant 90 jours dans le courant de l'année ;
- Dans le cas où la totalité soit d'un bien immobilier bâti, soit du matériel et de l'outillage, ou une partie de ceux-ci représentant au moins 25 % de leur revenu cadastral respectif, est détruite.
L'article 257, 4° du C.I.R prévoit par ailleurs que sur demande du redevable du précompte immobilier, il est accordé remise ou modération proportionnelle de celui-ci dans la mesure où le revenu cadastral imposable peut lui-même être réduit par suite de destruction, d'inoccupation et d'improductivité 3.
La remise ou modération proportionnelle du précompte immobilier étant désormais une compétence régionale, les conditions de son octroi diffèrent d'une région à l'autre.
Néanmoins, certaines conditions restent communes. Il faut tout d'abord qu'il s'agisse d'un immeuble bâti non meublé. Sont donc écartés les habitations ou appartements garnis de mobilier et donnés en location 4. L'immeuble doit être inoccupé et également improductif de revenus.
L'improductivité de l'immeuble doit être involontaire, c'est-à-dire que l'inoccupation doit résulter de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable 5. Cette preuve peut être rapportée par toutes voies de droit par le propriétaire 6. L'administration apprécie cette condition de manière stricte. A cet égard, elle considère notamment que l'improductivité est volontaire lorsque le propriétaire a mis en vente un bien et ne souhaite pas que le bien soit donné en location avant d'être vendu 7.
L'improductivité doit être d'une durée minimale de 90 jours. En Région wallonne, la durée d'improductivité minimale est toutefois de 180 jours 8.
Par ailleurs, toujours en Région wallonne, le bénéfice de la réduction du précompte immobilier est limité à une période totale de douze mois ; à moins que le redevable ne prouve que l'improductivité résulte d'une calamité, d'un cas de force majeure, d'une procédure ou d'une enquête administrative ou judiciaire empêchant la jouissance libre de l'immeuble 9.
La Région bruxelloise a quant à elle sensiblement restreint le champ d'application de la réduction proportionnelle du précompte immobilier pour improductivité puisqu'elle ne l'autorise que pour les immeubles insalubres améliorables, qui répondent, après travaux, à certaines normes d'habitabilité 10.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cass., 13 novembre 2014, J.L.M.B., 2015/2, p. 72.
2. Article 15 du Code d'impôt sur les revenus 1992 (C.I.R.).
3. Article 257, 4° du C.I.R.
4. B. Mariscal, « Refonte intégrale des réductions du précompte immobilier pour habitation modeste et improductivité », Immobilier, 2010/ 4, p. 4.
5. Article 257, 4° du C.I.R.
6. G. Debouche, « La fiscalité immobilière », Bruxelles, Larcier, 2006, p. 64.
7. Cass., 18 nov. 1955, Pas., 1956, I, p. 258.
8. Article 2 du décret du 10 décembre 2009 d'équité fiscale et d'efficacité environnementale pour le parc automobile et les maisons passives
9. B. Mariscal, « Improductivité d'un immeuble en Région wallonne : quand peut-on invoquer la force majeure ? », Immobilier, 2013/ 10, p.1.
10. Ordonnance du 13 avril 1995 modifiant l'ordonnance du 23 juillet 1992 relative au précompte immobilier ; B. Mariscal, « Pr.I. en Région de Bruxelles-Capitale. Remise ou modération proportionnelle pour improductivité: le verdict de la Cour d'arbitrage », Immobilier, 2003/ 2, p. 1.