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NOTAIRE

Bon a savoir

6 Avril 2016

La vente d'un immeuble à construire ou en construction – Loi Breyne

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Présentation des faits 1        

Dans les faits,  Monsieur M. est entrepreneur, gérant d'une S.P.R.L. L'entreprise a procédé à la construction de cinq habitations sur un terrain appartenant à Monsieur M.

Monsieur B. a fait l'acquisition d'une des cinq habitations. Les parties ont signé une « convention de réservation » en 2006 ayant pour objet l'acquisition d'une maison située en Belgique, destinée à usage d'habitation, en voie de construction. Il n'y a pas eu de signature d'un compromis de vente.

En 2007, en présence de deux notaires, les parties ont signé l'acte authentique de vente.

Monsieur M. a assigné Monsieur B., par citation en 2008, en vue d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme principale de 10.000 euros (représentant le solde du prix de vente de l'immeuble).

Monsieur B. introduit, devant le premier juge, une demande reconventionnelle en vue d'obtenir l'annulation de la vente de l'immeuble pour non-respect de la loi Breyne, assortie de la condamnation de Monsieur M. à lui restituer le prix de vente, majoré des intérêts au taux légal et à lui payer une indemnité, à titre de dommages et intérêts.

Monsieur M soutient que la loi Breyne du 9 juillet 1971 ne doit pas s'appliquer à la convention de réservation conclue, au motif que les conditions d'application de cette loi ne seraient pas réunies (pas un immeuble en construction et pas de versement avant l'achèvement de la construction).

Le premier juge a prononcé la nullité de la convention signée en 2006 et l'acte authentique de vente ; il a condamné Monsieur M. à rembourser le prix d'achat.

 

Décision de la Cour d'appel de Liège

La Cour rappelle que l'article 1er, alinéa 1er, de la loi du 9 juillet 1971 réglementant la construction d'habitations et la vente d'habitations à construire ou en voie de construction dite loi Breyne dispose que :

« La présente loi s'applique à toute convention ayant pour objet le transfert de la propriété d'une maison ou d'un appartement à construire ou en voie de construction ainsi qu'à toute convention portant engagement de construire, de faire construire ou de procurer un tel immeuble, lorsque la maison ou l'appartement est destiné à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation et que, en vertu de la convention, l'acheteur ou le maître de l'ouvrage est tenu d'effectuer un ou plusieurs versements avant l'achèvement de la construction ».

La convention « de réservation » signée par les parties s'analyse en une promesse d'achat ou de vente et avait pour objet une maison située en Belgique, destinée à usage d'habitation, en voie de construction puisqu'il est indiqué « Une maison trois façades (actuellement en construction) » et « dans l'attente de l'achèvement total de la maison (celle-ci étant actuellement en gros-œuvre fermé) », dans le but d'en transférer la propriété.

Or, la loi Breyne s'applique notamment à toute convention ayant pour objet le transfert de la propriété d'une maison ou d'un appartement à construire ou en voie de construction.

Il était convenu que les travaux intérieurs seraient réalisés par le vendeur, à l'exception des portes qui seront installées dès leur réception du fabricant. Pour garantir le bon achèvement de ces travaux, une somme de 10.000 euros à prélever sur le prix de vente devait être bloquée entre les mains du notaire.

En l'espèce, Monsieur B. conservait un intérêt à bénéficier des protections de la loi Breyne, nonobstant le blocage de 10.000 euros en mains du notaire, les travaux restant à effectuer pouvant présenter un coût important.

La circonstance que la totalité du prix de la maison ait été payée - dont 10.000 euros bloqués chez le notaire - lors de la passation de l'acte authentique n'est pas relevante dans la mesure où l'article 1er de la loi Breyne rend celle-ci applicable dès que l'acheteur ou le maître de l'ouvrage « est tenu d'effectuer un ou des versements avant l'achèvement de la construction ».

Par conséquent, la convention de réservation de 2006 est donc soumise au prescrit de la loi du 9 juillet 1971.

Or, cette convention est en infraction aux dispositions des paragraphes b.bis, c, d, e.bis, f, g et h de l'article 7 de la loi du 9 juillet 1971.

Par conséquent, il y a lieu de faire droit à la demande de Monsieur B. et de prononcer la nullité de la convention et de l'acte authentique, ces deux conventions étant liées, pour cause de violation des articles 7 et 12 de la loi du 9 juillet 1971.

Il y a lieu en conséquence de condamner  Monsieur B. à restituer le bien dans les trois mois du présent arrêt et à condamner Monsieur M. à restituer le prix reçu.

En l'espèce, Monsieur M., qui est un professionnel de la construction, ne s'est pas comporté comme toute personne normalement prudente et raisonnable placée dans les mêmes circonstances. Sa faute, qui a entraîné l'annulation de la convention, a causé un dommage à Monsieur B., lequel ne se serait pas produit tel qu'il est survenu sans cette faute. 2

Bon à savoir

Une convention par laquelle une personne indique sa volonté d'acquérir une habitation en construction, et par laquelle l'autre partie s'engage à réserver ce bien par préférence à d'autres personnes, constitue une promesse d'achat 3, ou de vente d'une habitation à construire 4.

Cette convention est soumise à la loi Breyne si un versement est effectué avant l'achèvement de la construction. 5

Lorsque l'acte authentique de vente d'un immeuble à usage d'habitation mentionne l'existence de travaux non mineurs à terminer, il ne peut être considéré que l'immeuble est achevé lors de sa signature, de sorte que l'acquéreur conserve intérêt à bénéficier des protections de la loi Breyne, nonobstant le blocage du solde du prix de vente en mains du notaire. 6

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

______________

1. Cour d'appel Liège (3e chambre), 26/06/2012, J.L.M.B., 2013/33, pp. 1699-1707.

2. Cass., 21 mai 2004, J.L.M.B., 2004, p. 1712.

3. L. Rousseau et B. Kohl, « Le champ d'application de la loi Breyne » in La loi Breyne, Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 36.

4. J.-M. Chandelle, « Loi Breyne », Rép. not., Tome VII, La vente, Livre 6, Bruxelles, Larcier, 1996, Modèle 2.

5. Voyez : B. Kohl, « Le champ d'application de la loi Breyne : notion d'"achèvement" des travaux et responsabilité notariale », Rev. not., 2012/2, n° 3060, pp. 143-155.

6. Voyez : Y.-H. Leleu, et B. Kohl, « Chapitre II. - La loi Breyne » in Chroniques notariales – Volume 55, Bruxelles, Éditions Larcier, 2012, pp. 167-215.


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