L’expertise, qui peut être demandée par une des parties au litige, peut être ordonnée par le juge, sous certaines conditions. L’expertise est souvent un « passage obligé » dans le règlement des litiges portant sur l’exécution des contrats d’entreprises, et spécialement dans le domaine immobilier 1.
Cependant, l’expertise est souvent critiquée en ce qui concerne ses conséquences sur le coût et la durée de la procédure judiciaire 2. Le législateur a donc adopté une loi du 15 mai 2007 modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l’expertise 3.
Pour que le juge ordonne une expertise, est que celle-ci doit apparaître indispensable à l’issue du litige pour être ordonnée 4. Ainsi, ce n’est pas le cas si les constats ne sont plus possibles. Ainsi, une expertise n’est plus utile s’il y a déjà eu des constats contradictoires des désordres 5.
Une expertise n’est plus utile non plus lorsque le coût est disproportionné. Une demande a déjà été rejetée car disproportionnée par rapport à la valeur du litige 6. C’est également le cas lorsqu’il n’y a pas assez de preuves 7.
En outre, conformément au droit commun, si l’une des parties au litige invoque l’urgence et donc la compétence du juge des référés, elle doit la prouver. Ainsi, si la demande d’expertise concerne une mesure conservatoire, l’urgence n’est pas contestée 8. Par contre, il n’y aura pas urgence lorsque le maître de l’ouvrage a introduit sa demande d’expertise tardivement 9.
Cependant, il a été jugé qu’une introduction tardive de la demande n’exclut pas l’urgence lorsque des éléments nouveaux ont aggravé la situation préexistante 10.
Il est utile de noter que la mission de l’expert doit être « technique », selon le Code judiciaire 11. La Cour de cassation a même reconnu ce caractère technique comme un principe d’ordre public 12.
Et enfin, il est unanimement admis que l’expertise doit être contradictoire 13. Il est nécessaire que l’expert puisse convoquer les parties mais aussi leurs conseils respectifs lors de l’expertise 14. Ainsi, s’il ne le fait pas, il viole les droits de la défense 15.
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1. A. DELVAUX, B. de COQUEAU, R. SIMAR, B. DEVOS et J. BOCKOURT, Le contrat d’entreprise, Chronique de jurisprudence 2001-2011, Bruxelles, Larcier, p. 111.
2. X. MALENGREAU, « Le contrôle de la durée et du coût des expertises judiciaires par le juge », J.T., 2002, pp. 825-833 et W. ABBELOOS, « De rechten van verdediging als rode draad doorheen het gerechtelijk deskundigonderzoek », Entr.etr dr., 2002, pp. 6 à 18.
3. Loi du 15 mai 2007 modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l'expertise et rétablissant l'article 509quater du Code pénal, M.B., 22 août 2007, p. 43898.
4. P. HENRY et B. de COCQUEAU, « Le point sur la responsabilité du commettant », in Droit de la responsabilité, Formation CUP, vol. 107, 2008, pp. 117 à 122.
5. Civ. Bruxelles, 11 février 2003, Entre. et dr., 2003, p. 250.
6. J.P., Zomergen, 9 juillet 2008, J.J.P., 2010, p. 19.
7. Liège, 15 avril 2008, RG 06/876 ; Civ. Nivelles, 18 avril 2008, Bull. ass., 2008,p. 399 ; Civ. Namur, 13 mai 2009, Entre. et dr., 2009, 2009, p. 291.
8. Anvers, 2 décembre 2004, R.D.C., 2005, p. 779.
9. Civ. Bruxelles (rféf.), 2 février 2004, J.C., 2005, p. 141.
10. Liège, 3 octobre 2002, J.T., 2003, p. 342 ; A. DELVAUX, B. de COQUEAU, R. SIMAR, B. DEVOS et J. BOCKOURT, Le contrat d’entreprise, Chronique de jurisprudence 2001-2011, Bruxelles, Larcier, pp. 112-113.
11. Articles 11 et 962 du Code judiciaire
12. Cass., 14 septembre 1992, Pas., I, p. 1021.
13. O. MIGNOLET, « L’expertise judiciaire », Rép. not., t. XIII, liv. 9, 2009, p. 9.
14. Gand, 23 janvier 2009, TBO., 2007, p. 184.
15. A. DELVAUX, B. de COQUEAU, R. SIMAR, B. DEVOS et J. BOCKOURT, Le contrat d’entreprise, Chronique de jurisprudence 2001-2011, Bruxelles, Larcier, p. 117.