Présentation des faits 1
Monsieur C est décédé ab intestat le 15 février 1997, alors que ses deux fils, S., né le 24 juin 1983, et J., né le 6 février 1985, seuls héritiers légaux, étaient encore mineurs. Madame A, leur mère, était tutrice légale et leur oncle paternel nommé subrogé tuteur.
Par décision du conseil de famille réuni sous la présidence du juge de paix en date du 10 avril 1997, Madame A a été autorisée à accepter la succession au nom de ses enfants mineurs, mais sous bénéfice d'inventaire seulement, et le notaire X. a été désigné aux fins d'établir la dévolution successorale revenant aux enfants mineurs ainsi que pour procéder aux opérations d'inventaire.
La décision du juge de paix précise que le notaire X déposera dans un délai de quatre mois, soit avant le 10 août 1997, la copie signée et certifiée conforme de cet inventaire authentique ainsi que la liste des biens et le calcul des parts revenant auxdits enfants mineurs.
Cela étant, le notaire X ne l'a pas fait.
Eu égard au défaut dépôt de la déclaration de succession et du paiement des droits, une contrainte litigieuse a été décernée le 19 avril 2002 et un commandement a été signifié le 15 mai 2002, soit cinq ans après l'ouverture de la succession.
Les demandeurs ont immédiatement formé opposition à la contrainte devant ce tribunal et saisi le juge de paix afin qu'il désigne le notaire D en remplacement du notaire X.
Monsieur le notaire D a été désigné par ordonnance du 26 juin 2002 en vue de dresser un inventaire des biens de la succession et de rédiger la déclaration de succession, qui a été déposée le 20 septembre 2002, une déclaration complémentaire étant déposée le 22 avril 2003.
Les demandeurs ont payé les droits dus sur la succession, mais également 5.310,88 EUR à titre d'intérêts, d'amendes et des frais de signification de contrainte.
Par conséquent, les demandeurs, taxés d'office suite à l'absence de dépôt de déclaration de succession, sollicitent d'annuler la contrainte et les droits, amendes et intérêts qu'elle consacre. En outre, ils demandent de condamner le notaire X.
Décision du Tribunal civil de Mons
Le Tribunal constate qu'en vertu de l'article 40 du Code des droits de succession, une déclaration de succession devait être déposée pour le 15 juillet 1997 au plus tard et les droits de succession payés, en vertu de l'article 77, pour le 15 septembre 1997.
A cet égard, l'acceptation sous bénéfice d'inventaire et la présence d'héritiers mineurs n'exemptent pas les héritiers de remplir leurs obligations fiscales.
Le Tribunal considère que seuls restent en litige les intérêts, amendes et frais dont les demandeurs demandent à être déchargés, invoquant la carence du notaire X, qui constituerait selon eux un cas de force majeure.
Au niveau jurisprudentiel, la force majeure est interprétée de manière restrictive et ne peut justifier une prolongation de délai que si elle crée une impossibilité absolue d'agir.
En l'espèce, cela n'est pas le cas, l'inertie du notaire désigné ne pouvant constituer à l'égard de l'Administration un cas de force majeure.
Par ailleurs, les demandeurs mettent en cause la responsabilité du notaire X. Ce dernier n'a, en effet, pas accompli sa mission et ne s'est pas désisté de celle-ci auprès du juge de paix.
Le notaire impute son retard au contexte familial conflictuel et à l'attitude de Madame A qui ne s'entendait pas avec le subrogé tuteur.
Le Tribunal considère que ces explications sont tardives et ne sont étayées par aucun élément probant de sorte qu'ils ne peuvent en aucun cas justifier l'inertie du notaire, professionnel mandaté par décision de justice, pendant cinq ans.
En outre, sans cette inertie fautive, les demandeurs n'auraient pas dû payer les intérêts, amendes et frais qui leur sont réclamés par l'Etat belge.
Le Tribunal condamne le notaire X à payer aux demandeurs une somme provisionnelle de 1.289,86 EUR.
Bon à savoir
Le fait que des héritiers soient mineurs et qu'il y ait acceptation sous bénéfice d'inventaire n'a aucune incidence sur le fait que ces héritiers ou leurs représentants légaux sont tenus de remplir les obligations fiscales. 2
Lorsqu'il y a taxation d'office, eu égard au défaut de dépôt de la déclaration de succession, les intérêts et amendes sont dus de plein droit par le seul fait du retard ou de l'omission.
L'inertie du notaire désigné ne peut pas être considérée à l'égard de l'Administration comme un cas de force majeure. En effet, la force majeure ne peut résulter que d'un événement indépendant de la volonté humaine et que cette volonté n'a pu prévoir ni conjurer, elle est élisive de toute négligence ou défaut de précaution. 3
Le fait que l'inertie du notaire soit expliquée par aucun élément probant et qu'il est un professionnel mandaté par décision de justice, a pour conséquence d'engager sa responsabilité. 4
En effet, sans cette inertie fautive, les héritiers n'auraient pas dû payer les intérêts, amendes et frais qui leur sont réclamés. Le notaire est donc condamné en garantie du paiement des amendes et intérêts dus suite au dépôt tardif de la déclaration.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
______________
1. Civ. Mons 19 décembre 2006, F.J.F., 2008, liv. 1, 8 ; Rec. gén. enr. not. 2007, liv. 3, 103.
2. Voyez : C. Aughuet, A. CULOT, P. De Page, I. De Stefani, P.-Y. Erneux, A. De Lovinfosse, E. Roelen, M. Van Molle et J. Van Ypersele, « La gestion d'un dossier de succession : questions utiles et pièges à éviter », in À l'origine de la responsabilité du notaire, Bruxelles, Éditions Larcier, 2011, pp. 87-165.
3. Cass., 25 juin 1956, Pas., 1956, I, 1176 ; Civ. Mons (ch. fisc.), 28 avril 2004, R.G. 02/651/A.
4. Voyez : Y.-H. Leleu et R. Bourseau, « 3 - Le droit de la responsabilité notariale » in Chroniques notariales – Volume 48, Bruxelles, Éditions Larcier, 2008, pp. 295-377.