Présentation des faits 1
Le 15 novembre 1999, Monsieur et Madame L. ont conféré à la SPRL A. une mission de courtage immobilier en vue de la vente de leur immeuble situé à Namur. Le prix de vente souhaité était fixé à 15.400.000 FB.
Dans l’annonce faite par la SPRL A., une erreur matérielle a été commise car elle a renseigné comme revenu cadastral 84.000 FB alors qu'il s'élevait à 151.700 FB.
Monsieur et Madame D. ont souhaité acquérir le bien. L’erreur commise dans l’annonce était sans incidence étant donné que les acquéreurs étaient au courant du vrai montant avant de signer le compromis de vente.
D’ailleurs, une lettre envoyée le 23 février 2000 par les acquéreurs permet d’attester qu’ils connaissaient le véritable montant du revenu cadastral.
Les candidats-acquéreurs ont fait une offre pour un montant de 14.500.000 FB. En mars 2000, le compromis de vente a été signé par les parties pour le prix de l’offre, à savoir, 14.500.000 FB et le revenu cadastral mentionné dans l’acte était bien de 151.700 FB.
Deux ans après la signature du compromis de vente, l’Administration du Cadastre a notifié aux acquéreurs que le revenu cadastral était porté à 195.500 FB pour cause de « modification notable ».
L’administration a précisé par lettre l’historique cadastral dont notamment le fait que l’augmentation du revenu cadastral résulte d’une expertise réalisée suite à la visite complète de l’immeuble et la mise en concordance de la documentation cadastrale avec la situation des lieux (aménagement des sous-sols, mansardes, etc) ainsi que la rénovation de 1994 non renseignée auprès des services de l’administration.
Les deux acquéreurs ont assigné les vendeurs devant le Tribunal de première instance sollicitant la réparation du dommage qu'ils estiment avoir subi, fondant leur demande sur le dol incident et subsidiairement la culpa in contrahendo, leur reprochant de ne pas avoir déclaré à l'administration ces modifications notables effectuées en 1994 et de ne pas les avoir informés avant la vente de cette omission.
N’ayant pas obtenu gain de cause en premier instance, Monsieur et Madame L. ont, par requête du 12 janvier 2007, interjeté appel du jugement rendu le 10 novembre 2006 par le Tribunal de première instance de Namur.
Décision de la Cour d’appel de Liège
La Cour d’appel constate que vu l’ampleur des travaux effectués en 1994, les vendeurs auraient dû faire une déclaration à l’Administration du cadastre. En ne le faisant pas et en ne le signalant pas aux candidats-acquéreurs durant les négociations, les vendeurs ne se sont pas comportés comme tout homme normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances.
Toutefois, pour prétendre à la réparation du dommage, il faut vérifier que les fautes commises par les vendeurs sont en lien causal avec le dommage décrit par les acquéreurs.
De plus, la Cour précise que les acquéreurs doivent établir que si le revenu cadastral avait été majoré avant la vente ou s'ils avaient su avant celle-ci qu'il y avait eu omission de déclaration à l'Administration et donc un grand risque de majoration du revenu cadastral à brève échéance, ils auraient acquis le bien à un prix inférieur.
Or, aucun élément soumis à la Cour ne permet de considérer que cette démonstration est rapportée.
La Cour estime que le revenu cadastral d'un immeuble objet d'une vente n'est pas en règle un élément déterminant pour la fixation du prix. C'est davantage la composition d'un bien, la qualité des matériaux, son aspect extérieur, l'existence d'un jardin et sa superficie, la localisation du bien, etc. qui influencent la fixation du prix plutôt que le revenu cadastral.
Dès lors, la Cour considère la demande des acquéreurs non fondée.
Bon à savoir
Lorsqu’un contrat de vente est formé et conclu, cela n’empêche pas les acquéreurs d’agir en justice pour invoquer la responsabilité précontractuelle.
Dans cette hypothèse, le contrat est conclu mais, la responsabilité peut être engagée eu égard à un comportement d’une des parties ayant eu lieu antérieurement à la formation du contrat. Il s’agit notamment du cas du dol incident 2.
Il s’agit le plus souvent d’un manque d’information lors de la phase précontractuelle 3. Ainsi, le manque d’information ou de conseil peut entraîner une responsabilité, sans pour autant annuler le contrat conclu entre les parties.
Face à ce type d’affaire, il reviendra au juge saisi du litige d’apprécier si l’auteur du manque d’information lors des négociations a ou non engagé sa responsabilité précontractuelle.
Concernant la réparation du préjudice, celle-ci devra être évaluée en mesurant l’incidence du manquement sur la situation patrimoniale de la partie qui a été victime.
Cela étant dit, pour qu’il y ait dol incident, il faut que les acquéreurs établissent que si le revenu cadastral avait été majoré avant la vente ou s'ils avaient su avant celle-ci qu'il y avait eu omission de déclaration à l'Administration cadastrale et donc un grand risque de majoration du revenu cadastral à brève échéance, ils auraient acquis le bien à un prix inférieur. A défaut de le démontrer, il n’y a pas responsabilité précontractuelle de la part du vendeur.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Liège, arrêt n° F-20080507-11 (2007/RG/60) du 7 mai 2008, disponible sur www.juridat.be.
2. P. Van Ommeslaghe, « Section 3 - La responsabilité précontractuelle (la culpa in contrahendo) » in Traité de droit civil belge, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 535-555.
3. J.L. Fagnart, « L’obligation du vendeur-fabricant », note sous Cass., 28 février 1980, R.C.J.B., 1983, p. 223.