L’article 1384 alinéa 4 du Code civil crée une présomption de responsabilité dans le chef des instituteurs et artisans pour les fautes commises par leurs élèves et apprentis. En effet, cet article dispose que « les instituteurs et les artisans sont responsables du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance » 1.
Cette responsabilité est fondée sur une présomption de faute dans le chef de l’instituteur. Cette faute consiste en un manquement dans la surveillance des élèves ou des apprentis. Par conséquent, la présomption ne peut jouer que pour les dommages causés par les élèves pendant le temps où la surveillance est susceptible d’être exercée par l’instituteur 2.
Il existe trois conditions pour mettre en cause la responsabilité de l’instituteur. Premièrement, un dommage doit avoir été causé par un élève ou un apprenti. En outre, le dommage doit nécessairement avoir été causé à un tiers. L’article 1384 alinéa 4 du Code civil ne couvre donc pas l’hypothèse où l’élève se cause un dommage à lui-même 3, ni le cas où c’est l’instituteur qui cause un dommage à l’élève 4. Dans cette dernière hypothèse, seule une action fondée sur base de l’article 1382 du Code civil pourra être dirigée contre l’instituteur.
Deuxièmement, l’élève ou l’apprenti doit avoir commis une faute ou un acte objectivement illicite, c’est-à-dire un comportement qui aurait été fautif si l’enfant avait atteint l’âge du discernement 5. Par ailleurs, comme dans toute responsabilité, il doit exister un lien causal entre le dommage et la faute ou l’acte illicite commis par l’élève.
Enfin, l’acte dommageable doit avoir été accompli pendant le temps de la surveillance incombant à l’instituteur. Cela vise tant la surveillance au sein de l’établissement d’enseignement qu’en dehors de celui-ci, tel que, par exemple, lors du « ramassage scolaire » ou lors d’une visite scolaire.
Si ces conditions sont remplies, l’instituteur sera présumé responsable des fautes commises par ses élèves. Par instituteur, il y a lieu d’entendre la personne physique qui dispense un enseignement. Sont également englobées dans cette notion, les personnes qui communiquent une instruction, qu’elle soit scientifique, artistique, professionnelle, morale ou sociale 6. En conséquence, la jurisprudence assimile généralement à un instituteur : le préfet d’un athénée, le directeur d’une école ou un surveillant 7.
Par contre, ne sont pas considérés comme des instituteurs, le directeur d’un home de vacances ou un moniteur d’un mouvement de jeunesse. De même, la qualité d’instituteur ne peut être reconnue à une personne morale 8.
La notion d’élève vise, quant à elle, toute personne à qui un enseignement est dispensé et ce, peu importe que cette personne soit mineur ou non.
La présomption de responsabilité instituée par l’article 1384 alinéa 4 du Code civil est cependant réfragable. L’instituteur peut donc la renverser en démontrant qu’il n’a pas commis de faute dans la surveillance de l’élève 9. A cet égard, l’obligation de surveillance qui incombe aux instituteurs doit être appréciée de manière raisonnable, en tenant compte des circonstances concrètes de la cause.
En outre, lorsque l’instituteur se trouve dans les liens d’un contrat de travail, il peut renverser la présomption de responsabilité en prouvant qu’il n’a pas commis de faute telle que définie par l’article 18 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, c’est-à-dire qu'il n'a commis ni dol ni faute lourde, ni faute légère présentant un caractère habituel plutôt qu'accidentel, et ce même s'il aurait pu empêcher le fait donnant lieu à la responsabilité 10.
______________________________
1. Article 1394 al. 4 du Code civil.
2. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, T.2, Bruylant, Bruxelles, 2010, p. 1324.
3. Anvers, 6 septembre 2000, A.J.T., 2000-2001, p. 912.
4. Gand, 10 janvier 1992, Bull. Ass., 1992, p. 494.
5. Cass., 11 avril 1991, Pas., I, p. 727.
6. Cass., 3 décembre 1986, Pas., 1987, I, p. 410.
7. B. Dubuisson, V. Callewaert, B. De Coninck, B. et G. Gathem, G., La responsabilité civile, Bruxelles, Larcier, 2009, p. 113.
8. Anvers, 27 mars 2002, R.W., 2004-205, p. 106.
9. Cass., 10 octobre 2003, Pas., I, p. 1583.
10. Cass., 25 janvier 1993, Pas., I, p.91.