Lorsque le contrat de bail n’a pas une date certaine antérieure à l’aliénation, le droit commun dispose que l’acquéreur peut expulser le locataire sans devoir lui payer aucune indemnité 14. La seule exception à cela consiste en l’existence d’une clause dans l’acte d’aliénation stipulant que l’acquéreur s’engage à respecter le bail en cours.
En matière du bail commercial, le législateur déroge partiellement à ce constat. Concrètement, il distingue les cas en fonction de la durée d’occupation des lieux par le preneur. Selon que celui-ci occupe les lieux depuis six mois au moins ou non, il pourra ou ne pourra pas bénéficier de la protection instaurée par le législateur. Les six mois en question sont ceux qui précèdent la transcription de l’acte d’acquisition 15.
1) Le preneur n’occupe pas les lieux depuis six mois au moins
Dans ce cas de figure, la protection de la loi sur les baux commerciaux ne joue pas. On en revient au droit commun en vertu duquel le bail est inopposable à l’acquéreur. En conséquence, le preneur peut être expulsé sans motif, à tout moment et sans qu’aucune indemnité ne lui soit due. Le seul recours dont pourrait disposer le locataire est une action à l’encontre du précédent bailleur qui a violé son obligation de faire jouir paisiblement le locataire 16.
Il existe cependant une exception à ce qui vient d’être dit. L’acte de transmission peut contenir une clause d’entretien du bail qui le rend opposable à l’acquéreur et en vertu de laquelle ce dernier s’engage à respecter le contrat de louage 17.
2) Le preneur occupe les lieux depuis six mois au moins
Si le bail n’a pas une date certaine antérieure à la transmission mais que le preneur occupe les lieux depuis six mois au moins, la loi lui accorde une protection tout à fait originale par rapport au droit commun.
En fait, cette protection est la même que celle prévue lorsque le bail a une date certaine antérieure et contient une clause d’expulsion au profit de l’acquéreur.
Il appartient au locataire de démontrer sa réelle occupation des lieux par toutes voies de droit. Néanmoins, le législateur impose que le preneur ait occupé les lieux en qualité de locataire 18. Cela implique que le preneur doit prouver non seulement sa présence dans l’immeuble mais également que cette présence soit justifiée par son droit de locataire des lieux.
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14. Article 1750 du Code civil.
15. De Page, Traité élémentaire de droit civil, Complément, t. IV, vol. III, 1952, p. 198, n° 791ter, note 3.
16. Article 1719, 3° du Code civil.
17. G. Benoit, I. Durant, P. Jadoul et M. Vanwijck-Alexandre, Le bail de résidence principale, Bruxelles, La charte, 2006, p. 429.
18. Ann. parl., Chambre, sess. ord. 1950-1951, séance du 20 février 1951, p. 28.