La clause de réserve est une clause insérée dans le contrat conclu entre deux parties par laquelle le vendeur se réserve le droit de propriété jusqu’au moment du paiement intégral de la chose par l’acheteur.
La clause de réserve de propriété était, jusqu’à aujourd’hui, un mécanisme préférentiel compris comme un moyen de pression attribué au créancier « pour se prémunir des risques de défaillance de son cocontractant ».[1]
Une telle clause permet par conséquent de déroger au principe selon lequel « la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. »[2] Ainsi, selon la règle, le transfert de propriété s’opère normalement par le seul échange des consentements entre les parties. [3]
Elle permet également de déjouer le principe de l’égalité des créanciers. En vertu de ce principe, il est admis qu’en cas de concours, ces derniers doivent être traités de manière égalitaire, sous réserve d’exceptions.[4] Notons qu’un concours surgit dès lors qu’il y a « une compétition de deux ou plusieurs créanciers prétendant se faire payer simultanément sur le prix d’un même bien soustrait à la libre disposition du débiteur »[5]
La clause de réserve était autrefois régie par l’article 101 de la loi sur les faillites. Néanmoins, il est important de noter que la loi du 11 juillet 2013 a entraîné plusieurs grandes évolutions en la matière.[6]
L’article 69 du nouveau chapitre du Code civil prévoit ainsi comme suit : « Des biens meubles vendus avec une clause suspendant le transfert de propriété jusqu'au paiement intégral du prix peuvent être revendiqués lorsque l'acheteur reste en défaut de payer le prix d'achat, pour autant que cette clause ait été établie par écrit au plus tard au moment de la délivrance des biens. Si l'acheteur est un consommateur au sens de l'article 2, 3°, de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur, l'accord de l'acheteur doit apparaître de l'écrit. Le droit de revendication en vertu d'une clause de réserve de propriété peut être exercé, quelle que soit la nature du contrat dans lequel il est repris. »[7]
Ainsi, les principales évolutions portent sur la nature de la clause de réserve, son champ d’application et sur son opposabilité.
L’un des plus grands changements en la matière consiste en le fait qu’il est désormais admis que la clause de réserve n’est plus simplement un mécanisme préférentiel, mais une véritable sûreté réelle.[8]
Ensuite, quant au champ d’application de la clause de réserve, le législateur l’a étendu à toute situation de concours et de saisie, et ce, même en dehors d’une vente. [9] En effet, la clause de réserve peut maintenant être invoquée par le créancier dans le cadre de tout autre contrat translatif de propriété.[10]
Au niveau de l’opposabilité de la clause de réserve, celle-ci ne nécessite aucune forme de publicité, si ce n’est en cas d’immobilisation par incorporation.[11] Un enregistrement dans le registre des gages est ainsi nécessaire pour maintenir les effets de la clause dans une telle situation. [12]
Toutefois, un écrit doit être rédigé avant la livraison du bien.[13] Il doit par ailleurs être prouvé par toute voie de droit que l’acheteur a marqué son accord quant à la clause.[14] La seule exception à cette règle survient lorsque l’acheteur est consommateur puisque dans ce cas là, l’accord doit ressortir de l’écrit lui-même. [15]
Notons enfin que dès lors qu’il s’agit d’une véritable sûreté réelle, les dispositions du gage portant sur la transformation, la confusion des biens, la subrogation réelle et la cession de créances lui sont applicables.[16]
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[1] A.-S. Gigot, « L'opposabilité de la clause de réserve de propriété en cas de procédures collectives d'insolvabilité », R.D.C.T.B.H., 2011/6, p. 512.
[2]C. civ., art. 1583.
[3] Caby, A., « Vente d'immeubles : attention danger! Évolution jurisprudentielle de la portée de l'article 1583 du Code civil », Pli juridique, 2013/26, p. 7.
[4]C. Bedoret, « Le R.C.D. et… l'égalité des créanciers », B.S.J., 2012/475, p. 3.
[5]R. Poncelet, « Privilèges mobiliers », Rép. not., Tome X, Les sûretés, Livre 3, Bruxelles, Larcier, 1997, p. 72.
[6] Loi modifiant le Code Civil en ce qui concerne les sûretés réelles mobilières et abrogeant diverses dispositions en cette matière, M.B., 2 août 2013.
[7]C. civ., L. III, t. XVI, art. 69.
[8] W. Derijcke, « La réforme des sûretés réelles mobilières »,R.D.C.-T.B.H., 2013/8, p. 718 ; Voy. également Projet de loi modifiant le Code civil en ce qui concerne les sûretés réelles mobilières et abrogeant diverses dispositions en cette ma-tière, exposé des motifs, Doc. parl.,Chambre, sess. ord. 2012-2013, no 53-2463-2464/001, pp. 18, 30 et 71. (note sous V. Nicaise)
[9]E. Dirix, La réforme des sûretés réelles mobilières, Limal, Kluwer, 2013, p. 43.
[10]V. Nicaise, « La portée de la réforme des sûretés réelles mobilières sur le secteur des assurances », For. Ass., 2017/6, p. 130.
[11] V. Sagaert, « Enkele pijlers van de Pandwet », GDW, 2015/4, p. 18 ; V. Nicaise, ibidem, p. 130 ; Voy. également W. Drijcke, op.cit., p. 718.
[12]C. civ., L. III, t. XVI, art. 71.
[13]V. Sagaert, op.cit., p. 16.
[14]E. Dirix, op.cit., p. 43.
[15]V. Nicaise, "Rappels des principes, mise en contexte et modifications diverses apportées par la loi du 25 décembre 2016 », in Les suretés réelles mobilières, Liège, CUP, 2017, p. 42.
[16]V. Nicaises, ibidem, p. 43.