Présentation des faits 1
Dans les faits, Monsieur A et Madame B se sont mariés en Italie et ont eu deux enfants, G. et S. Ils ont divorcé en mai 1973.
Madame B a épousé en secondes noces Monsieur F et de cette union est né un enfant, R.
En 1990, Madame B a fait donation de la nue-propriété d'un immeuble à ses trois enfants, chacun pour un tiers, en s'en réservant l'usufruit sa vie durant.
L'acte authentique de donation contient, en premier lieu, la déclaration de Madame B selon laquelle elle donne cet immeuble en indivision à ses trois enfants. L'acte comporte, en second lieu, le partage de la nue-propriété entre les donataires. Il précise à cet égard qu'« ensuite de la donation qui précède, les donataires ont déclaré procéder comme suit, avec le concours et l'agrément de la donatrice, au partage de la nue-propriété du bien susdécrit [...] ». R se voit attribuer la totalité de la nue-propriété de l'immeuble à charge, pour elle, de payer une soulte de 52.666 francs belges à chacun de ses frères.
Monsieur A est décédé en Italie en mars 2008 et Madame B est décédée à Liège en septembre 2008.
Par citation du 18 novembre 2009, G et S ont demandé la liquidation-partage du régime matrimonial. Ils ont également demandé que l'acte de donation-partage intervenu le 6 février 1990 et portant sur un immeuble soit rescindé pour lésion de plus d'un quart, en sorte que le notaire liquidateur ne pourra en tenir compte.
Le jugement du Tribunal de première instance de Liège a considéré que l'acte du 6 février 1990 constitue une donation-partage au sens de l'article 1079 du Code civil et que cet acte de partage est lésionnaire. Il a, par conséquent, prononcé la rescision pour lésion de l'acte de partage intervenu le 6 février 1990 devant le notaire.
Madame R, interjette donc appel de cette décision.
Décision de la Cour d'appel de Liège
La Cour rappelle que le partage d'ascendant est l'acte, entre vifs ou testamentaires, par lequel un ascendant partage lui-même, entre ses descendants, tout ou partie des biens qui composeront sa succession.2
Le partage d'ascendant doit nécessairement revêtir la forme, soit d'une donation entre vifs, soit d'un testament qui doit être l'œuvre d'un ascendant, qui doit comprendre tous les descendants que la loi appelle à la succession de l'ascendant, qui doit opérer une répartition des biens et non point seulement une attribution de ceux-ci, mais qui peut ne pas englober tous les biens du disposant. 3
L'acte litigieux comprend, d'une part, une donation de la nue-propriété de l'immeuble au profit de ses enfants et, d'autre part, un partage entre les donataires.
En l'espèce, il résulte clairement des termes de l'acte que ce sont les enfants qui se sont attribués le bien et les soultes après que la nue-propriété leur ait été donnée par leur mère.
Or, le fait que le partage s'opère dans le même acte et avec le concours et l'accord de la donatrice, indique simplement qu'elle l'a accepté mais pas qu'elle a partagé elle-même la nue-propriété du bien qu'elle a préalablement donné.
Par conséquent, ce n'est pas Madame B qui a procédé seule au partage du bien litigieux et ce partage ne constitue pas un partage d'ascendant. Le fait que le notaire vise l'article 1075 du Code civil ne fait pas obstacle à ce que la Cour qualifie correctement l'opération.
L'action en rescision fondée sur l'article 1079 du Code civil est, par conséquent, non fondée.
Cela étant, l'action en rescision fondée sur l'article 887 du Code civil est, quant à elle, prescrite en application de l'article 1304 du Code civil.
La Cour reçoit l'appel, le dit fondé et réforme le jugement entrepris considérant que l'acte litigieux n'est pas un partage d'ascendant mais une donation suivie d'un partage et que ce dernier ne peut plus être attaqué.
Bon à savoir
Le partage d'ascendant est réglementé aux articles 1075 et suivants du Code civil. Pour qu'il y ait partage d'ascendant, il faut que l'ascendant procède, lui-même, au partage et à la répartition des biens donnés ou légués. 4
Par conséquent, lorsque l'ascendant donne une partie de son patrimoine et que les donataires décident eux-mêmes de partager immédiatement les biens donnés, ce partage ne constitue pas un partage d'ascendant. 5
Le fait que la donation et le partage soient repris dans un même acte ne suffit pas à démontrer que l'ascendant a partagé lui-même les biens qu'il a donnés. 6
L'action en rescision pour lésion de plus du quart fondée sur l'article 1079 du Code civil s'applique uniquement en cas de partage d'ascendant.
Lorsque ce sont les donataires qui procèdent, eux-mêmes, au partage, ce partage peut tout de même être attaqué pour rescision pour lésion, mais sur base de l'article 887 du Code civil. 7
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1. Cour d'appel Liège (2e chambre), 4 décembre 2012, J.L.M.B., 2014/37, pp. 1752-1754.
2. R. Dekkers, Précis de droit civil belge, tome III, p. 876
3. J. Sace, « Le partage d'ascendant », Rép. not., tome III, livre IV, p. 36, Larcier, 1991
4. Mons (2e ch.), 15 mai 2006, J.T., 2006, p. 548 ; L. Raucent, « Partage d'ascendant et procédés parallèles », J.T., 1964, p. 274.
5. Voyez : S. Nudelholc, « Des critères de distinction de la donation-partage et de la donation de droit commun », in Liber amicorum Pierre Marchal, Gand, Larcier, 2003, p. 381.
6. Anvers, 25 juin 1986, R.G.D.C., 1988, p. 78.
7. F. Crevecoeur, « Partage d'ascendant et double acte : une distinction délicate », J.L.M.B., 2014/37, pp. 1754-1759.