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DROIT DES AFFAIRES

Abrégés juridiques

26 Aout 2016

L'imprévision dans les contrats

L'imprévision dans les contrats

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Il arrive fréquemment que lors de l'exécution d'un contrat, notamment un contrat d'entreprise, les circonstances qui ont présidé au moment de la conclusion de la convention viennent à changer. Cette modification fait partie de la théorie de l'imprévision.

L'imprévision se définit comme le déséquilibre des prestations réciproques qui vient à se produire, dans les contrats à prestations successives ou différées, par l'effet d'événements ultérieurs à la formation du contrat, indépendants de la volonté des parties, et se révélant tellement extraordinaires, tellement anormaux, qu'il n'était guère possible de raisonnablement les prévoir 1.

En cas de survenance de circonstances nouvelles, postérieurement à la conclusion du contrat, non imputables à la partie qui s'en prévaut, la théorie de l'imprévision autorise la révision du contrat si ces circonstances ont eu pour effet de bouleverser l'économie contractuelle 2.

La théorie de l'imprévision se distingue doublement de la force majeure. Tout d'abord, la force majeure s'applique en cas d'impossibilité d'exécution tandis que l'imprévision peut trouver application en cas de déséquilibre des prestations qui aggravent les charges d'une des parties 3. Par ailleurs, la force majeure rend impossible la poursuite du contrat et libère le contractant de ses obligations alors que l'imprévision ne met pas fin au contrat mais autorise sa révision. Enfin, la théorie de l'imprévision n'est pas reconnue en droit belge alors que c'est le cas de la force majeure.

Aucune disposition légale n'admet, en droit belge, l'imprévision en général.

Dans certaines dispositions légales particulières, le législateur a toutefois pris en compte le changement des circonstances. C'est le cas, par exemple, en matière de bail de résidence principale puisque l'article 7, alinéa 2 de la loi du 20 février 1991 relative précise qu'à défaut d'accord des parties, le juge peut accorder la révision du loyer s'il est établi que par le fait de circonstances nouvelles, la valeur locative normale du bien loué est supérieure ou inférieure de vingt pour cent au moins au loyer exigible au moment de l'introduction de la demande 4.

Par contre, à défaut de disposition légale particulière, la jurisprudence belge a tendance à condamner la théorie de l'imprévision.

Dans un arrêt du 14 avril 1994, la Cour de cassation a, en effet, considéré que l'exécution de bonne foi ne permet pas de demander la modification du contrat en cas de circonstances nouvelles et non prévues par les parties, qui rendent plus difficile l'exécution du contrat 5. Elle a confirmé cette jurisprudence à plusieurs reprises 6.

Ce rejet de l'imprévision trouve son fondement dans l'article 1134 alinéa 1er du Code civil selon lequel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites 7. Admettre la révision du contrat en raison de circonstances nouvelles dérogerait, en effet, à cette règle.

Face à cette intransigeance de la jurisprudence, la doctrine a tenté d'établir des alternatives permettant de prendre en compte le changement de circonstances.

A cet égard, on peut citer l'abus de droit et le principe d'exécution de bonne foi des conventions. Plusieurs décisions considèrent, en effet, qu'il est contraire à la bonne foi, de la part du créancier, d'exiger la poursuite d'un contrat complètement déséquilibré 8.

Par ailleurs, la théorie des sujétions imprévues permet également une renégociation des termes du contrat en cas de circonstances nouvelles, normalement d'ordre économique, indépendantes de toutes fautes des parties et qui bouleversent l'économie des parties 9. Cette théorie admise par la jurisprudence se distingue de la théorie de l'imprévision par le fait qu'elle a trait à des difficultés techniques qui existaient déjà lors de la conclusion de la convention mais qui étaient inconnues des parties et qu'elles ne pouvaient raisonnablement pas découvrir lors des vérifications préalables qui pouvaient raisonnablement leur être imposées 10.

Enfin, la pratique contractuelle permet aux parties d'anticiper les difficultés liées au changement de circonstances par l'insertion de clauses appropriées telle qu'une clause de hardship. Celle-ci est destinée à sortir ses effets lorsque les circonstances de départ, que les parties peuvent avoir aménagées de manière générale ou au contraire spécifique, ont évolué de manière imprévisible, perturbant ainsi gravement l'équilibre du contrat 11. Dans ce cas, sauf si la clause a réservé à l'un des contractants le pouvoir de modifier seul la convention, chacune des parties a le droit d'exiger l'ouverture de nouvelles négociations lorsqu'une des circonstances retenues par la clause vient à se réaliser.

En pratique, les clauses de hardship se retrouvent fréquemment dans les contrats internationaux ou les contrats dont l'exécution perdure pendant un laps de temps relativement long 12.

_________________________

1. H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, 3e éd., t. II, Bruxelles, Bruylant, 1964, p. 560.

2. P. Wéry, Les obligations, La théorie générale du contrat, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 644.

3. Bruxelles, 25 janvier 2000, J.T., 2000, p.790.

4. Article 7 alinéa 2 de la loi du 20 février 1991 relative aux baux de résidence principale.

5. Cass., 14 avril 1994, Pas., I, p. 365.

6. Cass., 30 avril 2004, R.G. n°02.0201. F ; Cass., 20 avril 2006, R.G. C.030084.

7. Article 1134 alinéa 1er du Code civil.

8. Liège, 21 décembre 2001, J.T., 2002, p. 564 ; Cass. 14 octobre 2010, Act. dr. fam. 2012/7, p. 156.

9. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, Bruylant, Bruxelles, 2010, p. 808.

10. Liège, 28 juin 1995, Pas., 1995, II, p. 36. ; Bruxelles, 10 décembre 1970, Entr. et Dr., 1981, p. 15 ; Bruxelles, 8 mars 2001, R.G. n° 95/AR ; Bruxelles, 3 avril 2007, R.G. no 1999/AR/2591 ; Civ. Namur, 26 avril 1990, R.R.D., 1990, p. 489.

11. Voy. D. Phillipe, « Les clauses de force majeure, d'imprévision et de transfert des risques » in Les clauses applicables en cas d'inexécution des obligations contractuelles, 2001, p.1.

12. P. Wéry, Les obligations, La théorie générale du contrat, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 649.


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