L’adoption de l’arsenal législatif antiterroriste dans les années 2000 ne fut pas étrangère à la vague de choc et de terreur, qui déferla suite aux attentats du 11 septembre 2011. Ces derniers accélérèrent la tendance vers une surveillance accrue des populations et des restrictions des libertés des individus. 19 Un contexte non propre à la Belgique, qui s’inscrivit dans un mouvement international.
L’affaire des 19 prévenus belges fournit une illustration de la loi antiterroriste du 19 décembre 2003 relative aux infractions terroristes. Cette dernière « développe un délit d’appartenance. » 20 Il suffit d’être lié à un groupe qualifié de terroriste pour être poursuivi. En outre, l’élément objectif de l’infraction terroriste, qui est l’acte violent, côtoie un élément subjectif, qui est l’intention qui se cache derrière pareil acte. Un dernier élément laissant des largesses d'application de la loi.
Certains opposants à la législation craignent les dérives liberticides de l’appareil législatif destiné à réprimer le terrorisme. S'il ne subsiste aucun doute sur l'attitude radicale et violente de certaines personnes en cause dans le procès actuel ; d'autres prévenus dans des affaires ultérieures vécurent des atteintes à leur dignité humaine, sans présenter une dangerosité apparente. Plusieurs failles se dessinent tant dans les procédures que dans les dispositions légales.
La libération d'un membre belge du DHKP-C survenue en ce début de semaine nous rappelle un procès pour infractions terroristes aux mille revers. Le verdict final requerra trois jugements en appel, la Cour de cassation balayant les deux premiers. Ces aléas résultent sans doute d’une place trop large accordée à l’interprétation de la loi, tout comme d’une marge de manœuvre trop importante laissée aux procureurs et forces de l’ordre.
Certes, tant la loi du 19 décembre 2003 que la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 13 juin 2002, pour ne citer qu'elles, renvoient aux droits de l'homme et libertés fondamentales. D'autres garanties plus primaires, dont la Convention européenne des droits de l'homme par exemple, protègent aussi de dérives exécutives. Est-ce suffisant au regard de certaines pratiques ?
Les autorités publiques s'arment de législations diverses, aux connexions interétatiques, dans la lutte contre le terrorisme. Chaque pas vers la prévention et la répression peut malmener les libertés fondamentales. Mettant en danger la sécurité juridique, le droit à une vie privée, à un procès équitable,... La légitimité de protéger les citoyens se heurte à la sauvegarde de leurs droits et libertés les plus essentiels. Un équilibre difficile, qui demande non seulement la vigilance des juges, mais aussi de chaque citoyen.
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19. PAYE, Jean-Claude, « Belgique : une ‘‘lutte antiterroriste’’ ordinaire » in Pyramides, 16/1, 2008, 145/168.
20. Ibid.