Présentation des faits 1
Une femme exploitait une friterie dans le centre de la ville d'Ath. De cette activité, elle percevait des bénéfices d'entreprise commerciale taxables à l'impôt des personnes physiques. Dans ses déclarations fiscales, elle déclarait le montant des revenus qu'elle avait perçus pour chaque période imposable.
Un jour, le contrôleur en chef du contrôle des contributions directes d'Ath écrivit une lettre à l'exploitante de la friterie pour lui indiquer qu'il avait reçu des photocopies d'une comptabilité parallèle de recettes occultes réalisées depuis plusieurs années relatives à la friterie et qu'en conséquence, l'administration fiscale allait procéder à la régularisation de sa situation fiscale.
Un accord fut signé entre l'administration et l'exploitante au sujet de cotisations d'impôts se basant sur la comptabilité occulte mentionnée. Néanmoins, la contribuable intenta quelques mois plus tard une action judiciaire pour contester ces cotisations supplémentaires établies illégalement.
Arrêt de la Cour d'appel de Mons
Devant le Cour d'appel, la contribuable prétendit que les cotisations réclamées avaient été établies de manière illégale car les photocopies mentionnées avaient été communiquées illégalement par l'ancien concubin de la contribuable. La Cour avance que l'administration fiscale ne peut, en règle, asseoir une imposition sur la base d'un élément de preuve recueilli de manière illégale ou illicite, comme celui provenant de la soustraction frauduleuse par un tiers d'une comptabilité occulte d'un contribuable.
Or, l'Etat belge ne démontre pas que le concubin en question exploitait de manière régulière et continue la friterie avec la contribuable au cours des exercices d'imposition litigieux. Par ailleurs, l'administration n'a pas pu vérifier la quantité de marchandises livrées en noir à défaut de connaître l'identité précise du ou des fournisseur(s) de la friterie. Sur base de ces éléments, la Cour annula les cotisations établies illégalement et considéra que l'accord conclu avec la contribuable était entaché d'une erreur de droit.
Bon à savoir
Pour établir l'existence et le montant d'une dette d'impôt dans le chef d'un contribuable, l'administration fiscale est autorisée à recourir à tous les moyens de preuve du droit commun 2, mais il lui revient de démontrer le caractère probant, c'est-à-dire fiable et exact des éléments de preuve invoqués.
Une comptabilité est non probante d'un point de vue fiscal, lorsqu'elle ne permet pas de contrôler les résultats d'un contribuable et lorsque les écritures ne sont pas appuyées de pièces justificatives. A défaut de constituer un ensemble d'éléments cohérents, précis et contrôlables en vue de déterminer les revenus imposables, l'administration fiscale est dans l'impossibilité de vérifier l'exactitude des chiffres comptabilisés.
Ce n'est pas le cas si l'administration avait, quod non, apporté régulièrement la preuve de revenus non déclarés sur base d'informations relatives au contribuable comme son identité, la date, la nature, le poids, la quantité et le prix des produits livrés. Cette preuve aurait été accueillie favorablement même si elle ressortait d'une comptabilité détaillée tenue en noir par un fournisseur et saisie par la justice et que cette comptabilité occulte était tenue dans plusieurs écritures distinctes 3.
Par contre, l'administration fiscale ne peut déterminer par présomptions un bénéfice supplémentaire non déclaré sur la base de documents non vérifiables 4 et/ou recueillis de manière illégale. En cas de contrariété à la loi, comme dans le cas d'espèce, le contribuable peut saisir la justice pour contester la taxation établie 5.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Appel Mons, 21 septembre 2007, J.L.M.B., 2008/16, p. 715.
2. Article 340 du C.I.R. 92.
3. Appel Gand (5ème chambre fiscale), 11 juin 2002, J.L.M.B., 2003/21, p. 937.
4. Appel Bruxelles (6ème chambre fiscale), 10 octobre 2003, J.L.M.B., 2005/03, p. 133.
5. J.-P. Magremanne, D. Lambot, B. De Clippel et M. Marlière, Le contentieux de l'impôt sur les revenus, Bruxelles, Kluwer, 2000, p. 385, n° 343.