Présentation des faits 1
Monsieur D et Madame C, fraîchement divorcés, ont signé le 24 avril 2009, dans la perspective de la liquidation et du partage du régime matrimonial ayant existé entre eux, une convention de courtage exclusif de vente avec la SPRL C ayant pour objet l'immeuble commun.
Cette convention, qui expirait le 24 octobre 2009 moyennant renonciation notifiée par courrier recommandé à l'autre partie au minimum un mois avant cette échéance, prévoyait que le bien estimé par l'agence à une valeur de 460.000 euros, devait être présenté à la vente au prix de 475.000 euros, le prix minimum à obtenir étant fixé à 465.000 euros.
Fin août 2009, Maître E, un des deux notaires, désignés afin de procéder aux opérations de liquidation et de partage du régime matrimonial, demande à la SPRL C, de retirer le bien de la vente au motif qu'« une solution transactionnelle de reprise a été dégagée au sens (sic) du couple », ce qu'il confirme par courrier électronique du 31 août 2009.
Dès le 1er septembre 2009, la SPRL C adresse à l'autre notaire, Maître F, une facture datée du 25 août 2009 d'un import de 8.621,25 euros TVAC ayant pour objet les prestations de courtage pour la vente de l'immeuble.
Les honoraires sont calculés comme suit : 3,63 % x 475.000 euros : 2 = 8.621,25 euros, conformément aux articles 5.3 et 6.1 de la convention.
Le 28 septembre 2009, le notaire E proteste auprès de l'agence dans les termes suivants : « Il m'est revenu par l'intermédiaire de l'étude de mon confrère, Maître F, que vous aviez adressé une facture de commission, consécutivement à l'interruption de votre mission. Dans ce dossier particulier, je ne vous cache pas que le sentiment général exprimé lors des échanges que nous venons d'avoir est celui de l'incompréhension.
Les motivations tiennent de plusieurs considérations :
‐ le contexte de séparation dans lequel ce mandat vous a été conféré où aucune réserve n'a été prévue pour la cas d'une reprise de droits indivis alors que les négociations étaient en cours ;
‐ le fait que le prix de mise en vente était manifestement surestimé, à telle enseigne qu'aucun acquéreur ne s'est présenté pendant le délai long où il vous a été demandé de l'exposer en vente ;
‐ le fait qu'au moment où l'accord est intervenu, vous étiez proche de l'échéance de votre mandat ;
‐ et enfin, le fait qu'il n'a pas été question d'un tel commissionnement, lorsque nous nous sommes entretenus.
Dans ce contexte, vous plairait‐il de reconsidérer l'envoi de cette facture ou à tout le moins, les conditions financières de votre intervention ? »
Le 8 mars 2010, le gérant de la SPRL C répond au notaire E ; il se prévaut de l'article 5.3 de la convention qui prévoit que « Le commettant a le droit de mettre fin immédiatement au contrat à tout moment, et sans motif, moyennant le paiement à l'agent d'une indemnité de résiliation équivalente à 50 % de la rémunération qui serait due à l'agent par application de l'article 6.1. (...) » et il explique que « Cette clause est justement prévue dans des cas comme celui de Mr D. et de Mme C. ».
Le 18 juin 2010, la SPRL C adresse une mise en demeure aux ex‐époux. Elle joint à l'envoi une copie de la facture.
Le 4 août 2010, le conseil de la SPRL C adresse à son tour aux ex‐époux une mise en demeure par laquelle il réclame le principal, 8.621,25 euros et les intérêts de retard au taux de 12 % l'an, échus au 18 août 2010, 1.014,71 euros, soit au total 9.635,96 euros.
Le 5 août 2010, le conseil de Monsieur D écrit à la SPRL C dans les termes suivants : « Mon client ignorait totalement l'existence de cette facture du 25 août 2009 qui ne lui a pas été adressée personnellement. Mon client conteste évidemment vous devoir la somme de 8.621,25 euro. En effet, le mandat de vente qui vous a été donné le 24 avril 2009 n'a pas été suivi d'exécution de votre part, aucune annonce n'étant parue, ni aucune visite réalisée. Au moment où la liquidation du régime matrimonial de Mr D est intervenue, vous avez eu des contacts avec le notaire liquidateur auquel vous n'avez pas dit qu'une indemnité de résiliation serait réclamée compte tenu du fait que les parties n'entendaient plus vendre mais céder leurs droits mutuellement. »
Le 18 octobre 2010, Madame C payé à la SPRL C la moitié du montant de la facture, soit 4.310,62 euros.
Le 8 novembre 2010, la SPRL C prend l'initiative de la procédure contre le seul Monsieur D.
Le Tribunal de première instance accueille en grande partie les prétentions de la SPRL C et condamne Monsieur D à payer 5.082,96 euros.
Monsieur D fait appel de la décision.
Décision de la Cour d’appel de Liège
Monsieur D soutient, devant la Cour d’appel, qu'il appartient à la SPRL C d'établir par écrit qu'il a lui‐même mis fin au contrat.
Il explique que le notaire E, lorsqu'il s'est adressé à l'agence pour lui demander de retirer le bien de la vente, n'était pas son mandataire, ni celui de son ex‐épouse.
La Cour constate que la convention conclue entre parties le 24 avril 2009 prévoit la possibilité pour les candidats vendeurs de « mettre fin immédiatement au contrat à tout moment » moyennant paiement d'une indemnité de résiliation. Le contrat prévoit donc en faveur des vendeurs la possibilité de mettre fin à la relation contractuelle par un acte émanant de leur seule volonté. Aucune modalité particulière n'est définie concernant l'exercice de ce droit.
La Cour considère que c'est dans le cadre de l'exercice de sa mission légale (liquidation-partage) et avec l'accord des ex‐époux que le notaire E a demandé à la SPRL C de retirer l'immeuble de la vente dès lors qu'une solution de reprise était envisagée par les parties.
L'aboutissement du processus transactionnel négocié par les ex‐époux impliquait en effet qu'il soit mis fin à la mission de l'agent immobilier.
Quant au fait que ceux‐ci n'auraient pas été informés par les notaires de la position adoptée par la SPRL C, car sinon « les négociations eurent été différentes entre parties si Monsieur D avait su qu'on lui réclamerait en outre une somme de 8.621,25 euro », il s'agit là d'un autre débat et il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur la responsabilité des notaires qui ne sont pas à la cause.
Ce qu'il faut retenir, c'est que c'est bien de l'accord des ex‐époux que le notaire E a notifié à la SPRL C que l'immeuble devait être retiré de la vente.
La Cour d’appel considère que c’est à bon droit que les premiers juges ont répondu par la négative à la question de savoir s’il fallait annuler la clause de dédit.
En effet, « Le juge n'est donc pas habilité à réduire une clause d'indemnité de dédit sur le pied de l'article 1231, § 1er, du Code civil, au motif que son montant excéderait manifestement le dommage potentiel. Une modération de l'indemnité peut toutefois s'envisager sur le pied de l'article 1134, alinéa 3, du Code civil, s'il appert que le bénéficiaire de celle‐ci fait valoir son droit de manière immodérée ».
La Cour reçoit l'appel et confirme le jugement entrepris sous les émendations suivantes : le montant de la condamnation prononcée à charge de Monsieur D est réduit pour ce qui concerne le principal, à 3.094,58 euros à majorer des intérêts moratoires et judiciaires au taux de 5 % sur 2.813,25 euros depuis le 26 juin 2010 et au taux légal sur 281,33 euros depuis le 1er avril 2011 jusqu'au complet paiement.
Bon à savoir
« La validité de la résiliation unilatérale n'est, en règle générale, pas soumise au respect d'un formalisme solennel. Son auteur peut notifier sa volonté de mettre fin à la convention de diverses manières, que ce soit par écrit ou par la voie verbale. La résiliation peut même intervenir de manière tacite, pourvu que la volonté de son auteur puisse se dégager de manière certaine des circonstances ».2
Les notaires commis conjointement, pour procéder aux opérations de liquidation et de partage du régime matrimonial par le tribunal qui a prononcé le divorce entre les époux, ne sont pas les mandataires de ceux‐ci. Ils ne sont pas plus les mandataires ou les délégués du tribunal ou encore des auxiliaires de justice. 3
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cour d’appel de Liège, 04 septembre 2014, RG : 2013/rg/1073, www.juridat.be
2. P. WÉRY., Droit des obligations, Volume 1, Théorie générale du contrat, Précis de la faculté de droit de l'Université Catholique de Louvain, 2ème édition, Larcier, 2011, n° 982, p. 913.
3. L. RAUCENT., « Rôle du notaire dans le partage judiciaire », in La pratique du partage judiciaire, Story scientia, 1987, p.223.