Une des causes importantes des troubles entre voisins est la réalisation de travaux. Il n'est pas rare que lorsqu'un maître de l'ouvrage fasse appel aux services d'un entrepreneur, la réalisation de travaux cause un trouble de voisinage excessif rompant l'équilibre entre voisins. La question est alors posée de savoir quel rôle va jouer cet entrepreneur dans le litige de voisinage.
Il convient directement de préciser une chose fondamentale. Les professionnels de la construction que sont les architectes, les entrepreneurs ou encore les ingénieurs ne peuvent, en règle, jamais être créanciers ou débiteurs de l'obligation de réparer un trouble de voisinage. En effet, on sait que la théorie des troubles de voisinage se fonde, d'un point de vue personnel, sur l'existence d'un droit de jouissance. Or, ces professionnels ne sont pas titulaires d'un tel droit 15.
Cela veut dire que le voisin troublé pourra se retourner, sur base de la théorie des troubles de voisinage, uniquement contre le maître de l'ouvrage. Ce dernier doit une juste et adéquate compensation, rétablissant l'égalité rompue si le trouble lui est imputable. Or, ce trouble peut lui être imputé en tant que maître de l'ouvrage ayant décidé de faire réaliser des travaux, et ce, même si le dommage causé a pour origine la faute d'un tiers 16.
Quant au professionnel, il ne peut, en règle, voir sa responsabilité engagée par le voisin troublé que sur base de la responsabilité extracontractuelle. En tant que professionnel, il sera tenu des fautes qu'il a commises dans la réalisation des travaux à lui confiés.
Il convient toutefois d'apporter deux précisions.
D'une part, la théorie des troubles de voisinage et le régime de la responsabilité pour faute prévue dans le Code civil ne s'excluent pas. Le juge peut dès lors condamner le voisin au paiement d'une indemnité compensatoire en raison d'un trouble dépassant les inconvénients ordinaires du voisinage, mais également le professionnel pour la faute qu'il a commise. Ce dernier pourra devoir garantir le maître de l'ouvrage, tenu de l'indemnité compensatoire, dans la mesure où sa faute entraine l'obligation pour le maître de l'ouvrage de compenser la rupture d'équilibre entre voisin 17.
D'autre part, les règles relatives à la théorie des troubles de voisinage ne sont pas d'ordre public. Le maître de l'ouvrage et le professionnel peuvent donc prévoir contractuellement que l'obligation de compenser le trouble anormal de voisinage sera prise en charge par l'entrepreneur chargé de l'exécution des travaux18. Pareille clause est valable pour autant qu'elle soit libellée expressément et clairement dans le contrat. En cas de doute, c'est le maître de l'ouvrage qui sera tenu de compenser le déséquilibre créé.
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15. Cass., 28 janvier 1965, Pas., 1965, I, p. 521.
16. Cass., 24 avril 2003, R.G.A.R., 2004, n° 13.937.
17. Cass., 14 juin 1968, Pas., 1968, I, p. 1177.
18. Cass., 29 mai 1975, Pas., 1975, I, p. 934.