Avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 décembre 2013, l'employeur n'était pas tenu de motiver formellement le congé donné au travailleur. Cela étant, il existait, dans des situations particulières, des mécanismes où le législateur avait prévu que le congé devait être motivé. 15 C'est notamment le cas dans le cadre d'un licenciement pour motif grave. 16
Il est utile de préciser que cette réglementation reste applicable malgré l'entrée en vigueur de la loi sur le statut unique ouvrier-employé et de la Convention collective de travail n° 109. 17
Le défaut d'obligation de motivation de la rupture unilatérale du contrat ne signifiait toutefois pas que l'employeur pouvait rompre le contrat de travail sans motif.
Si le licenciement apparaissait être sans motif, il s'agissait d'un licenciement dit abusif. Différentes réglementations s'appliquaient selon qu'il s'agissait d'un licenciement abusif d'un ouvrier ou d'un employé.
Pour l'employé, la règlementation applicable était l'article 1134 du Code civil sur l'exécution de bonne foi des conventions. Tandis que pour les ouvriers, l'article 63 de la loi du 3 juillet 1978 prévoyait expressément les réglementations applicables au licenciement abusif. Il s'agissait d'un régime préférentiel pour les ouvriers. 18
Cela étant, en vue de réduire les différences entre ouvrier et employé, la loi du 26 décembre 2013 a modifié ces réglementations 19.
A cet égard, la nouvelle loi du 26 décembre 2013 prévoyait en son article 38, 1° qu'une convention collective de travail devait être adoptée concernant la motivation du licenciement. Cette convention a été adoptée le 12 février 2014. Il s'agit de la C.C.T. n° 109 qui est entrée en vigueur le 1er avril 2014. 20
Le principe de la Convention collective de travail n° 109 est de donner un droit au travailleur de connaître les motifs qui ont conduit à son licenciement.
Cela étant, cette convention collective n'a pas mis en place une obligation de motivation a priori dans le chef de l'employeur mais bien a posteriori. En d'autres termes, l'employeur ne doit pas motiver les motifs concrets de la rupture du contrat dans le courrier notifiant au travailleur le licenciement. Par conséquent, cette motivation n'est pas une condition de validité du congé ou du préavis. 21
Cela étant, l'employeur doit, si le travailleur en formule la demande 22, informer le travailleur des motifs concrets ayant conduit au licenciement. 23
Il y a lieu de différencier la situation où l'employeur informe spontanément le travailleur des raisons qui ont mené au licenciement, de la situation où c'est le travailleur qui en a fait la demande. 24
Dans la première hypothèse, l'employeur décide de communiquer spontanément les raisons pour lesquelles il décide de mettre fin au contrat de travail. Dans ce cas, aucune forme particulière n'est imposée par la Convention concernant les modalités à respecter. Toutefois, la meilleure preuve consiste en un envoi par courrier recommandé ou une remise à la main mais avec copie signée pour réception par le travailleur. 25
Si, après avoir réceptionné les motifs de licenciement, le travailleur demande des explications complémentaires, l'employeur n'est pas tenu d'y répondre.
Dans la seconde hypothèse, à savoir, celle où l'employeur ne communique pas d'initiative les motifs concrets, des formalités doivent être respectées par le travailleur qui souhaite connaître les motifs ayant mené à son licenciement.
Pour ce faire, le travailleur doit adresser sa demande par le biais d'un courrier recommandé, et ce, dans un délai de deux mois après que le contrat de travail ait pris fin. 26 S'il s'agit d'un licenciement moyennant préavis, cette demande devra être faite dans un délai de 6 mois à partir de la notification du congé de l'employeur et en tout état de cause maximum 2 mois après la fin du contrat de travail. 27
L'employeur ayant reçu cette demande du travailleur doit répondre par courrier recommandé en précisant quels sont les motifs concrets du licenciement, et ce, dans les deux mois. 28 Ce délai de deux mois commence à courir le troisième jour ouvrable après la date de l'envoi du courrier recommandé par le travailleur.
Par ailleurs, les motifs concrets dont il est question n'ont pas été définis par la Convention collective de travail. Cela étant, par motif concret il y a lieu d'entendre le fait que l'employeur doit donner des précisions sur la situation et les événements qui l'ont conduit à prendre cette décision. 29
L'employeur, qui ne respecte pas les règles ci-dessus, s'expose à des amendes civiles et à la modification de la charge de la preuve dans l'éventualité d'une procédure pour licenciement manifestement déraisonnable.
A cet égard, l'article 7 de la Convention collective de travail n° 109 dispose que si l'employeur ne communique pas les motifs concrets, qui ont conduit au licenciement, au travailleur, qui a introduit une demande, ou s'il ne respecte pas les formalités prévues (délais, courrier recommandé), il est redevable d'une amende civile forfaitaire correspondant à deux semaines de rémunération. 30
Si, par contre, l'employeur a communiqué des motifs mais que le travailleur estime que ceux-ci ne sont pas des 'motifs concrets', ce différend sera apprécié par les juridictions du travail.
En outre, si c'est le travailleur qui ne respecte pas les formalités liées à sa demande de motivation, l'employeur n'est pas tenu de faire suite à sa demande et ne sera pas sanctionné.
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15. F. Kefer, « La motivation du licenciement en droit belge », Rev. dr. Ulg, 2011/3-4, pp. 438-448.
16. Article 35 de la loi du 3 juillet 1978.
17. M.B. du 20 mars 2014, en vigueur à partir du 30 mars 2014.
18. M. Strongylos, R. Capart et G. Massart, « Le statut unique ouvriers-employés : Commentaire pratique de la loi du 26 décembre 2013 », Dossiers B.S.J., Anthémis, 2014, pp. 109 et suivantes.
19. Loi du 26 décembre2013 concernant l'introduction d'un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d'accompagnement, M.B., 31 décembre 2013, p. 104147.
20. Convention collective de travail n° 109 du 12 février 2014 concernant la motivation du licenciement ; Arrêté royal du 9 mars 2014 rendant obligatoire la convention collective de travail n° 109 du 12 février 2014, conclue au sein du Conseil national du Travail, concernant la motivation du licenciement, M.B., 20 mars 2013.
21. Voyez : M.-L. Wantiez et G. Lemaire, « Quelques questions relatives à la convention collective n° 109 concernant la motivation du licenciement », J.T.T., n° 1191, 17/2014, p. 261.
22. Il s'agit d'une faculté et non d'une obligation pour le travailleur de demander les motifs de son licenciement. Article 4 de la C.C.T n° 109.
23. Articles 1 et 3 de la C.C.T n°109.
24. M. Strongylos, R. Capart et G. Massart, « Le statut unique ouvriers-employés : Commentaire pratique de la loi du 26 décembre 2013 », Dossiers B.S.J., Anthémis, 2014, pp. 109 et suivantes.
25. S. Gerard, A.-V. Michaux et E. Crabeels, « La C.C.T. n° 109 imposant la motivation du licenciement et sanctionnant le licenciement manifestement déraisonnable : une première lecture et – déjà – de nombreuses questions », Chr. D.S., 2014/03, pp. 144 et suivantes.
26. Article 4, alinéas 1er et 2 de la C.C.T. n° 109.
27. L. Peltzer, « La motivation du licenciement des travailleurs : nouvelles règles pour tous les travailleurs depuis le 1er avril 2014 » J.T., n° 6565 - 21/2014, p. 377.
28. Article 5 de la C.C.T. n° 109.
29. T.T. Bruxelles, 7 octobre 1991, Chr. D.S., 1992, p. 72 ; C.T. Bruxelles, 16 janvier 1995, Chr. D.S., 1996, p. 18.
30. Article 7 de la C.C.T. n° 109.