Présentation des faits 1
Au moins de septembre 2005, Madame H. a mis en vente, par l’intermédiaire de l’agence immobilière T., son immeuble.
Compte tenu des besoins financiers urgents de Madame H., cette dernière et l’agence immobilière T. ont convenu de mettre l’immeuble en vente à un prix de 225.000 euros.
Immédiatement après la diffusion des annonces de mise en vente du bien, une vingtaine de candidats se sont montrés intéressés. Ils ont émis des offres d’achat au prix réclamé.
Parmi les candidats, deux se sont montrés plus pressés, à savoir les consorts E. et Madame A., cette dernière ayant fait intervenir son notaire le jour de l’émission de l’offre, puis son avocat.
L’offre émise par Monsieur B. et la société P. respectant parfaitement l’ensemble des desideratas de Madame H., cette dernière a décidé de l’accepter. Un compromis de vente a été signé le 26 septembre 2005.
Suite à cela, Madame A. a cité Madame H. et la SA T. devant le juge des référés afin de faire interdire à Madame H. de vendre son immeuble sous peine d’astreinte, et ce, dans l’attente d’une décision à intervenir au fond.
Par ordonnance du 10 novembre 2005, le juge des référés a estimé qu’il ne pouvait se déduire des faits qu’une vente était intervenue entre Madame H. et Madame A. et a donc débouté Madame A. de son action.
Madame A. a ensuite cité Madame H. devant le Tribunal civil de Bruxelles, afin d’entendre dire pour droit que la vente portant sur l’immeuble litigieux était parfaite et de prononcer la résolution de cette vente aux torts exclusifs de Madame H. Madame A. postule également sa condamnation à des dommages et intérêts et la désignation d’un expert judiciaire.
Décision du Tribunal de première instance de Bruxelles
Madame A. soutient que l’annonce publiée sur le site Immoweb présenterait toutes les caractéristiques d’une offre obligatoire pour l’offrant, soit Madame H. Elle estime en outre être la première personne à avoir accepté l’offre de vente.
Le Tribunal de première instance de Bruxelles précise cependant que par l’offre de vente, le vendeur sollicite l’engagement immédiat de l’autre partie en émettant sa volonté définitive de conclure ledit contrat, cette offre ne devant plus qu’être acceptée par ladite partie pour que le contrat soit formé.
Le Tribunal rappelle ensuite qu’une offre de vente comporte deux éléments, à savoir un élément intentionnel, la volonté de l’offrant de conclure le contrat dès l’acceptation, et un élément matériel, l’offre à proprement dite.
Le Tribunal rappelle également qu’il y a vente lorsqu’il y accord sur les éléments essentiels, la chose et le prix et, le cas échéant, sur les éléments substantiels, c’est-à-dire ceux que les parties ont jugé in concreto indispensables à leur convention.
Selon le Tribunal, la mise en vente d’un bien immobilier revêt des spécificités qui la distinguent de la mise en vente d’autres biens par le biais d’offres adressées au public. Il est par conséquent admis que les annonces de mise en vente d’un bien immobilier faites au public par la voie de la presse, d’une affiche ou d’un site internet ne précisant que les éléments essentiels du contrat ne peuvent à elles seules constituer une offre de vente, mais valent seulement comme appel de pourparlers et d’offres.
En l’espèce, faute de précisions dans l’annonce litigieuse des éléments considérés comme substantiels par Madame H., il ne peut être considéré qu’elle avait définitivement la volonté de s’engager par la seule émission de l’annonce litigieuse. Cette dernière ne constituait dès lors pas une offre de vente.
Dans ces conditions, le Tribunal estime qu’il est inexact de soutenir que Madame A. aurait accepté l’offre de Madame H. Madame A. a en réalité formulé une offre d’achat, qui devait encore être acceptée par Madame H. pour que la vente soit valablement et définitivement formée. Cette dernière ayant refusé cette offre d’achat, aucun contrat ne lie Madame A. et Madame H.
Par ailleurs, Madame A. soutient que la responsabilité de Madame H. et de la SA T. doit être engagée au motif qu’elles se seraient fautivement abstenues d’agir en toute transparence envers elle et qu’elles auraient manqué à leur devoir de loyauté et d’information.
D’après le Tribunal, aucune faute de Madame H. et de la SA T. en lien causal avec le dommage allégué n’est pourtant démontrée.
Par conséquent, le Tribunal déclare la demande de Madame A. recevable mais non fondée.
Bon à savoir
Que ce soit par un intermédiaire ou par le vendeur directement, la publicité de la vente immobilière s’effectue au travers d’affiches et d’annonces sur des sites internet ou dans des journaux. Or, une question qui peut se poser est celle de savoir si cette annonce est ou non une offre de vente à proprement parler 2.
Lorsqu’il s’agit d’un vendeur non professionnel, l’annonce faite sur un site internet public, même si elle mentionne un prix, doit être considérée comme un appel d’offre d’achat et non comme une offre de vente 3. Ainsi, le vendeur reste libre de pouvoir retirer son annonce ou de modifier le prix demandé.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Civ. Bruxelles, 21 mars 2008, T. Not., 2010, p. 217.
2. Voyez : C. Delforge, «L’offre de contracter et la formation du contrat», R.G.D.C., 2004, pp. 550 et s.
3. Civ. Brux. Réf., 31 mai 1995, R.G.D.C., 1996, p. 68. Voyez également : Anvers, 4 juin 2012, N.j.W., 2013, p. 599 ; Comm. Termonde, 27 juin 2013, T.G.R., 2014, p. 98.