La loi proscrit ces actes en ces termes : « est interdit, tout acte contraire aux pratiques honnêtes du marché par lequel une entreprise porte atteinte ou peut porter atteinte aux intérêts professionnels d’une ou de plusieurs autres entreprises » 3. Cette définition générale recouvre une réalité constituée de multiples aspects. Face à cette grande diversité de pratiques déloyales, nous aborderons synthétiquement les plus symboliques.
Constitue un acte contraire aux pratiques du marché l’utilisation de la dénomination d’un produit d’une entreprise par une autre entreprise. Cette dernière agissant de la sorte pour promouvoir ses marchandises qui sont comparables au produit de base et profiter de la réputation de cette dénomination 4. Le risque de confusion doit être apprécié sur base de différents facteurs afin de déterminer si, globalement, le consommateur moyen risque de confondre les produits 5. Ce genre de pratique peut également tomber sous le coup d’un acte de parasitisme par lequel une entreprise tire indûment profit des efforts fournis par une autre entreprise en se dispensant de son côté de tout effort ou investissement 6. La plupart du temps, la dénomination des produits fait l’objet d’un enregistrement qui assure en outre une protection sur base de la propriété intellectuelle 7.
Sont également considérés comme des actes contraires aux pratiques du marché les dénigrements entre entreprises. Il s’agit d’une atteinte hautement préjudiciable par laquelle un coup est porté à la réputation d’une entreprise par un acte calomnieux, diffamatoire ou même une simple critique permettant de l’identifier 8. À ce propos, la qualification de dénigrement ne requiert pas que l’entreprise visée soit identifiée, pourvu qu’elle soit identifiable 9. Si, en principe, la véracité des allégations dénigrantes est sans influence, il convient de remarquer que ce caractère est parfois pris en compte dans l’appréciation du dénigrement 10. Parmi les exemples de dénigrement, on peut citer le fait de prétendre que les produits d’une entreprise sont de mauvaise qualité, l’annonce d’une faillite prochaine 11 ou encore qu’une entreprise se livre à des pratiques déloyales 12.
Le débauchage de personnel est à priori légal et conforme à la libre concurrence et à la liberté du travail. Par contre, il devient illicite s’il répond à des préoccupations moins louables. Généralement, on distingue quatre situations de débauchage illicite. Il s’agit des débauchages qui ont pour effet de créer une confusion entre les entreprises, ceux qui déstabilisent une entreprise concurrente, ceux qui ont pour objet de connaître les secrets de fabrication ou de commerce d’une autre entreprise et ceux qui participent au non-respect d’une clause de non-concurrence 13.
Dans le même ordre d’idée, on retrouve le détournement de clientèle. À l’instar des travailleurs, aucune entreprise ne dispose d’un droit absolu sur la clientèle 14. En conséquence, l’acquisition de clients ne devient illicite que dans certaines circonstances. Un exemple délicat est celui d’une personne qui a quitté une entreprise et qui se livre à une activité concurrente. Dans pareil cas, le détournement de clientèle est illicite si cette personne, dans le but de créer la confusion ou de tromper la clientèle, rappelle ses fonctions antérieures ou la place qu’elle occupait dans l’entreprise qu’elle a quittée 15. Cette difficile appréciation laisse à penser que la qualification d'illicite d’un détournement de clientèle dépend, au moins en partie, du cas d’espèce. En cas de détournement illicite, l’action en cessation qui peut être intentée ne peut porter que sur les circonstances illicites du détournement et pas sur le détournement, qui n’est pas en soi illicite 16.
Afin d’assurer des pratiques honnêtes du marché entre les entreprises, le législateur interdit à toute entreprise d’offrir en vente ou de vendre des biens à perte. La loi définit expressément la vente à perte ainsi que les exceptions en vertu desquelles cette pratique n’est pas illicite 17. C’est notamment le cas lorsque la vente à perte prend place dans une opération de liquidation des stocks ou de soldes 18.
Dans certaines circonstances, le refus de contracter avec une entreprise peut constituer un acte contraire aux pratiques de marché. C’est notamment le cas d’une entreprise qui, bénéficiant de sa position économique, refuse de contracter avec une entreprise tierce afin de l’éliminer 19. Ce genre de pratique peut également être sanctionné sur base du droit de la concurrence, en l’espèce un abus de position dominante ou une entente restrictive de concurrence.
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3. Article VI.104 du Code de droit économique.
4. Article VI.124, § 1er, a du Code de droit économique.
5. Appel Anvers, 6 mai 1991, Ing.-Cons, 1991, p. 313.
6. Cass., 29 mai 2009, Pas., 2009, n° 359, p. 1374.
7. Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle (marques et dessins ou modèles), faite à La Haye le 25 février 2005.
8. Appel Bruxelles, 20 mai 2009, J.L.M.B., 2010, p. 226.
9. Président du tribunal de commerce de Bruxelles, 6 mars 1995, R.D.C., 1995, p. 704.
10. Président du tribunal de commerce de Bruxelles, 16 mars 1981, R.D.C., 1981, p. 356.
11. Appel Anvers, 8 février 1999, Ann. prat. com., 1999, p. 492.
12. Président du tribunal de commerce de Bruxelles, 23 février 1987, Ann. prat. com., 1987, I, p. 171.
13. Appel Anvers, 30 mai 2002, Ann. prat. com., 2002, p. 480.
14. Président du tribunal de commerce de Gand, 13 mai 1992, Ann. prat. com., 1992, p. 330.
15. J. Ligot, F. Vanbossele et O. Battard, Les pratiques loyales, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 164.
16. Ibid., p. 163.
17. Article VI.116 du Code de droit économique.
18. Article VI.117 du Code de droit économique.
19. Cass., 18 février 1965, Pas., 1965, I, p. 621.