Avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 décembre 2013, l’employeur n’était pas tenu de motiver formellement le congé donné au travailleur. Cela étant, il existe, pour des situations particulières, des mécanismes où le législateur a prévu que le congé devait être motivé. 39 C’est notamment le cas dans le cadre d’un licenciement pour motif grave 40.
Cette réglementation reste applicable malgré l’entrée en vigueur de la loi sur le statut unique ouvrier-employé et de la Convention collective de travail n°109. 41
Le défaut d’obligation de motivation de la rupture unilatérale du contrat ne signifiait toutefois pas que l’employeur pouvait rompre le contrat de travail sans motif.
Si le licenciement apparaissait être sans motif, il s’agissait d’un licenciement dit abusif. Différentes réglementations s’appliquaient selon qu’il s’agissait d’un licenciement abusif d’un ouvrier et d’un employé.
Pour l’employé, la réglementation applicable était l’article 1134 du Code civil sur l’exécution de bonne foi des conventions. Tandis que pour les ouvriers, l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978 prévoyait expressément les réglementations applicables au licenciement abusif. Il s’agissait d’un régime préférentiel pour les ouvriers. 42
Cela étant, en vue de réduire les différences entre ouvrier et employé, la loi du 26 décembre 2013 a modifié ces réglementations.
A cet égard, la nouvelle loi prévoyait en son article 38, 1° qu’une convention collective de travail devait être adoptée concernant la motivation du licenciement. Cette convention a été adoptée le 12 février 2014, il s’agit de la C.C.T. n°109. Celle-ci est entrée en vigueur le 1er avril 2014.
Cette Convention collective n’a pas mis en place une obligation de motivation a priori dans le chef de l’employeur mais bien a posteriori. En d’autres termes, l’employeur ne doit pas motiver les motifs concrets de la rupture du contrat dans le courrier notifiant au travailleur le licenciement. Par conséquent, cette motivation n’est pas une condition de validité du congé ou du préavis. 43
Cela étant, l’employeur doit, si le travailleur en formule la demande 44, informer le travailleur des motifs concrets ayant conduit au licenciement. 45
Il y a lieu de différencier la situation où l’employeur informe spontanément le travailleur des raisons qui ont mené au licenciement de la situation où c’est le travailleur qui en a fait la demande. 46
Dans la première hypothèse, si le travailleur demande des explications complémentaires au travailleur, l’employeur n’est pas tenu d’y répondre.
Dans la seconde hypothèse, des formalités doivent être respectées par le travailleur qui souhaite connaître les motifs concrets ayant mené à son licenciement. Pour ce faire, le travailleur doit adresser sa demande par le biais d’un courrier recommandé, et ce, dans un délai de deux mois après que le contrat de travail ait pris fin. 47 S’il s’agit d’un licenciement moyennant préavis, cette demande devra être faire dans un délai de 6 mois à partir de la notification du congé de l’employeur et en tout état de cause, maximum 2 mois après la fin du contrat de travail. 48
L’employeur ayant reçu cette demande du travailleur doit répondre par courrier recommandé en précisant quels sont les motifs concrets du licenciement, et ce, dans les deux mois de la réception du courrier recommandé du travailleur. 49
L’employeur qui ne respecte pas les règles ci-dessus, s’expose à des amendes civiles et à la modification de la charge de la preuve dans l’éventualité d’une procédure pour licenciement manifestement déraisonnable.
A cet égard, l’article 7 de la convention collective n°109 dispose que si l’employeur ne communique pas les motifs concrets qui ont conduit au licenciement au travailleur qui a introduit une demande ou s’il ne respecte pas les formalités prévues (délais, courrier recommandé), il est redevable d’une amende civile forfaitaire correspondant à deux semaines de rémunération. 50
Si par contre, l’employeur a communiqué des motifs mais que le travailleur estime que ceux-ci ne sont pas des « motifs concrets », ce différend sera apprécié par les juridictions du travail.
En outre, si c’est le travailleur qui ne respecte pas les formalités liées à sa demande de motivation, l’employeur n’est pas tenu de faire suite à sa demande et ne sera pas sanctionné.
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39. F. KEFER, « La motivation du licenciement en droit belge », Rev. dr. Ulg, 2011/3-4, p. 438 à 448.
40. Article 35 de la loi du 3 juillet 1978.
41. M .B. du 20 mars 2014, en vigueur à partir du 30 mars 2014
42. M. STRONGYLOS, R. CAPART et G. MASSART, « Le statut unique ouvriers-employés – Commentaire pratique de la loi du 26 décembre 2013 », Dossiers B.S.J., Anthémis, 2014, p. 109 et suivantes.
43. Voyez : M-L. WANTIEZ et G. LEMAIRE, « Quelques questions relatives à la convention collective n°109 concernant la motivation du licenciement », J.T.T., n° 1191, 17/2014, p. 261.
44. Il s’agit d’une faculté et non d’une obligation pour le travailleur de demander les motifs de son licenciement. Article 4 de la C.C.T n° 109.
45. Article 1er et 3 de la C.C.T n°109.
46. M. STRONGYLOS, R. CAPART et G. MASSART, « Le statut unique ouvriers-employés – Commentaire pratique de la loi du 26 décembre 2013 », Dossiers B.S.J., Anthémis, 2014, p. 109 et suivantes.
47. Article 4 alinéas 1er et 2 de la C.C.T. n° 109.
48. L. PELTZER, « La motivation du licenciement des travailleurs : nouvelles règles pour tous les travailleurs depuis le 1er avril 2014 » J.T., n° 6565 - 21/2014 , p. 377.
49. Article 5 de la C.C.T. n° 109.
50. Article 7 de la C.C.T. n° 109