Présentation des faits 1
Par acte, sous seing privé, la banque B a prêté à Madame A une somme d'argent pour l'acquisition d'un immeuble. Ce prêt était garanti par une hypothèque.
Etant donné que Madame A n'a pas respecté ses engagements, la banque B a fait citer Madame A devant le tribunal de commerce de Bruxelles qui, par son jugement l'a condamnée à payer 597.440,70 euros en lui permettant de s'acquitter par mensualités.
La banque B a fait signifier les deux jugements avec commandement de régler sous menace de saisie sur l'immeuble hypothéqué. En raison de l'absence de paiement, la banque B a fait procéder à la saisie-exécution immobilière.
Une ordonnance a été rendue à la requête de la banque B, qui a chargé le notaire X de l'adjudication du bien saisi.
Le notaire a dressé un cahier des charges préalable à la vente publique et Madame A a été sommée d'en prendre connaissance et d'y contredire si elle le souhaitait.
Madame A y a contredit sur deux points mineurs du texte du notaire, qui n'étaient que des erreurs de plume comme l'a relevé la décision du juge des saisies portant nouvelle nomination du notaire.
Il ressort d'une lettre adressée au parquet, que le notaire s'est efforcé de mettre sur pied une vente du bien de gré à gré, tentative qui n'a pas abouti.
Le notaire a, dès lors, dressé une nouvelle version de son cahier des charges, portant correction des erreurs relevées.
Le parquet a fait saisir le bien en vertu de l'article 35bis du code d'instruction criminelle.
Au moyen de la présente action, Madame A demande de suspendre l'exécution engagée par la banque B au motif que la saisie pénale prévaudrait sur la saisie civile et empêcherait celle-ci d'aller à son terme.
Elle expose que la saisie civile ne pourrait reprendre son cours qu'une fois la saisie pénale levée.
Madame A reproche, au parquet d'avoir fait obstacle à une vente de gré à gré.
Décision du tribunal de Bruxelles
Le tribunal rappelle que concernant la mise en vente de gré à gré, l'article 1577 du code judiciaire dispose qu'une fois la saisie accomplie, le débiteur propriétaire de l'immeuble en perd la libre disposition.
Par conséquent, l'immeuble en question ne peut plus quitter le patrimoine du débiteur saisi que par la voie de l'adjudication dont le notaire est chargé. Il existe toutefois deux exceptions à cette règle de base et elles sont contenues dans les articles 1580bis et 1580ter de ce même code.
Il en ressort que cette voie suppose la permission préalable du juge des saisies après que les créanciers hypothécaires, privilégiés, voire chirographaires, ainsi que le débiteur saisi aient été entendus ou à tout le moins dûment appelés.
En mettant sur pied une tentative de vente de gré à gré en dehors d'un des cadres légaux rappelés ci-dessus, les parties et le notaire ont méconnu des règles d'ordre public et il ne saurait dès lors en découler aucune conséquence de droit à l'avantage de qui que ce soit.
Par ailleurs, il ne ressort d'aucune loi ni de la ratio legis que la saisie pénale ferait obstacle aux poursuites du créancier hypothécaire.
Au demeurant, la demanderesse n'a ni fait opposition au commandement de payer, ni à la saisie. Elle n'a pas non plus exercé de recours contre la nomination du notaire renouvelée à plusieurs reprises par des décisions devenues définitives.
La demande reconventionnelle de la banque B est de demander que le notaire soit à nouveau désigné pour mener sa mission à terme.
Toutefois, son cahier des charges doit être modifié en ce qu'il ne respecte pas les termes de la désignation du notaire et pose problème sur deux questions importantes.
A. Les ordonnances portant désignation du notaire rappelaient à ce dernier qu'il n'a pas le pouvoir de déterminer sur qui pèsent les frais d'adjudication. Cette dernière reste foncièrement une vente.
Or, le notaire a placé cette adjudication, en ce qui concerne les frais, sous l'empire du cahier général uniforme de la Fédération royale des notaires de Belgique.
B. Le chapitre « Publicité – procédure » fait également problème en ce qu'il met à charge de l'adjudicataire un pourcentage forfaitaire pour couvrir « les frais de procédure et publicité liés à la présente vente ». Tandis que l'article 1024 du code judiciaire met les frais d'exécution à charge de la partie contre qui l'exécution est poursuivie.
Le tribunal déclare la demande mal fondée et en déboute Madame A pour le tout.
Quant à la demande de la banque B concernant le renouvellement de la désignation du notaire, le tribunal la déclare recevable et fondée. En conséquence, le juge désigne le notaire X et le charge d'achever la mission que lui confiait l'ordonnance, mais cependant lui ordonne de modifier plusieurs clauses reprises dans le cahier des charges.
Bon à savoir
Il ne ressort d'aucune loi ni de la ratio legis que la saisie pénale ferait obstacle aux poursuites du créancier hypothécaire antérieurement inscrit. 2 En cas d'adjudication, le produit de celle-ci prend la place de l'immeuble dans le patrimoine du débiteur saisi et le parquet est habilité à faire porter ses droits sur ce montant s'il l'estime opportun. 3
En cas de saisie-exécution immobilière, une tentative de vente de gré à gré en dehors des exceptions prévues par les articles 1580bis et 1580ter du code judiciaire est contraire à l'ordre public et il ne saurait en découler aucune conséquence de droit à l'avantage de qui que ce soit. 4
Par ailleurs, le notaire n'a pas le pouvoir de déterminer sur qui pèsent les frais d'adjudication, laquelle reste foncièrement une vente. Il ne peut placer l'adjudication, en ce qui concerne les frais, sous l'empire du cahier général uniforme de la Fédération royale des notaires de Belgique.
La mise à charge de l'adjudicataire d'un pourcentage forfaitaire pour couvrir « les frais de procédure et publicité liés à la présente vente » ne peut procéder de l'initiative du notaire auteur du cahier des charges. En effet, le notaire doit rester d'une neutralité totale et s'abstenir de prévoir des clauses qui ont pour effet de biaiser l'application pure et simple de la loi.
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1. Civ. Bruxelles, (juge des saisies), 14 février 2008, J.L.M.B., 2009/12, p. 558.
2. Voyez : P Freteur et P. Tilliet, « Saisie et confiscations : Questions d'actualité », Bruxelles, Larcier, pp. 33-44.
3. Ch. Engels,« La saisie pénale immobilière », in Chroniques notariales, Faculté de droit de l'U.Lg., sous la direction de Y.H. Leleu, Larcier, 2006, vol. 44, pp. 106 et suivantes ; J. Decuyper,« Invloed van het strafrechterlijk bewarend onroerend beslag op de procedure van het civielrechtelijk uitvoerend beslag op onroerend goed », Notamus, 2007, n° 1, pp. 34 et suivantes.
4. Ch. Engels,« La saisie pénale immobilière », in Rev. not. b., 2009 et Editions du Jeune barreau de Liège, actes du Colloque barreau Notariat du 7 mai 2009.