Présentation des faits 1
Dans les faits, Monsieur D et Monsieur et Madame S revendiquent chacun la propriété d'une parcelle de terrain, cadastrée actuellement section B, n° 511 E, d'une contenance d'après cadastre de 4a 33 ca.
Il y a lieu de préciser que la parcelle litigieuse provient de divisions successives d'une parcelle cadastrée initialement 511 d'une contenance de 23a 80ca.
Par le biais d’un acte de partage du 8.02.1980, la parcelle 511 fut divisée en une parcelle 511a d'une contenance de 16a 36ca et une parcelle 511b d'une contenance de 7a 44ca.
Par acte authentique du 27.03.1982, Monsieur et Madame S ont acheté une parcelle 511b.
Par acte authentique du 4.02.1984, ils ont acheté une parcelle de terrain cadastrée section B 511 a, ci‐avant partie des numéros 510 et 511 d'une superficie de 4 ares environ.
Par acte authentique du 21.12.2002, Monsieur D a acheté une pâture sise en lieux dits "Charneux" et "Charnay" paraissant cadastrée ou l'avoir été section B n° 510 de 22a 10 ca et n° 511a de 16a 36 ca formant un ensemble de 38a 46 ca.
Le premier juge a considéré que les titres dont les parties se revendiquent portent sur la parcelle litigieuse. Celui du 21.12.2002 porte sur l'acquisition d'une parcelle cadastrée n° 511a de 16a 36 ca, tandis que celui du 4.02.1984 porte sur l'acquisition d'une parcelle cadastrée n° 511a d'une superficie de 4 ares environ.
Madame et Monsieur S ayant déjà acquis en 1982 la propriété de la parcelle 511b, l'acte d'achat de 1984 ne peut porter que sur cette parcelle actuellement cadastrée 511E, formant un triangle séparé de la propriété de Monsieur D cadastrée actuellement n° 511D, par un chemin communal repris tant sur les documents du cadastre que sur la plan du géomètre dont la fausseté n'est pas établie.
Monsieur D interjette appel des jugements rendus les 8 novembre 2012 et 30 mai 2013 par le Tribunal de première instance de Dinant. Monsieur D invoque son acte authentique de vente du 21.12.2002 à l'appui de sa revendication alors que Madame et Monsieur S invoquent à titre principal la prescription acquisitive du terrain litigieux.
Décision de la Cour d’appel de Liège
La Cour rappelle que l'usucapion est un mode originaire d'acquisition de la propriété ; si les conditions de l'usucapion invoquée par Monsieur et Madame S sont remplies, leur droit de propriété sera établi de façon absolue.
L'article 2225 du Code civil dispose que "Celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble, en prescrit la propriété par dix ans, si le véritable propriétaire habite dans le ressort de la cour d'appel dans l'étendue de laquelle l'immeuble est situé et par vingt ans, s'il est domicilié hors dudit ressort".
En l’espèce, Madame et Monsieur S prétendent être de bonne foi (croyant en la qualité de légitimes propriétaires) au moment de l’acquisition. En outre, cette bonne foi est présumée et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver.
Monsieur D énonce que la bonne foi des intimés est plus que douteuse mais ce dernier ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi dans le chef des intimés.
La Cour considère que Madame et Monsieur S ont légitimement cru que leurs vendeurs étaient bien les propriétaires de la parcelle litigieuse et ils n'avaient aucune raison d'en douter.
En ce qui concerne la prescription acquisitive, cette dernière requiert une possession. Il résulte de l'ensemble des pièces déposées par les intimés que ceux-ci ont exercé des actes de main mise matérielle sur la parcelle litigeuse en la clôturant dès leur achat de 1984, en l'entretenant, en y effectuant des plantations de fleurs et d'arbres, en la transformant ainsi en un petit parc arboré qu'ils faisaient visiter ; que ce corpus possessionis a existé dans le chef des intimés depuis plus de 20 ans à partir de la transcription de leur juste titre.
Monsieur S reste donc en défaut de démontrer que la possession des intimés serait atteinte d'un des vices visés par l'article 2229 du Code civil.
La Cour confirme le premier jugement.
Bon à savoir
L'article 2225 du Code civil dispose que "Celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble, en prescrit la propriété par dix ans, si le véritable propriétaire habite dans le ressort de la cour d'appel dans l'étendue de laquelle l'immeuble est situé et par vingt ans, s'il est domicilié hors dudit ressort".
Ainsi, la bonne foi doit exister au moment de l'acquisition du bien. Il est important de préciser que la bonne foi est toujours présumée et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi de la prouver. 2
Sur base de l'article 2229 du Code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. 3
A cet égard, c'est à celui qui se prévaut de l'existence d'un vice à le prouver. 4
Pour ce qui est de la possession, celle-ci suppose un corpus, soit une main mise sur la chose, l'accomplissement d'actes correspondant à l'exercice du droit de propriété, et un animus, soit l'intention d'agir pour son propre compte. 5
L'article 2230 du Code civil, quant à lui, dispose qu'on est toujours présumer posséder pour soi et à titre de propriétaire.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cour d’appel de Liège, 03 mars 2015, RG n° 2013/rg/1504, F‐20150303‐7, www.juridat.be
2. Article 2268 du Code civil.
3. P. LECOCQ., « § 3. - La prescription acquisitive » in Manuel de droit des biens – Tome 1, Bruxelles, Éditions, Larcier, 2012, p. 169-207.
4. J. HANSENNE, Les Biens, Précis, n° 157, p. 172 ; A. CULOT, B. GOFFAUX, C. MOSTIN, et H. VANGINDERTAEL., « Emphytéose et superficie », Rép. not., Tome II, La propriété immobilière, Livre 6, Bruxelles, Larcier, 2004, n° 151.
5. Voyez : WATGEN, R., WATGEN, M., « Chapitre XXV - La prescription acquisitive (usucapion) » in La propriété immobilière, Windhof, Promoculture-Larcier, 2013, p. 285-303.