Les conditions de la gestion d’affaires sont plus strictes que les conditions de l’enrichissement sans cause. En effet, le législateur veut, ainsi, éviter les immixtions intempestives dans les affaires d’autrui.
L’article 1372 du Code civil énonce les différentes conditions de la gestion d’affaires. Ainsi, « Lorsque volontairement on gère l'affaire d'autrui, soit que le propriétaire connaisse la gestion, soit qu'il l'ignore, celui qui gère contracte l'engagement tacite de continuer la gestion qu'il a commencée, et de l'achever jusqu'à ce que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même; il doit se charger également de toutes les dépendances de cette même affaire. Il se soumet à toutes les obligations qui résulteraient d'un mandat exprès que lui aurait donné le propriétaire. »
En réalité, il existe trois conditions négatives et deux conditions positives.11
La première condition négative est l’absence de convention ou d’obligation légale. En effet, pour qu’il y ait gestion d’affaire, il ne faut pas qu’il y ait une convention ou une obligation légale prévoyant que le gérant agisse pour le compte du maître. Si tel était le cas, ce ne serait pas les règles de la gestion d’affaires qui s’appliqueraient mais bien celles relatives à l’obligation.
Ainsi, lorsqu’un pompier intervient lors d’un incendie, il n’est pas question de gestion d’affaires. Il s’agit d’une obligation légale reprise dans le droit administratif.12
Il en va de même, par exemple, lorsqu’un dépanneur déplace un véhicule sur ordre de la police. Il ne s’agit pas d’une gestion d’affaires mais d’un ordre donné par une autorité.13
La seconde condition négative de la gestion d’affaires est l’absence d’opposition du maître de l’ouvrage. Soit le maître de l’ouvrage ignore la gestion d’affaires, soit il en a connaissance ou en a pris connaissance et ne s’y oppose pas.
La troisième condition négative est la volonté de gérer l’affaire d’autrui en tant que gérant de manière désintéressée mais avec l’absence d’intention libérale dans le chef du gérant. Autrement dit, si le gérant a une intention libérale, ce ne sont pas les règles de la gestion d’affaires qui viendront à s’appliquer mais bien celles relatives aux libéralités.14
Cela étant, si le maître de l’ouvrage considère qu’il n’y a pas gestion d’affaires mais libéralités, il lui revient d’en apporter la preuve. Cette preuve pourra être apportée par toutes voies de droit.15
En ce qui concerne les conditions dites positives de la gestion d’affaires, elles sont au nombre de deux. La première est l’intention de gérer les affaires d’autrui dans le chef du gérant. Cette condition signifie qu’il n’y a pas gestion d’affaires si le gérant accomplit des actes dans son intérêt personnel.16
La seconde condition positive est le caractère nécessaire de l’intervention du gérant. Cette condition a pour objectif principal d’éviter les immixtions abusives dans les affaires d’autrui.17 Par conséquent, il faut que la gestion d’affaire soit nécessaire.18 Il y a toutefois lieu de noter que la jurisprudence évolue et semble retenir, de plus en plus, la thèse de l’utilité.19
Certains auteurs de doctrines, préfèrent toutefois parler d’opportunité plutôt que d’utilité.20
Le Tribunal de commerce de Mons a indiqué dans un jugement que: «Contrairement à ce qu’enseignait la doctrine classique, la récente doctrine, tant belge que française, n’exige plus la présence d’une situation d’urgence ou de nécessité. En revanche, il faut que la gestion d’affaires présente une utilité pour le tiers au moment où elle a eu lieu. Le terme utilité doit bien se comprendre: il s’agit davantage d’une opportunité que d’une réelle utilité au sens courant du terme. Le contenu exact de ce concept reste toutefois flou. En tout état de cause, pour être «opportune», la gestion d’affaires doit intervenir à bon escient et ne pas être intempestive. Il convient notamment de vérifier si le tiers pouvait être informé en temps utile des circonstances nécessitant une intervention et si les actes accomplis par le gérant d’affaires n’auraient pas pu être exécutés à moindre frais et sans difficulté particulière par le tiers s’il avait été mis au courant de la situation».21
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11. Voyez : P. VAN OMMESLAGHE, « la gestion d’affaires » in Droit des obligations, Bruylant, Bruxelles, 2010, p. 1063 et suivantes.
12. Voyez par exemple : Civ. Bruxelles, 29 juin 1963, J.T., 1963, 467 ; Gand, 29 octobre 1930, Pas., 1932, II, 10.
13. Prés. Comm. Liège, 2 mats 1982, JCB., 1982, 459.
14. Cass., 13 mars 1956, Pas., 1957, I, 392.
15. P. VAN OMMESLAGHE, « la gestion d’affaires » in Droit des obligations, Bruylant, Bruxelles, 2010, p. 1068.
16. Cass. 6 janvier 2005, R.C.J.B., 2007, p. 175.
17. H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, t. II, 3è éd., n°1074, p. 1138.
18. Sur la question de la nécessité, voyez : Cass., 5 janvier 1967, Pas., 1967, I, 531 ; Bruxelles, 6 mars 1986, R.G.A.R., 1987, n° 11259.
19. Cass., 12 novembre 1998, Bull. cass., 1998, p. 1127, Dr. circ., 1999, No 99/51, p. 152; Comm. Mons (2e ch.) n° A/05/3727, 28 février 2008, R.G.D.C. 2008, liv. 5, 283.
20. E. BEYSEN, Zaakwaarneming, Malines, Kluwer, 2006. pp. 93-108, nos 207-239 ; P. WERY, «Le caractère volontaire de la gestion d’affaires et des quasi-contrats», R.C.J.B., 2007, p. 195, no 9 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Les obligations, in Le fait juridique: quasi-contrats et responsabilité délictuelle, 12e éd., t. II, Paris, Dalloz, 2007, p. 13-15, nos 12-13.
21. Comm. Mons, 28 février 2008, R.G.D.C., 2008, p. 283.