Tout d'abord, il faut un enrichissement dans le chef du défendeur.
La notion d'enrichissement vise « tout avantage appréciable en argent, qu'il soit ou non de nature patrimoniale »12. Il peut ainsi résulter de l'acquisition d'un bien, ou d'une plus-value incorporée à ce bien, de l'extinction d'une dette, de la jouissance temporaire d'une chose, d'un accroissement de richesse intellectuelle ou morale, etc...13 L'enrichissement doit donc être appréciable en argent et il doit également être réel14.
L'enrichissement peut consister soit en une augmentation patrimoniale tel qu'un accroissement de l'actif du défendeur par une nouvelle créance ou le versement d'une somme d'argent, soit consister en une simple économie de dépense. On pense par exemple à la diminution d'une charge, l'extinction d'une dette, l'évitement d'une dépense pour la conservation d'un bien, etc…15.
Le plus souvent, l'enrichissement est de nature matérielle, mais il peut également être moral ou intellectuel (jouissance temporaire d'une chose, logement ou aliments fournis, soins procurés,...)16.
Outre un enrichissement dans le chef du défendeur, il faut également démontrer un appauvrissement dans le chef du demandeur.
Tout comme l'enrichissement, l'appauvrissement est apprécié de manière large. Il s'agit le plus souvent d'un appauvrissement patrimonial mais des prestations de services non rémunérés ou des efforts accrus peuvent aussi être pris en compte pour autant qu'ils soient susceptibles d'une évaluation patrimoniale17. A contrario, un dommage purement moral non susceptible d'évaluation pécuniaire ne constitue pas un appauvrissement selon la théorie de l'enrichissement sans cause.
L'enrichissement et l'appauvrissement doivent être corrélatifs ce qui signifie que les deux doivent procéder de la même cause : le fait à l'origine de l'enrichissement doit être identique au fait qui a créé l'appauvrissement18.
L'enrichissement doit être la conséquence nécessaire de l'appauvrissement et inversement.
Le lien de causalité s'établit, comme en matière de responsabilité civile, sur base de la théorie de l'équivalence des conditions. Il appartient donc au demandeur de démontrer que, sans l'appauvrissement, l'enrichissement ne se serait pas produit tel qu'il s'est réalisé in concreto19. Il n'est toutefois pas requis que les montants respectifs de l'enrichissement et de l'appauvrissement soit strictement équivalents20.
Par ailleurs, il a été jugé qu'un généalogiste qui fait connaître l'ouverture d'une succession à un héritier qui l'ignorait peut invoquer la théorie de l'enrichissement sans cause pour obtenir le remboursement des dépenses qu'il a exposées ainsi qu'une indemnité pour le temps consacré à la recherche s'il parvient à démontrer que son intervention était nécessaire pour que l'héritier ait connaissance de la succession et qu'il n'aurait pu en avoir connaissance par d'autres moyens21.
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12. H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge. Les obligations, t.III, 3ème éd., Bruxelles, Bruylant, 1967, p.47, n°37.
13. Ibidem.
14. C. Maar « L'enrichissement sans cause : un fondement d'équité sous une apparente rigueur » in Les sources d'obligations extracontractuelles, Bruges-Bruxelles, la Charte, 2007, p.216.
15. A. Deleur, E. Monteroet A. Putz, « Les quasi-contrats », Obligations - Traité théorique et pratique, Suppl. 15, Bruxelles, Kluwer, 2009, p.II.4.3-4.
16. Voy. C. Goux, « Enrichissement sans cause, concubinage et cohabitation légale: conséquences de la loi réglant la cohabitation légale sur l'application de l'action de in rem verso », R.G.D.C., 2001, p. 4.
R.G.D.C. 2001, 4-32.
17. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, Bruylant, Bruxelles, 2010, p. 1115.
18. C.Maar, «L'enrichissement sans cause : un fondement d'équité sous une apparente rigueur » in Les sources d'obligations extracontractuelles, Bruges-Bruxelles, la Charte, p.216.
19. A. Deleur, E. Montero et A. Putz, « Les quasi-contrats », Obligations - Traité théorique et pratique, Suppl. 15, Bruxelles, Kluwer, 2009, p.II.4.3-4.
20. Ibidem
21. Bruxelles, 26 février 1969, Pas., 1969, II, p. 117.