Présentation des faits 1
Madame C a chargé le notaire X de compléter et de déposer la déclaration de succession de son mari, Monsieur S, décédé dans un accident aérien à Bucarest.
L'employeur de Monsieur S, la SA I., disposait d'une carte American Express qui fut utilisée pour payer le billet d'avion, de sorte qu'en vertu d'un contrat souscrit par la société émettrice des cartes de crédit auprès de la compagnie d'assurances, cette dernière a versé à l'épouse de Monsieur S une indemnité d'assurance qui, en l'espèce, fut de 5.000.000 de francs.
Cette indemnité d'assurance a été renseignée dans la déclaration de succession.
Le notaire X a invité madame C à verser au bureau de l'enregistrement la somme de 506.696 francs due à titre de droits de succession.
Huit années plus tard, Madame C a appris de manière fortuite que le montant perçu de la compagnie d'assurances n'aurait pas dû être soumis à la taxation des droits de succession mais aurait dû en être exempté en vertu de l'exception prévue à l'article 8, alinéa 6, 4°, du Code des droits de succession.
Elle en déduit qu'elle a versé à tort des droits de succession à concurrence de 11.249,36 euros et réclame ce montant, majoré des intérêts depuis la date du paiement indu au notaire X, qui aurait manqué envers elle à son devoir de conseil.
Le premier juge a considéré que la faute professionnelle du notaire X était démontrée dès lors qu'il aurait dû vérifier ce qu'il en était de l'assurance litigieuse et constater qu'elle rentrait dans l'hypothèse visée à l'article 8, alinéa 6, 4°, du Code des droits de succession.
Le notaire X fait appel de la décision et maintient qu'il n'a commis aucune faute, qu'il n'est pas démontré que cette indemnité devait échapper à toute taxation au titre de droits de succession et qu'en tout état de cause, le lien de causalité entre sa faute et le dommage est incertain.
Décision de la Cour d'appel de Liège
La Cour rappelle que la responsabilité du notaire ne peut être retenue que si sont établis, dans son chef : une faute, un dommage et un rapport causal entre ces deux éléments.
En outre, le devoir de conseil du notaire lui impose, notamment, d'éclairer les parties dans le domaine juridique, en se livrant, si nécessaire, à des investigations, recherches ou vérifications.
La Cour considère qu'il ne peut être reproché au notaire X d'avoir, comme il l'a fait, mentionné dans la déclaration de succession l'existence de cette prestation d'assurance. Elle apparaît, in fine de la déclaration, sous forme de déclaration et non à titre d'un actif de la succession.
Par ailleurs, l'article 8, alinéa 6, 4°, du Code des droits de succession exempte de la taxation les « sommes, rentes ou valeurs recueillies au décès du défunt en vertu d'un contrat renfermant une stipulation faite par un tiers au profit du bénéficiaire, quand il est établi que ce tiers a stipulé à titre gratuit au profit du bénéficiaire ».
Or, le notaire X n'établit pas avoir envisagé la possibilité d'application de cette disposition, ni au moment de la rédaction de la déclaration de succession, ni au moment où il transmet à Madame C l'avis de taxation au titre de droits de succession, qui taxe la prestation d'assurances.
Son devoir de conseil aurait dû l'amener à analyser d'initiative plus précisément la problématique de la taxation et à envisager la possibilité d'exonération fiscale.
Par conséquent, en ne le faisant pas, le notaire X a manqué à son devoir de conseil. Cette faute, même légère, que n'aurait pas commise un notaire normalement prudent et diligent, est susceptible d'engager sa responsabilité.
Cela étant, il appartient à Madame C d'établir que cette faute est en relation causale avec le dommage qu'elle allègue. En d'autres termes, elle doit démontrer que si le notaire X n'avait pas commis la faute, le dommage, tel qu'il s'est réalisé, consistant pour elle dans le paiement de droits de succession sur la prestation d'assurance, ne se serait pas produit.
Or, Madame C ne démontre pas que si le notaire avait informé sa cliente que le capital d'assurance pouvait éventuellement échapper à la taxation et, à la réception de l'avis de taxation, que l'administration aurait admis l'exemption des droits de succession.
Au contraire, il résulte de la procédure ayant donné lieu au jugement du tribunal de première instance de Nivelles du 30 juin 1997 et à l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 24 janvier 2001 que, dans un cas similaire, l'administration soutenait avec fermeté que semblable capital restait taxable.
Pour le même motif, il n'est pas davantage démontré que, si elle avait connu la position de refus, par l'administration, d'application de l'exception visée à l'article 8, alinéa 6, 4° du Code des droits de succession, Madame C aurait refusé de payer les droits réclamés et aurait entamé une procédure judiciaire pour faire valoir ses droits.
Madame C n'apporte donc pas la preuve du lien causal entre la faute et le dommage.
Bon à savoir
Le notaire manque à son devoir de conseil lorsque, dans le cadre d'une déclaration de succession, il n'analyse pas d'initiative le régime de taxation d'une indemnité d'assurance perçue par sa cliente bénéficiaire d'une stipulation à titre gratuit émanant d'un tiers et mentionnée dans la déclaration. 2
Toutefois, pour que la responsabilité du notaire soit engagée, il faut que celui-ci ait commis une faute, un dommage et qu'il y ait un rapport causal entre la faute et le dommage. 3
Dès lors qu'il n'est pas démontré que l'administration fiscale aurait admis d'exempter d'impôt l'indemnité et qu'en cas de refus d'exonération le bénéficiaire aurait refusé de payer les droits de succession réclamés et aurait entamé une procédure judiciaire pour faire valoir ses droits, le lien causal entre cette faute et le dommage allégué fait défaut. 4
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cour d'appel Liège (20e chambre), 18/12/2008, J.L.M.B., 2009/36, pp. 1723-1726.
2. Cour d'appel Liège 20e ch., 18/12/2008, R.G.A.R., 2009/6, p. 14533.
3. Cour d'appel de Bruxelles - arrêt n° F-20030904-1 (1999#AR#2939) du 4 septembre 2003 © Juridat, 06/10/2010, www.juridat.be ; Liège (20e ch.), 10 avril 2008, Rev. not., 2009/3, p. 187-196.
4. C. Mélotte, « Responsabilité du notaire et lien de causalité (note d'observations sous Liège, 3e ch., 7 novembre 2007) », For. Ass., 2008/8, n° 87, p. 152.