Présentation des faits 1
Dans les faits, un notaire a été commis d'office dans le cadre d'une liquidation-partage.
Les parties considéraient que ce notaire manquait d'impartialité et ont introduit une procédure en remplacement litigieuse du notaire.
Les demandeurs, qui souhaitaient le remplacement du notaire, alléguaient le fait que le notaire désigné était celui proposé par la partie adverse ; avec pour conséquence qu'ils avaient le sentiment que le notaire intervenait pour représenter les intérêts de la partie ayant sollicité sa nomination.
En effet, la désignation du notaire X a été demandée par la partie adverse dans la citation.
Or, le notaire X, sans le révéler à toutes les parties, est devenu le notaire conseil d'une des parties dans le cadre d'actes autres que ceux pour lesquels il a été commis.
Décision de la Cour d'appel de Bruxelles
La Cour indique que le remplacement du notaire commis par justice est admis lorsque des circonstances graves rendent impossible la poursuite de sa mission, tel le retard accusé par les opérations, la négligence ou la perte de l'impartialité - subjective ou objective - du notaire. Ces exigences sont édictées par l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 2
En outre, ce principe d'impartialité auquel le notaire est soumis signifie, notamment, que le notaire commis ne peut, avant sa désignation et durant le déroulement des opérations, ni avoir un parti pris à l'égard de l'une des parties, ni donner l'impression qu'il en est ainsi.
Dans le cas d'espèce, les antécédents de la procédure démontrent que la demanderesse a un sentiment que le notaire intervenait pour représenter les intérêts de la partie adverse (qui avait sollicité sa nomination).
Par ailleurs, aucun élément du dossier n'accrédite, en réalité, la thèse suivant laquelle les demandeurs savaient ou devaient savoir que le notaire X était ou est devenu le notaire habituel de la partie adverse, notamment en vue de poser des actes relatifs à « ses affaires ». Le notaire X et la partie adverse avaient, en outre, fréquenté le même groupe de chasse depuis plusieurs années.
Par conséquent, ces éléments ont incontestablement suscité un doute raisonnable et objectivement justifiable dans le chef des demandeurs quant à l'aptitude du notaire X à mener sa mission parajudiciaire dans la plus stricte neutralité.
En effet, en acceptant, avant ou au cours des opérations de liquidation-partage judiciaire, de devenir le notaire-conseil de l'une d'entre elles, même dans le cadre de l'accomplissement d'actes autres que ceux pour lesquels il a été commis, le notaire X a créé dans le chef des demandeurs l'impression qu'il manque d'impartialité.
La cour considère que l'appel est dès lors fondé.
Bon à savoir
Le principe d'impartialité auquel le notaire est soumis signifie, notamment, que le notaire commis ne peut, avant sa désignation et durant le déroulement des opérations de liquidation, ni avoir un parti pris à l'égard de l'une des parties, ni donner l'impression qu'il en est ainsi. 3
Le fait qu'un notaire devienne notaire habituel d'une des parties et qu'il ait fait partie d'un même cercle social (groupe de chasse) sont des éléments incontestablement de nature à susciter un doute raisonnable et objectivement justifiable dans le chef de l'autre partie quant à son aptitude à mener sa mission parajudiciaire dans la plus stricte neutralité. 4
L'affirmation selon laquelle les actes posés sont étrangers aux opérations de liquidation-partage litigieuses ne modifie pas l'analyse.
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1. Bruxelles (7e ch.), 14/01/2014, J.T., 2014/16, n° 6560, p. 287.
2. J.-F. van Drooghenbroeck, « L'activité notariale en droit judiciaire : l'impartialité du notaire commis par justice », Rev. not., 2011, p. 775.
3. J.-F. van Drooghenbroeck, « L'activité notariale en droit judiciaire : l'impartialité du notaire commis par justice », Rev. not., 2011, p. 775 ; Cour d'appel Mons (2e chambre), 17/02/2009, J.L.M.B., 2011/8, pp. 357-360.
4. J. Van Compernolle, « Désignation, compétence et impartialité du notaire, auxiliaire de justice », A.D.L., 2000/3-4, p. 283.