La théorie des risques est un concept propre aux contrats synallagmatiques, c'est-à-dire aux contrats qui prévoient des obligations dans le chef de chacune des parties et qui sont censées s'exécuter trait pour trait 30.
Selon cette théorie, les obligations contenues dans un contrat sont éteintes lorsque leur exécution est devenue impossible en raison de la survenance d'un cas de force majeure. Dans ces circonstances et compte tenu de l'interdépendance des obligations d'un contrat synallagmatique, le débiteur des obligations éteintes ne peut exiger de son cocontractant qu'il exécute ses obligations encore en vigueur 31.
La loi contient certaines dispositions qui prévoient expressément l'application de la théorie des risques. En matière de bail, la loi prévoit que si l'immeuble loué est détruit par un cas de force majeure, le bail est résilié de plein droit 32. En effet, comme le bailleur n'est plus tenu de laisser le locataire jouir des lieux, il ne peut réclamer le paiement des loyers correspondants.
Le régime de la théorie des risques est quelque peu différent lorsque le contrat synallagmatique porte sur une obligation de donner, de transférer un droit réel. Dans ce cas, et pour autant que le transfert de propriété se réalise par le seul échange de consentement, l'acquéreur reste tenu de ses obligations. Cela s'explique par le fait que dès l'échange de consentement, le vendeur a exécuté son obligation de transférer la propriété. Cependant, le législateur est intervenu dans certains domaines pour contrer cet effet. En matière de construction d'habitations et de vente d'habitations à construire, le transfert de la propriété s'opère au fur et à mesure des constructions et le transfert des risques à la réception provisoire 33.
L'application de la théorie des risques a pour effet de suspendre ou de dissoudre le contrat selon que la force majeure rende impossible temporairement ou définitivement l'exécution des obligations qu'elle frappe 34. En cas de dissolution, celle-ci s'opère sans rétroactivité 35 et, sauf exécution partielle du contrat déjà réalisée, aucune restitution des prestations ne doit avoir lieu.
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30. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations : Tome I, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 844.
31. Cass., 27 juin 1946, Pas., 1946, I, p. 270.
32. Article 1722 du Code civil.
33. Loi Breyne du 9 juillet 1971 réglementant la construction d'habitations et la vente d'habitations à construire ou en voie de construction.
34. Cass., 13 janvier 1956, Pas., 1956, I, p. 460.
35. Tribunal civil de Bruxelles, 14 avril 1989, J.T., 1989, p. 356.