Un élément fondamental de la relation de confiance entre un patient et un médecin est le respect de la vie privée du patient. Ce droit du patient au respect de sa vie privée est prévu par l’article 10 de la loi du 22 août 20021 qui stipule que « le patient a droit à la protection de sa vie privée lors de toute intervention du praticien professionnel, notamment en ce qui concerne les informations liées à sa santé. Le patient a droit au respect de son intimité. Sauf accord du patient, seules les personnes dont la présence est justifiée dans le cadre de services dispensés par un praticien professionnel peuvent assister aux soins, examens et traitements.
Aucune ingérence n'est autorisée dans l'exercice de ce droit sauf si cela est prévu par la loi et est nécessaire pour la protection de la santé publique ou pour la protection des droits et des libertés de tiers2 ».
Les médecins, à l’instar d’autres professions, sont tenus par le secret professionnel. En règle, ils ne peuvent divulguer aucune information relative à leurs patients et dont ils ont eu connaissance dans le cadre de leur fonction3. Ces informations sont évidemment médicales mais peuvent également concerner d’autres aspects de la vie du patient4.
Le secret qui recouvre la relation patient-médecin s’explique par la nécessaire assurance que doivent avoir les patients de pouvoir se confier à leur médecin et lui communiquer des informations personnelles en toute discrétion5.
La violation du secret médical est érigée en infraction pénale à l’article 458 du Code pénal, lequel prévoit que les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes6 dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice (ou devant une commission d'enquête parlementaire) et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de 100 € à 500 €7.
Précisions que les données couvertes par le secret médical sont celles que le médecin a vues, connues, apprises, constatées, découvertes ou surprises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa profession8, ainsi que tout ce que le médecin pourra connaître ou découvrir à la suite d’examens ou d’investigations auxquels il procède ou fait procéder9.
Cela étant dit, il existe plusieurs exceptions légales obligeant le médecin à dévoiler les informations médicales recueillies auprès de son patient10.
Parmi les exceptions qui autorisent la violation du secret médical figure l’hypothèse où le médecin est entendu comme témoin dans le cadre d’une procédure judiciaire.
La Cour de cassation a, en effet, jugé qu’« un témoin appelé à déposer en justice au sujet de faits couverts par le secret professionnel peut révéler ceux-ci s’il estime devoir le faire. Il ne peut être contraint à parler s’il estime devoir garder le secret. Il apprécie lui-même l’opportunité de sa décision, même s’il est délié de son secret professionnel, à la condition que le juge estime que, compte tenu des éléments de la cause, ce témoin ne détourne pas le secret professionnel de son but en gardant le silence »11.
Il en va de même lorsque le médecin est mis en cause dans une procédure judiciaire12. Il est, dans ce cas, autorisé à divulguer des informations médicales pour se défendre13.
Une autre hypothèse dans laquelle la protection du secret médical disparaît est celle où la loi impose la communication des données médicales. C’est notamment le cas dans le cadre de la législation sur l’assurance Maladie-Invalidité, la délivrance de certificats médicaux en exécution des prescriptions légales relatives aux contrats d'assurance terrestre, la délivrance de rapports à l'assistant de justice en exécution d'une convention liant l'assistant de justice, le patient et le médecin, conclue dans le cadre d'une libération conditionnelle, d'une détention préventive, d'un sursis d'exécution de la peine, d'une mesure de probation ou d'une médiation pénale, la communication, dans le cadre de la loi du 31 mars 2010 relative à l’indemnisation des dommages résultant de soins de santé, aux médecins du Fonds des accidents médicaux des documents et informations nécessaires à l'exercice de leur mission légale14.
Concernant les mineurs, il est utile de préciser que si un médecin soupçonne qu'une personne vulnérable est maltraitée, abusée, exploitée, harcelée ou subit des effets d'une négligence, il doit immédiatement faire le nécessaire pour protéger cette personne. De plus, si la situation le justifie, et pour autant que la personne vulnérable capable de discernement y consente, le médecin s'adressera à un confrère compétent en la matière ou fera appel à une structure pluridisciplinaire spécifiquement établie pour gérer cette problématique.
Si la personne vulnérable est menacée par un danger grave et imminent ou s'il y a des indices graves d'un danger sérieux et réel que d'autres personnes vulnérables soient victimes de maltraitance ou négligence et que le médecin n'a pas d'autre moyen d'offrir une protection, il peut avertir le procureur du Roi de ses constatations15.
A cet égard, un article 458bis a été inséré dans le Code pénal par la loi du 28 novembre 200016 prévoyant que toute personne qui, par état ou par profession, est dépositaire de secrets et a de ce fait connaissance d'une infraction prévue aux articles 371/1 à 377, 377quater, 392 à 394, 396 à 405ter, 409, 423, 425 et 42617, qui a été commise sur un mineur ou sur une personne qui est vulnérable en raison de son âge, d'un état de grossesse, de la violence entre partenaires, d'une maladie, d'une infirmité ou d'une déficience physique ou mentale peut, sans préjudice des obligations que lui impose l'article 422bis, en informer le procureur du Roi, soit lorsqu'il existe un danger grave et imminent pour l'intégrité physique ou mentale du mineur ou de la personne vulnérable visée, et qu'elle n'est pas en mesure, seule ou avec l'aide de tiers, de protéger cette intégrité, soit lorsqu'il y a des indices d'un danger sérieux et réel que d'autres mineurs ou personnes vulnérables visées soient victimes des infractions prévues aux articles précités et qu'elle n'est pas en mesure, seule ou avec l'aide de tiers, de protéger cette intégrité18.
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1. Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, M.B., 26 septembre 2002, p. 43719.
2. Article 10 de la loi du 22 août 2002.
3. Cass., (2e ch.), 2 juin 2010, Pas., 2010, liv. 6-8, 1698.
4. Bruxelles, 23 octobre 1990, J.T., 1991, p 496.
5. Cass., 16 décembre 1992, Pas., 1992, I, p. 1390 ; G. Genicot, Droit médical et biomédical, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 221 ; Cass., 19 janvier 2001, J.L.M.B., 2002/1, p. 24.
6. Voyez à cet égard Cass., 9 février 1988, Pas., 1988, I, p. 662.
7. Article 458 du Code pénal.
8. Cass., (2e ch.) 3 septembre 2014, Rev. dr. pén. 2014, liv. 12, 1273, concl. VANDERMEERSCH, D.
9. Articles 56 et 57 du Code de déontologie médicale.
10. Voyez : P. Lambert, « Le secret médical : questions pratiques », in Les frontières juridiques de l’activité médicale, Actes du colloque du 8 mai 1992, Liège, Editions du Jeune Barreau de Liège, p. 119.
11. Cass., 29 octobre 1991, Pas., 1992, I, p. 162.
12. Voyez à ce sujet : B. Dejemeppe, « Chapitre VII. - Le secret médical et la justice » in À la découverte de la justice pénale, Bruxelles, Éditions Larcier, 2015, p. 235-272.
13. Cass., 5 février 1985, Pas., 1985, I, p. 670 ;Cass., 22 décembre 1992, Pas., 1992, I, p. 1402.
14. Article 58 du Code de déontologie médicale.
15. Article 61 du Code de déontologie médicale.
16. Loi du 28 novembre 2000 relative à la protection pénale des mineurs, M.B., 17 mars 2001, p. 08495.
17. L’attentat à la pudeur, le viol, l’homicide et les lésions corporelles volontaires, la mutilation des organes génitaux féminins, le délaissement ou l’abandon d’enfants, la privation d’aliments et de soins.
18. Voyez : G. Genicot, « L’article 458bis nouveau du Code pénal : le secret médical dans la tourmente », J.T., 2012, pp. 717 à 725 ; Mons, 19 novembre 2008, Red. dr. santé, 2009-2010, 19, note Colette-Basecqz.