Comme il a été dit précédemment, la théorie de l’organe régit toute la gouvernance des SPRL. Les gérants, organes de la société, sont en charge de la gestion interne et de la représentation de l’entreprise. Le Code prévoit que les restrictions apportées aux pouvoirs des gérants sont inopposables aux tiers quand bien même ces restrictions auraient été publiées 13. Ainsi, la société ne pourrait se dégager d’un engagement pris en son nom par un seul gérant alors que les statuts prévoyaient que cet engagement devait être ratifié par deux gérants ou plus. Fait exception à cette inopposabilité la mauvaise foi des tiers 14. Si ceux-ci ont agi frauduleusement, notamment parce qu’ils savaient que l’engagement de la société devait être pris par plusieurs gérants, ils ne pourront se prévaloir de l’inopposabilité prévue par la loi.
Quant aux actes excédant l’objet social posés par les gérants, ils lient quand même la société. Cette dernière ne pourra se prévaloir de cette violation de l’objet social que si elle prouve que les tiers savaient que l’acte dépassait l’objet social ou qu’ils ne pouvaient l’ignorer, compte tenu des circonstances et sans que la seule publication des statuts suffise à apporter cette preuve 15.
1) La gestion interne de la société
Dans leur gestion de la société, les gérants bénéficient d’un pouvoir résiduel. En effet, le Code prévoit qu’ils peuvent poser tous les actes nécessaires ou utiles à l’accomplissement de l’objet social de la société, sauf ceux qui sont réservés à l’assemblée générale 16. Il n’est donc pas nécessaire de décrire dans les statuts les compétences des gérants. Les associés peuvent prévoir des limitations statutaires aux pouvoirs des gérants comme l’approbation préalable d’une décision par l’assemblée générale. Néanmoins, ces restrictions sont inopposables aux tiers comme nous l’avons vu précédemment.
Si plusieurs gérants ont été nommés, leurs pouvoirs sont concurrents. Chacun d’eux peut exercer le pouvoir de gestion et poser des actes qui engagent la société. Parfois, les gérants sont rassemblés au sein d’un conseil de gestion prévu dans les statuts. Ce collège, qui n’est pas un organe de la société, implique que les décisions relatives à la gestion interne ou une partie d’entre elles doivent être prises collégialement par les gérants. À nouveau, cette modification relève de la cuisine interne de la société et celle-ci ne peut se prévaloir d’une violation à l’égard des tiers pour se désengager 17.
2) La représentation externe de la société
La représentation externe concerne les relations qu’entretiennent les tiers avec la société. Cette dernière est représentée par les gérants qui peuvent l'engager par exemple en concluant un contrat avec un tiers. Fréquemment, les statuts prévoient que la société est représentée par un ou plusieurs gérants spécialement désignés ou par plusieurs gérants agissant collégialement. Dans la pratique, on rencontre souvent une clause de double signature en vertu de laquelle deux gérants doivent signer un document pour qu’il engage la société. Ces clauses statutaires sont valables et opposables aux tiers pour autant qu’elles ne concernent que les pouvoirs de représentation (non la gestion interne) et qu’elles ont été l’objet d’une publication adéquate 18.
Du point de vue de la société, il faut veiller à ce que l’identité des personnes aptes à la représenter soit bien établie. Cela passe par le respect des règles de publicité. À défaut, la société risque de se voir engagée par les actes posés par une personne qui n’est pas ou plus gérante de l’entreprise. Il s’agit d’une application de la théorie du mandat apparent selon laquelle les tiers peuvent légitimement croire que la personne qui se présente à eux est gérante de la société. Cela est d’autant plus important que la Cour de cassation considère que la société sera liée par l’engagement pris en son nom même si elle n’a pas commis de faute créant l’apparence de représentation valable 19.
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13. Article 257, alinéa 2 du Code des sociétés.
14. Cass., 12 novembre 1987, R.C.J.B., 1989, p. 406.
15. Article 258 du Code des sociétés.
16. Article 257, alinéa 1 du Code des sociétés.
17. M. Coipel, Les sociétés privées à responsabilité limitée, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 450.
18. Article 257, alinéa 3 du Code des sociétés.
19. Cass., 20 juin 1988, Pas., 1988, I, p. 1262.