Présentation des faits 1 (mise à jour du 4 novembre 2014)
Une banque a consenti plusieurs ouvertures de crédits à la société anonyme A, pour lesquels trois biens immobiliers ont été mis en garantie.
En outre, une extension de garantie, sous forme d’une inscription hypothécaire en premier rang à prendre sur un quatrième immeuble, a été consentie à la Banque.
Par un acte notarié, passé devant le notaire E, une hypothèque en premier rang avait été donnée à la banque.
Le bordereau d’inscription hypothécaire rédigé par le notaire E avait ensuite été inscrit auprès du conservateur du deuxième bureau des hypothèques de Bruxelles.
Deux ans après cette inscription, la société anonyme A tombait en faillite et les actifs (dont le bien immobilier ayant fait l’objet de l’inscription hypothécaire) étaient réalisés par le curateur.
Lorsque la Banque demanda au curateur de lui verser le montant lui revenant sur le prix de la vente de l’immeuble en question, celui-ci refusa au motif que l’hypothèque avait été inscrite au deuxième bureau des hypothèques de Bruxelles alors qu’elle aurait dû l’être au troisième bureau eu égard à la commune sur laquelle se trouve le bien immobilier.
Le bordereau d’inscription et l’acte notarié contenaient donc une erreur portant sur la commune où se situe le bien immobilier en question.
La banque a alors introduit une demande en justice en vue de demander la réparation de son dommage subi, et ce, à l’égard du notaire E et du conservateur du deuxième bureau des hypothèques de Bruxelles.
Décision du Tribunal de Bruxelles
Le tribunal constate que les parties se renvoient chacune la responsabilité.
En ce qui concerne la responsabilité du conservateur des hypothèques, le tribunal constate que la banque reproche à celui-ci de ne pas avoir détecté la faute commise par le notaire. Le juge considère que rien ne permet d’établir que tout conservateur normalement prudent et diligent, placé dans les mêmes circonstances aurait réagi différemment. Partant, le conservateur n’a pas engagé sa responsabilité.
En ce qui concerne le notaire E, le juge constate que le notaire a commis une erreur dans l’acte notarié portant sur l’identification du bien immobilier. Le notaire engage sa responsabilité personnelle étant donné que l’obligation d’inscription régulière de l’hypothèque incombe au notaire en vertu de sa fonction et de ses devoirs professionnels.
Le notaire est donc responsable du préjudice causé par les irrégularités qu’il a commis dans la rédaction des bordereaux d’inscription.
Bon à savoir
Le fait pour un notaire de désigner erronément un immeuble dans un bordereau d’inscription hypothécaire et ensuite de procéder à l’inscription du bordereau auprès d’un bureau des hypothèques incompétent engage sa responsabilité.
En effet, l’obligation d’inscription régulière de l’hypothèque et du bureau de conservation compétent incombe au notaire en vertu de ses devoirs professionnels. Il s’agit d’une obligation de résultat. 2
Le conservateur des hypothèques, quant à lui, n’engage pas sa responsabilité pour la faute commise par le notaire étant donné qu’il ne doit pas vérifier l’exactitude des mentions reprises dans les actes qui lui sont soumis pour inscription. 3
Ndlr. : Nous attirons l'attention du lecteur sur le fait que le notaire a fait appel de cette décision. En appel, la Cour réforme en partie la décision reprise ci-dessus, considérant que le conservateur a une part de responsabilité étant donné qu'il s'agissait d'une contradiction flagrante entre la réquisition d'inscription du bordereau au deuxième bureau et la mention contenue dans le bordereau selon laquelle le titre de propriété du bien se trouvait inscrit au troisième bureau des hypothèques.
Par conséquent, le conservateur aurait du vérifier si le bien était situé dans le ressort de son bureau. En n'ayant pas fait cette vérification, le conservateur n'a pas agi de manière normalement prudente et diligente de sorte qu'il engage sa responsabilité.
L'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 4 juin 2013 4 condamne in solidum le notaire et le conservateur.
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1. Civ. Bruxelles ; (75e ch.), 29 janvier 2009, J.T., n°6356, 22/2009, p. 396.
2. E. Genin, « Traité des hypothèques et de la transcription », Rép. not., p. 729, n° 2024.
3. Civ. Bruxelles, 8 septembre 1983, R.G.E.N., 1984, n° 23080.
4. Bruxelles, (4e ch.), 4 juin 2013, Rev. not. B., Liv. 3084, p. 290 à 297.